Keira Messaoudène, commissaire principale, chargée du bureau national de la protection de l’enfance et de la délinquance juvénile à la direction de la police judiciaire revient dans cet entretien accordé au Midi Libre sur les différentes formes de violence faites aux enfants.
Quel est le nombre d’enfants et adolescents victimes des différentes formes de violences à l’échelle nationale ?
Keira Messaoudène : Pour les dix mois de l’année en cours, le nombre d’enfants victimes de violence atteint 4.612 cas, à savoir 2.852 cas enregistrés chez la classe masculine et 1.760 pour les filles, et ce à travers le territoire national. Les violences physiques occupent le premier rang avec pas moins de 2.678 victimes. Pour ce qui est des violences sexuelles, qui sont incluses dans la case des violences de type physique, elles représentent plus de 50% des cas constatés, avec 1.359 enfants violentés sexuellement. Outre, 374 cas de mauvais traitements ont été constatés, durant cette même période, à l’égard des enfants. Concernant les enlèvements et détournements de mineurs, la direction de la Police judiciaire a enregistré 157 cas. Sur ce dernier nombre, je tiens à préciser qu’il ne représente pas les chiffres exacts.
Que voulez vous dire, exactement, par là ?
Parfois, les adolescents, généralement les jeunes filles, fuguent de chez eux. Dès qu’ils se rendent compte de leur erreue, ils prétendent avoir été enlevés.
Quelle sont les régions les plus touchées par ce phénomène? Et quelle est la tranche d’âge des victimes ?
Les grandes villes sont les plus touchées par la violence. La capitale en premier lieu, suivie des autres grandes villes, à l’instar de Constantine et d’Oran. En ce qui concerne la moyenne d’âge des victimes, elle se situe entre moins de 10 ans à 18 ans.
Selon ces chiffres, plus de 100 enfants sont violentés sexuellement chaque mois, soit quelque 4 enfants par jour. Pouvons-nous dire que les violences sexuelles prennent de l’ampleur dans notre société ?
Il est vrai que les violences sexuelles prennent de l’ampleur, par ces chiffres, d’une part. De l’autre, il faut dire que ce n’est pas le phénomène qui est en hausse, mais ce sont les victimes qui commencent à casser les tabous et à d’adresser à l’autorité. Autrement dit, c’est le nombre de plaintes qui est en hausse et pas celui des victimes.
D’après votre expérience quelle sont les causes principales ayant fait se propager ce phénomène inquiétant ?
Je dirais que la cause principale ayant mené à toutes ces formes de violence serait une crise morale dont la société algérienne souffre. D’autres raisons s’affichent également dans ce sens telle la frustration engendrée par Internet et les paraboles. De même, la « culture » de non signalement, l’incivisme ainsi que l’irresponsabilité de certains parents demeurent des causes majeures.
Pouvons-nous dire, donc, que le coupable est lui-même victime? Danc ce cas qui est, selon vous, responsable de ces faits ?
Les enquêtes menées par la Police judiciaire ont fait savoir que les parents ont une part de responsabilité dans ces actes. D’abord il faut mettre en évidence que le prédateur sexuel n’a pas de profil. C’est-à-dire qu’il ne peutb pas être repéré facilement. Le prédateur peut être un célibataire comme il peut être marié, employé ou sans emploi, etc. Face à cela, les parents ne doivent pas laisser leurs enfants seuls, notamment dans des endroits isolés.
Quelles sont les actions entreprises par vos services pour pallier ces difficultés ?
La Police judiciaire agit dès qu’une plainte est déposée ou sur renseignements. Pour cela je tiens à souligner que seule la culture de signalement, le civisme ainsi que casser les tabous en déposant des plaintes sont incontestablement les pièces maîtresses pour faire face à ce phénomène qui, je le rappelle, est vraiment difficile à identifier. Pour ce qui est de l’inceste, on a enregistré 18 cas, dont 14 filles. Mais, personnellement, je pense que cela ne reflète pas la réalité car les gens n’ont pas encore brisé ce tabou.
Avez-vous un appel à lancer, Mme Messaoudène ?
Mon appel est qu’il faut retrouver les valeurs et principes d’autrefois. La communication et la citoyenneté demeurent la clef essentielle pour lutter contre tous les maux sociaux.
Par : Ahmed Bouaraba