C’est avec un immense plaisir qu’on retrouve Karim Ziani, à chaque fois dans Le Buteur. Que ce soit en Algérie, en France, en Allemagne ou ailleurs, nos rencontres avec lui ont toujours été intéressantes, tant l’homme est franc, droit et intelligent. Cette fois, la visite s’est faite chez lui, à Kayseri, dans le luxueux appartement que le club turc a mis à sa disposition au 4e étage de l’ERAS EVELERI Bloc A, dans le quartier le plus chic de la ville, dénommé Kayseri Parc.
Quand il est en totale confiance, Ziani enchante
Fidèle à ses principes, Karim Ziani n’a rien voulu dévoiler de l’intérieur de sa vie. «Ma vie privée ne regarde personne. Je vis comme tout le monde et il n’y a pas de raison que je montre comment je vis chez moi», a-t-il toujours répété pour garder ses distances avec les médias poliment. Il ne sera donc pas question de dévoiler un poil de ce qu’il ne tient pas à montrer dedans. Mais Karim sait distiller de la matière lorsqu’il est dans de bonnes conditions. Et cela ne peut se faire que quand il est en totale confiance. Là, il commence à ouvrir et fermer au rythme du sang chaud qui bouillonne dans ses veines, à l’évocation de l’Algérie et des intérêts de l’EN qu’il place au-dessus de toute autre considération.
Une réflexion qui force l’admiration
Avant de nous accorder cette interview, Karim nous a demandé d’oublier cette nuit-là, le travail et le journal, afin de passer un moment sans micro ni flashs. Une discussion à cœur ouvert s’enclencha dès lors, sans protocole et où tout pouvait être dit. C’est là, loin des balises fictives qui freinent les vérités qu’on découvre la générosité et la franchise de l’homme. Sans en dévoiler le contenu de notre discussion, bien évidemment, on peut vous assurer que Ziani n’est pas le patron des Verts pour rien. Juste dans ses jugements, même si cela se fait aux dépends de son image, il n’hésite pas à dire les choses crument, mais de manière tellement pointilleuse que l’on ne peut qu’admirer la réflexion.
Patrie, respect et honneur
Ce n’est que le lendemain matin au réveil que l’entretien que vous avez entre les mains a eu lieu. Un tête-à-tête dans lequel Ziani est resté fidèle à ses positions à tous les niveaux. En fait, pour comprendre pourquoi le peuple adore tant ce bonhomme, il suffit de prendre trois éléments comme fils conducteurs et tenter de suivre le raisonnement de Karim en les gardant en mémoire. Il s’agit de la patrie, respect et l’honneur. C’est de là que naissent les valeurs chères à l’homme et c’est avec cela qu’il juge et déjuge les gens.
Une maturité déconcertante
C’est un Karim Ziani épanoui et surtout apaisé qu’on a donc retrouvé à Kayseri lundi et mardi derniers. Cela se voyait dans son comportement et dans sa manière de parler qui détonne avec son âge si jeune. Incontestablement, le patron des Verts a beaucoup mûri. Mais il sait aussi déconner avec son ami Nordin Amrabat, le Marocain du Kayseri, avec qui il partage la chambre au centre d’entraînement. C’est lui son complice sur le terrain et en dehors. D’ailleurs, il a trouvé en Karim un de ses plus grands défenseurs, afin de plaider sa cause pour une sélection avec les Lions de l’Atlas.
Amrabat et Ziani cassent
les barrières
Les deux coéquipiers se sont retrouvés naturellement et rien qu’à les voir se taquiner et rigoler ensemble, on comprend que leur amitié est sincère. Aussi sincère que celle qui lie leurs deux peuples, à quelques semaines de ce match retour explosif, mais qui n’a pas débordé comme l’espéraient ceux qui nous attendaient au tournant. Ceux-là ne devraient pas voir Ziani et Amrabat faire les fous dans la chambre, dans une langue commune que seule leur sincérité aurait pu inventer, pour casser les barrières, toutes les barrières.
Il a fait venir son ami Farid pour vivre avec lui
Comme Karim Ziani n’a pas encore emmené sa petite famille à Kayseri, il a demandé à un de ses meilleurs amis de venir passer quelques jours avec lui. Mais la complicité entre les deux potes aidant, Farid Ayache a été convaincu par son pote d’enfance de prolonger son séjour à Kayseri, histoire de lui tenir compagnie et lui faire oublier un peu la solitude après les entraînements. Du coup, Farid passe son cinquième mois avec Karim !
Ziani déplore le délaissement du foot en salle chez les jeunes
Karim Ziani adore le foot en salle, à tel point qu’il nous a confié que lorsqu’il était petit, il terminait l’entraînement avec son club, puis courrait vite vers la salle du quartier pour jouer un match avec les potes. «Souvent, je le faisais en cachette de mon père, parce qu’il n’aimait pas me voir jouer la veille des matchs, par crainte de blessure», nous a-t-il dit. Mais rien ne pouvait l’empêcher de le faire. Ziani déplore que les jeunes d’aujourd’hui n’aient pas suffisamment de salles. «C’est fou comme ça aide les jeunes à progresser», assure-t-il. Espérons qu’une oreille attentive ait entendu son message en haut lieu.
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Amrabat emmène souvent Ziani au 10e !
Quand ils rentrent le soir pour aller dormir, Ziani et son ami Amrabat, qui habitent tous les deux le même immeuble, ont un rituel marrant qui fait que le premier qui appuie sur le bouton de son étage quittera l’ascenseur avant l’autre. Et comme Amrabat n’aime pas rester seul jusqu’au 10e étage, il s’active à chaque fois à presser sur le numéro 10 pour emmener avec lui Karim. «J’aime bien discuter avec lui jusque devant mon palier», plaisante l’Amazigh du Rif marocain.
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Une langue multinationale entre Ziani et Amrabat
Ziani l’Algérien parle un peu arabe, français et quelques bribes d’anglais en plus de poussières d’allemand. De son côté, Amrabat est un Amazigh du Rif marocain, situé dans le nord, il parle aussi un tout petit peu arabe et beaucoup le néerlandais où il est né. Mais comment pouvaient-ils faire pour s’entendre avec ce très peu de culture linguistique commune ? Tous leurs proches étaient curieux de déchiffrer le langage qui leur fait tenir ces longues discussions dans la chambre, au restaurant ou dehors quand ils sortent ensemble. L’explication, c’est Karim qui la donne dans l’interview ci-contre et dans laquelle il dévoile les secrets de cette langue multinationale qu’ils ont créée sur mesure pour s’entendre.
Ziani : «Par respect pour lui, c’est mon père qui décide où je vais signer»
Comment vous sentez-vous à Kayserispor, après cinq mois dans ce club ?
Hamdoullah, je me sens bien. Je suis dans un club paisible et les dirigeants font tout pour que le joueur soit mis dans les meilleures conditions. Ça se passe plutôt bien, même si on a raté l’objectif tracé en début de saison, qui est l’Europa League. Mais il faut dire qu’on a eu beaucoup de pépins avec des blessures parmi les joueurs clés de l’équipe, ce qui a poussé l’entraîneur à faire pratiquement du rafistolage tout au long de la saison. C’était difficile d’aligner la même équipe chaque week-end. Mais sinon, ça se passe bien dans l’ensemble.
Est-ce que les dirigeants sont un peu déçus du fait que l’objectif de l’Europa League n’a pas été atteint ?
Un peu comme nous tous, mais ils ont vécu la situation de l’équipe tout au long de la saison et ils savent donc que cette année, c’était difficile de rivaliser avec les équipes de tête. Mais le Kayserispor est un club qui monte et les dirigeants veulent voir plus haut à l’avenir.
Que pouvez-vous nous dire sur la ville de Kayseri ?
Vous savez, je n’ai pas trop eu le temps de visiter la région, du fait que je sois tout le temps à l’entraînement ou aux matchs. Mais c’est un endroit très agréable avec, à dix minutes de la ville, une station de ski, même si mon métier m’interdit d’en faire. Et entre nous, je ne sais pas en faire du tout (il se marre). Il y a aussi des grottes merveilleuses situées à une heure d’ici et qui sont vraiment impressionnantes. Sinon, les gens sont très accueillants, tout comme la ville qui est propre et qui offre toutes les commodités, dont un tramway et des voies larges pour les véhicules. Il y a aussi des sites qu’on m’a recommandé de visiter. Non, la région est vraiment belle.
Après l’Allemagne, vous débarquez en Turquie. Comment avez-vous trouvé la mentalité des Turcs ?
Ce sont des gens très chaleureux qui aiment beaucoup le football et qui sont très disciplinés dans ce qu’ils font. Au club, dès qu’on a besoin de quelque chose, ils sont présents. C’est un peuple très gentil dans l’ensemble. C’est paisible à vivre ici. Le seul souci que je rencontre reste la langue qui est très difficile à apprendre.
Vous vous améliorez un peu en turc ?
Oh, très peu. Ça ne vient pas encore. Je n’ai pas encore bouclé l’année ici…
Qu’avez-vous appris par exemple ?
Franchement, les traditions des Turcs ressemblent beaucoup à celles qu’on a en Algérie. J’ai appris à dire merci qui est « Tashakur », à demander de l’eau : « Sou »… Après, il y a des mots qui ressemblent à l’arabe et qui sont faciles à déchiffrer, comme « Dakika » qui veut dire une minute. On sent qu’il y a eu des échanges entre nous et ce peuple. Mais dans une discussion entre Turcs, je ne comprends toujours rien, malheureusement.
Parlez-nous un peu de la passion des Turcs pour le football…
Ah, ils aiment beaucoup le football partout en Turquie, mais encore plus dans les grandes villes comme Istanbul où il y a les grands clubs. Ici à Kayseri, hamdoullah, on te laisse bosser tranquillement. Mais ils aiment tout autant le football. C’est tout le charme de ce championnat, parce que tu joues dans des stades pleins avec une grosse ambiance tout au long du match. Même quand le stade n’est pas beau, tu ne le remarques même pas parce que les tribunes sont pleines. Les pelouses aussi sont impeccables dans l’ensemble. A ce niveau, franchement, les Turcs n’ont rien à envier aux Européens.
On suppose qu’aujourd’hui, dans la rue, les gens vous abordent déjà, non ?
Oui, mais ils respectent beaucoup l’intimité des footballeurs. Ils te saluent de la main de loin ou, de temps en temps, ils viennent te demander une photo. Mais ce ne sont pas des gens qui viendront te harceler. Tu peux marcher tranquillement dans la rue, sans être importuné.
Pas comme en Algérie ?
(Il rigole). Mais quand tu vas à Istanbul, c’est pareil qu’en Algérie. Mais cette ville de Kayseri est tranquille, donc ça va…
Quelles sont vos relations avec les médias turcs ?
Je n’en ai pas beaucoup, parce que je ne parle pas encore turc. Et puis, celui qui faisait les traductions, Souleymani, notre gardien de but camerounais, s’est blessé ces derniers temps. Donc, il n’a pas joué depuis longtemps. Du coup, ça devient difficile de part et d’autre pour le moment.
Sinon, quand vous voyez votre photo dans les journaux, ça vous tente de comprendre ce qu’on pense de vos prestations, non ?
A vrai dire, quand je vois ma photo, c’est en général les lendemains de matchs et moi, je sais très bien si mon rendement a été bon ou pas, même si c’est toujours utile d’avoir une critique extérieure. Mais je pense que chaque joueur sait en fin de match s’il a été bon ou pas. Ceci dit, c’est vrai que je suis toujours curieux de savoir ce qu’on pense de mes prestations. Malheureusement, je ne sais pas encore lire le turc pour comprendre.
Qui a fait des progrès de langue, vous ou Amrabat ?
Ni l’un ni l’autre ! On est tous les deux nuls ! (Il se marre).
Comment vous arrivez à vous entendre, Amrabat et vous ?
Déjà, il ne parle pas très bien arabe, puisque c’est un Chleuh qui a vécu toute sa vie aux Pays-Bas. On essaie de communiquer comme on peut, en usant d’un peu d’anglais, un peu d’arabe avec quelques mots de néerlandais qui ressemble quelque peu à l’allemand que je parle également très peu. On parle donc dans une langue multinationale ! Mais on arrive toujours à se débrouiller et c’est cela l’essentiel.
Vous apprenez avec lui un peu l’arabe ?
C’est lui qui apprend avec moi, oui ! Mais quoi qu’il arrive, on tient des discussions normales dans notre langue multinationale. On rigole tout le temps et on s’entend vraiment bien.
Comment expliquez-vous qu’un joueur aussi talentueux qu’Amrabat ne soit pas retenu dans la sélection du Maroc ?
Déjà, pour nous, c’est une très bonne chose, parce que c’est un joueur vraiment talentueux. Il est difficile à marquer sur les côtés. Moi je dirais inch’Allah, il sera sélectionné, mais… après notre match contre le Maroc (il se marre franchement). Très sérieusement, je pense qu’il mérite vraiment d’être sélectionné avec l’équipe du Maroc. Il a largement le potentiel pour cela.
On pourrait penser que comme l’Algérie n’est pas aussi acculée comme à Annaba, il y a un petit risque de voir l’EN se relâcher et se faire avoir à Marrakech, du moment qu’elle nous a habitués à n’être au top que sous pression…
Je ne le pense pas, pour la simple raison que ce match reste avant tout un grand derby régional. Il n’y a donc aucun risque de relâchement. C’est un match à gagner, point barre. Ça vaut trois points et c’est une assurance pour la suite du parcours. On n’a pas le droit de se relâcher. On a commencé le boulot, on se doit donc de le finir. Si on peut aller gagner au Maroc, il faut y aller pour le faire. Mais on ne sait pas de quoi sera fait demain. On peut tomber sur une grande équipe du Maroc qui va sortir le match qu’il faut et nous battre. Comme on peut aussi être au top ce jour-là et gagner chez eux. En tout cas, il faudra mettre tous les moyens de notre côté pour faire un bon résultat là-bas. Car ça nous fera du bien d’abord psychologiquement pour le reste de la compétition et en même temps, ça va les tuer… Vous savez très bien que si vous perdez un match à domicile, il faudra oublier la qualification. Car après, il faudra aller chercher les points à l’extérieur ! Et il n’y a plus de match facile…
Les Marocains ont eu l’avantage d’avoir gagné à l’extérieur face à la Tanzanie…
Mais ils ont fait match nul à domicile…
Tout comme l’Algérie…
Oui, mais nous, on n’a pas perdu à domicile… Vous voyez ce que je veux dire ? C’est à la maison que tu construis ta qualif’. Pour moi, c’est ça. Surtout en Afrique. Car on est dans l’aléatoire quand on va dans certains pays d’Afrique. On va jouer des matchs très difficiles, sans savoir ce qui va se passer. Il peut y avoir une température de 40° Celsius, le terrain peut être catastrophique, l’arbitrage aussi, il y a souvent un fort taux d’humidité… On n’a aucune certitude dans ces cas. Chose qui est différente par rapport à un match à domicile. Vous savez, en Afrique du Sud, certains se plaignaient du bruit des vuvuzelas. Nous, on a joué dans des stades encore plus bruyants. De plus, il ne faisait pas très chaud en Afrique du Sud. Parfois on arrivait sur le terrain et on n’avait plus de force pour courir tellement il faisait chaud.
C’est ce qui fait perdre leurs facultés à certains joueurs évoluant en Europe et qui découvrent l’Afrique…
Déjà, quand on vient d’Europe, on sent tout de suite que ce n’est pas pareil. C’est très difficile.
Vous avez passé quelques années avant de comprendre comment jouer dans certains pays d’Afrique, qu’en est-il des nouveaux ?
Oui, j’en parle en connaissance de cause. Il nous a fallu du temps pour savoir comment jouer dans certains pays d’Afrique. Ç’a été long ! Je suis arrivé avant la CAN 2004. On a joué cette CAN, puis, il y a eu beaucoup de changements dans l’équipe. Il a fallu attendre que l’ossature se dessine, avec l’arrivée de Madjid Bougherra, Anthar Yahia, Nadir Belhadj et les autres de la même génération, pour bien s’adapter à l’Afrique. On y avait mis près de quatre bonnes années avant de comprendre et de s’adapter. Il y a eu des matchs qu’on n’aurait jamais perdus si on avait eu cette expérience.
Par exemple ?
Je ne sais pas, il y a une saison où on devait aller gagner au Cap Vert et on a raté ce match. Je me souviens que si on gagnait on était qualifiés, quel que soit le résultat du match suivant contre la Guinée. On menait par 2-1 et à la dernière seconde du match, on se fait rattraper.
En quoi se matérialise aujourd’hui l’expérience acquise depuis ?
Aujourd’hui, on sait que quand on mène à l’extérieur, il ne faut pas se poser de questions. Il faut fermer la boutique et procéder par des contres rapides. Je dirais qu’on est moins naïfs aujourd’hui.
Pensez-vous que le choix des joueurs devrait prendre en compte ce facteur en allant jouer dans certains pays d’Afrique ?
Non, parce que c’est au joueur de s’adapter. Et si le coach ne le met pas dans le bain, il ne réussira jamais à s’adapter et à sentir de lui-même comment corriger ses erreurs, comment gérer ses mouvements pendant le match.
Mais s’ils doivent mettre trois ou quatre ans comme vous pour s’adapter, le train n’attendra pas…
Oui, mais c’est au coach de savoir comment injecter les nouveaux. Si on chamboule tout d’un coup à chaque fois, c’est sûr que ça va être difficile pour l’équipe.
Madjid Bougherra a été sacré champion d’Ecosse encore une fois, alors qu’on ne s’attendait pas vraiment cette saison à voir les Rangers rattraper et dépasser le Celtic. Vous l’avez appelé ?
Oui. On ne s’y attendait pas vraiment, vu que le Celtic était en tête et semblait bien parti pour gagner ce titre. Mais d’un autre côté, les Rangers avaient des matchs en retard et ils comptaient sur ça pour retrouver la première place. De plus, l’équipe ne tournait pas bien sans Madjid qui était blessé, et sans lui, les Rangers ne sont plus les mêmes. Je dis cela car Madjid est, de loin, le meilleur joueur de son équipe. Je suis donc très content pour lui après ce titre et j’espère qu’il va trouver maintenant un club qui va lui donner l’occasion d’en gagner encore d’autres, car j’ai appris qu’il avait des envies de départ d’Ecosse. J’espère que ce sera bénéfique pour lui et pour l’Algérie.
Du côté de Kayserispor ?
Seul Allah le sait.
Mais vous avez envie qu’il vous rejoigne la saison prochaine, non ?
Pour me rejoindre, il va falloir d’abord que je signe. Ce que je n’ai pas encore fait. Mais c’est sûr que j’aimerais avant la fin de ma carrière que je joue aux côtés d’un coéquipier de l’Equipe nationale ou deux. Ça me ferait vraiment plaisir et ce serait aussi bien pour l’EN d’avoir des joueurs qui travaillent les automatismes tous les jours ensemble en club.
Justement, il y a une rumeur qui circule et qui dit que vous êtes derrière l’idée de faire signer deux autres Algériens au Kayseri la saison prochaine. Qu’en est-il réellement ?
Moi, quand on me demande mon avis au club sur ce sujet, la première chose que je fais, c’est de proposer des noms de joueurs algériens, vu que c’est eux que je connais le mieux. Après, moi je suis là juste pour donner les noms. Mais ce sont les joueurs qui font qu’on s’intéresse à eux. C’est grâce à leur talent et à ce qu’ils réalisent avec leur club qu’ils arrivent à séduire. Ce n’est pas moi qui irais dire aux dirigeants : «Voilà, Madjid est un super bon joueur, prenez-le de force». Un bon joueur se défend de lui-même sur le terrain. Quand ils le voient, ils savent très bien que c’est un bon joueur.
Mais vous confirmez que vous avez parlé à Shota, votre coach ?
Ah, oui, j’ai dit au coach de prendre Madjid. Je sais que le club est ambitieux et qu’il cherchait à renforcer l’équipe. Je lui ai donc dit : «Si tu veux les meilleurs, alors prends déjà Madjid Bougherra comme défenseur central !» Après, si Madjid a d’autres propositions plus intéressantes, c’est à lui de faire son choix. Mais quand on m’a demandé mon avis pour jouer la saison prochaine les trois premières places, je n’ai pas hésité un instant. Je leur ai dit de prendre Madjid, car je sais qu’ils ne le regretteront pas.
C’est comme ça qu’ils sont allés le voir à Glasgow ?
Oui, et même que notre coach a déjà joué à Glasgow. Il s’est donc bien renseigné sur lui. Vous savez, vous n’avez qu’à voir un match de Madjid et vous êtes tout de suite convaincu de son potentiel.
Vous avez aussi proposé Mourad Meghni au Kayserispor…
Oui, c’était lors de la trêve, dès mon arrivée au club, en fait. Mourad revenait de blessure et j’ai dit au coach que ce serait une bonne opportunité pour le club de faire venir Meghni. Après, je ne sais pas pourquoi ça n’a pas abouti. De mon côté, j’ai pensé à aider un compatriote qui avait besoin d’un coup de main, parce que je savais qu’il n’allait pas les décevoir. En retrouvant du temps de jeu, je suis sûr que Mourad retrouvera son football et, avec cela, sa place en Equipe nationale.
Est-ce que le club a commencé à recruter pour la saison prochaine ?
Oui, ils ont déjà recruté le gardien remplaçant de l’Equipe d’Argentine. Il y a aussi un attaquant argentin qui revient de blessure et qui est très bon. Il s’appelle Cangele. Je sais aussi qu’ils sont en train de discuter avec d’autres joueurs pour renforcer l’équipe pour la saison prochaine. Ils veulent monter une équipe solide pour jouer carrément le titre. C’est là qu’on voit que c’est un club ambitieux.
Revenons à l’EN. Beaucoup des joueurs dits « nouveaux » nous ont affirmé que vous les avez appelés, surtout ceux qui étaient blessés. Ce rôle de capitaine sans brassard, vous le prenez à cœur ?
Déjà, je pense que c’est mon devoir de prendre des nouvelles de mes coéquipiers en sélection nationale quand ils sont en galère quelque part ou qui sont blessés. Pour moi, c’est une obligation de prendre des nouvelles de ton frère. Si on considère que l’EN est une famille, on se doit de le prouver par des gestes comme ceux-là, en s’appelant entre nous de temps à autre, surtout quand quelqu’un ne va pas bien. Même si tu n’appelles pas tous les jours, tu peux le faire au moins une fois par mois ou tous les deux mois même. Mais au moins qu’on lui fasse penser qu’on est avec lui. Je suis passé par là, moi aussi et je sais que ça fait énormément plaisir. Quand tu es blessé longtemps ou que tu ne joues pas en club, c’est toujours difficile à gérer quand personne ne prend de tes nouvelles. Ces jeunes sont l’avenir de l’EN. Moi, Madjid, Anthar, Nadir, il viendra le jour où l’on arrêtera le football et c’est à eux de prendre la relève et surtout perpétuer ces bonnes manières avec ceux qui viendront par la suite. A eux aussi de faire en sorte de porter les couleurs du pays plus haut. On a tout ce qu’il faut pour faire mieux, car avec autant de bons joueurs, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas encore en Coupe du monde comme les grandes nations du football. L’objectif c’est cela à long terme.
On ne savait pas que vous étiez si proche des nouveaux arrivés…
Non, sans être très proche comme vous dites, on peut juste s’appeler pour demander de nos nouvelles respectivement. On n’est pas obligé de s’appeler tous les jours, mais quand quelqu’un traverse une période difficile, c’est un devoir de l’appeler pour le soutenir dans sa douleur. J’ai par exemple pris des nouvelles de Carl (Medjani) pour savoir si ça avance dans le bon sens pour qu’il trouve un bon club la saison prochaine. J’ai appelé aussi Adlène (Guedioura) et je vois qu’il revient en forme après sa grave blessure. C’est quelqu’un qui travaille beaucoup et qui a énormément de mérite. Je pense que ça lui a fait plaisir aussi que je demande après lui. J’ai également parlé avec Foued (Kadir) qui, lui aussi, revient en force. Ils ont tous les deux marqué avec le club et ça fait vraiment plaisir de les voir aussi compétitifs. Il y a certains nouveaux dont je n’ai pas le numéro de téléphone, mais dont je suis aussi les performances via les médias. Vous savez, dans le foot, ça va très vite et tout le monde pourrait se retrouver dans la même situation du jour au lendemain. Si on ne s’entraide pas entre Algériens…
En tant que patron de l’EN depuis des années, comment évaluez-vous la prestation de vos coéquipiers avant le match de Marrakech ?
Ce qui fait plaisir, c’est que je vois tout le monde revenir à son meilleur niveau. Foued a marqué, Adlène aussi… Ils font le bonheur de leurs équipes. C’est donc très positif. Il y a aussi Riad (Boudebouz) qui est en super forme avec Sochaux. Sans parler de ceux qui étaient déjà bons et qui continuent à être réguliers. Donc, cette bonne forme d’ensemble ne fera que du bien à l’EN avant ce match.
Est-ce que le fait de voir des joueurs d’une équipe qu’on va affronter, afficher la bonne forme, peut perturber un joueur. Est-ce que ça pourrait faire douter les joueurs marocains ou leur mettre un peu plus de pression avant le match du 4 ?
Non, personnellement, je ne fonctionne pas de la sorte. C’est simple, moi, je ne veux même pas penser à eux. Je préfère rester concentré sur notre équipe, nos qualités et notre manière de jouer. Je me dis que si on y met le cœur, dans le football tout devient possible. Tu peux être très fort dans un match et le perdre 1-0, comme tu peux être mauvais et le gagner 1-0. L’important est de réunir tous les ingrédients possibles. Si les Algériens sont en forme, eh bien, tu auras tous les ingrédients pour gagner ce match.
Un attentat à Marrakech, puis un tremblement de terre en Espagne. Deux lieux où vous allez séjourner prochainement. Ça ne fait pas un peu peur ?
(Il sourit). Non, ça c’est de l’extra-sportif. C’est le mektoub. Si on doit partir demain et bien on partira selon la Volonté d’Allah et c’est tout. C’est la vie. De quoi doit-on avoir peur, du destin ? On peut marcher tranquillement, tomber et mourir, comme on peut être dans un attentat et s’en sortir sans la moindre égratignure.
Qu’est-ce qu’il y a de vrai ou de faux dans ce qui se dit au sujet de ton avenir en club pour la saison prochaine ?
La stricte vérité est qu’à ce jour, je n’ai encore rien signé avec Kayseri. J’appartiens toujours à Wolfsburg. Je sais que les deux clubs se sont entendus pour un transfert définitif. Il ne manque que mon accord pour que je reste ici.
Qu’est-ce qu’on vous a proposé au juste à Kayserispor ?
On est en train d’en discuter justement ! Ils se sont mis d’accord sur les grandes lignes, mais il reste à débattre de certaines choses encore. J’ai en fait besoin d’un petit moment de réflexion avec mon père et ma famille. Car si je m’engage avec Kayserispor, il ne faut pas que j’oublie que je vais engager avec moi toute ma famille pour les trois ans à venir. Par respect à toute ma famille, je ne dois pas décider de cela à la va-vite.
Vous attendez d’en discuter avec votre papa, surtout ?
Oui, comme actuellement il est en Algérie, on n’a pas eu l’occasion d’en discuter profondément. Je dois attendre son retour pour le faire et prendre une décision.
Vous comptez prendre votre décision quand ?
A vrai dire, je ne prends jamais de décision sans avoir consulté mon père. Il n’y aura aucune décision tant qu’il ne sera pas là. Même si j’ai envie de signer et que je sois sûr à 100%, je ne signerai pas sans son accord et tant qu’il ne sera pas là. Voilà.
C’est pour avoir sa baraka ?
C’est juste que mon père a toujours été présent à la signature de mes contrats, et je voudrais que ça se poursuive tout le long de ma carrière.
C’est par respect ?
Je suis son fils, c’est lui qui décide pour moi, c’est tout. Je lui dois cela. Je ne sais pas, mais c’est la moindre des choses, non ? On est obligé de respecter ses parents. S’il me dit non, eh bien ça sera non, même si j’en ai envie. Et ça sera comme ça jusqu’à la fin de la vie. Ce que je gagne, c’est à lui aussi. On appartient à nos parents. C’est eux qui nous ont mis au monde et c’est grâce à eux qu’on est devenus ce qu’on est. Donc, quoi qu’il arrive, rien ne se fera sans qu’il soit là. C’est simple comme bonjour.
Et vous pensez que ça va se faire avant ou après le match du Maroc ?
Franchement, je ne sais pas. Mais ça pourrait être après le match du Maroc, oui. Mais une fois de plus, tout dépendra de mon père inchallah.
Quand on vous dit Meghni, Bougherra et vous à Kayserispor, ça vous fait penser à quoi ?
C’est le rêve ! J’aimerais trop jouer déjà, avec des joueurs de cette qualité. Je les connais, je connais leurs qualités et leur valeur. C’est toujours un grand plaisir de jouer avec un ami, un frère. Si tu as un Algérien avec toi, je considère cela personnellement comme une sécurité. De plus avec des joueurs de cette qualité, tu es certain que tu vas être meilleur.