Karim Tabbou : «En Algérie, la totalité du pouvoir s’exerce en dehors de tout contrôle»

Karim Tabbou : «En Algérie, la totalité du pouvoir s’exerce en dehors de tout contrôle»
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Le premier secrétaire national du FFS ( Front des forces socialistes ) Karim Tabbou considère que les réformes annoncées récemment par le chef de l’Etat visent à effectuer un changement interne au pouvoir. Invité mardi 25 avril de la radio publique chaîne III, M. Tabbou fustige encore une fois le déni fait aux Algériens d’exercer pleinement leurs droits démocratiques et estime que les autorités font preuve de ruse en annonçant une réforme de la constitution. Compte rendu de l’entretien.

Réformes politiques annoncées par le président Bouteflika



Tel que vous le présentez je pense que le changement tel qu’il est recherché par le pouvoir est un changement interne au pouvoir. Ce n’est pas un changement demandé par le peuple algérien. Le peuple algérien veut accéder à la démocratie, veut exercer la plénitude de ses droits. Il veut avoir le droit d’avoir des droits. Finalement, les propositions sont beaucoup plus destinées à réorganiser le pouvoir qu’à faire accéder l’Algérie au changement.

Jamais le pays n’a connu autant de mouvement de contestations. Et face à ces mouvements de contestations, nous avons un pouvoir qui s’entête. Qui a peur des changements. Et qui fait tout pour ruser avec l’histoire. Finalement, le régime algérien ne veut pas se mettre en phase, en cohérence avec l’histoire, il veut tout simplement ruser avec l’histoire.

Révision de la constitution

Sur le plan de la constitution, on a eu la preuve plusieurs fois que le problème n’a jamais été la nature ou le contenu d’une constitution. L’histoire des constitutions en Algérie le prouve bien. Donc on est dans un pays où les problèmes sont ailleurs, et les solutions le pouvoir veut qu’elles soient des solutions bureaucratiques.

Des solutions qui se posent dans des commissions, tout le monde sait que dans ces régimes arabes, ces régimes maghrébins, dans ces régimes de l’Afrique du Nord, la meilleure manière de tuer un problème est de lui créer une commission.

Nous avons fait partie d’une commission qui était chargée d’enquêter sur les fraudes électorales de 1997. A ce jour, non seulement le rapport de la commission n’a pas été rendu public, mais le rapport de la commission a disparu de l’assemblée nationale.

C’est un pays ou les commissions naissent et meurent sans que les problèmes soient réglés.

Donc aujourd’hui je pense que le FFS considère que les vraies commissions, c’est ce qui se passe au sein des populations. C’est toutes ces contestations.

Le FFS a choisi d’exister là ou le peuple est en train de bouger et pas dans des commissions bureaucratiques destinées beaucoup plus à arranger les affaires internes au pouvoir plus que les affaires de la population.

Assemblée constituante

La révision de la constitution se fera sans le FFS et sans tout le peuple algérien parce que toutes les constitutions, malheureusement dans ce pays, ont été l’élaboration d’un groupe de personnes, d’une institution particulière. Jamais on a donné la chance, le droit aux Algériens d’élaborer eux même leurs constitutions. D’où la proposition du FFS d’aller vers l’élection de l’assemblée nationale constituante.

De notre point de vue l’élection d’une assemblée nationale constituante viserait tout simplement à mettre une base institutionnelle dans laquelle sera élaborée la première constitution qui sera l’émanation de la volonté populaire.

Donc, aujourd’hui la priorité est d’aller vers la démocratie pas dans la révision de la constituions.

Une fois nous avons mis en place des institutions démocratiques qui auront réussi à rétablir la confiance des Algériens, à rétablir les relations entre l’Etat, ses institutions et le citoyen, une fois le rapport entre l’Algérien et les institutions est rétabli et devenu un rapport normal, à ce moment là les Algériens auront trouvé d’eux même le moyen d’écrire, de rédiger leur constitution.

Commissions installées par le pouvoir

La première chose à accorder aux partis politiques c’est le droit à l’exercice de la politique. La première des choses qu’il va falloir accorder aux Algériens c’est le droit à l’expression. ET de l’autre côté, on leur dit que même si vous n’avez pas le droit de parler, on va faire parler les personnes qui vont parler en votre nom. C’est un exercice j’allais dire de ruse.

Aujourd’hui qui représente le peuple algérien ? Avons-nous donné les moyens au peuple algérien de choisir eux même leurs représentants ?

Révision de la loi électorale

On a même parlé de l’éventualité de prendre des dispositions dans la loi autant sur les partis politiques que sur la loi électorale qui encourage la présence féminine au niveau des partis politiques. Et on oublie que la première des mesures importantes qu’il va falloir prendre dans ce pays pour rendre à sa femme sa liberté c’est l’abrogation du code de la famille et donner à la femme elle-même les moyens, la liberté qui lui permettra de participer à la décision dans un cadre démocratique.

Aujourd’hui, les femmes algériennes sont toujours dans le statut de femme mineur et on veut faire croire à l’opinion publique que la loi électorale est destinée à encourager la présence féminine dans les partis politiques.

Le rôle de l’élu

Aujourd’hui, je pense donner aux Algériens le droit d’élire librement parce que dans ce pays nous allons vers la démocratie. Nous avons besoins de construire des élections démocratiques. Je vais vous dire pourquoi.

Parce que dans ce pays nous avons besoin de vrais citoyens, de vrais généraux, de vrais députés, d’un vrai chef d’Etat. Malheureusement, aujourd’hui tout est faux. Parce que tout ne vient pas d’une représentation démocratique, légitime.

On continue à imposer des représentations qui ne viennent pas de la société, mais qui sont octroyées, coptées, désignées, par le pouvoir et qui font office de représentations du peuple.

La place de l’administration

Malheureusement, on est dans un pays où la totalité des pouvoirs s’exercent en dehors de toutes les institutions et parfois même au niveau de l’assemblée locale où l’élu est sensé être le représentant de la population assez souvent il y a des agents de l’administration, composée du wali, du chef de daïra, du secrétaire général, de tous les représentants de l’administration, qui ont plus de pouvoir. Qui décident à la place du représentant du peuple. C’est valable à toutes les échelles de l’Etat.

Ce qui fait qu’aujourd’hui la place de l’administration désignée est plus importante que la place accordée aux personnes élues.

Aujourd’hui, on n’est pas en Norvège, en Suède, en France où on peut discuter des problèmes des cumuls de fonctions.

On est dans un pays où la totalité du pouvoir s’exerce en dehors de tout contrôle.

La loi sur les partis politiques

Le problème ne se pose pas en termes de partis. Est-ce qu’il faut créer des partis. Le problème se situe au niveau de l’exercice de la politique. On est dans un pays ou le pouvoir continue de refuser aux partis et aux Algériens le droit de faire de la politique.

Le pouvoir algérien s’est arrogé le droit de considérer que la politique il n’y a que lui qui a la compétence de la faire. Il choisi les députés, les ministres, les représentants.

Aujourd’hui c’est comme si vous dites on va élaborer une loi qui organise la vie médiatique mais sans accorder le droit aux journalistes et aux hommes qui sont dans la fonction des médias de participer…

Aujourd’hui on a inversé les choses : On fait les lois, on révise tout, mais on refuse la démocratie.

Libye et accusations de soutien au régime de Kadafi

Depuis la crise en Libye, nous pouvons relever le silence anormal des autorités algériennes. Mais le régime algérien n’est mal placé pour donner des leçons de démocratie à ses voisins.

Je n’ai pas d’éléments d’informations [sur les accusations de mercenariat ] sur lesquels je me baserais, mais en tout cas le FFS dés le début des événements en libye, il a pris position d’une manière claire il a soutenu la population libyenne et son droit d’aller vers la démocratie.

Activités du FFS

Notre activité continue d’être une activité de proximité avec la population. Nous avons décidé de tenir des activités d’échanges, d’écoutes et d’explications avec la population parce que l’une des choses les plus importantes, nécessaires, indispensables à rétablir c’est la relation du citoyen à la politique. La relation du citoyen à l’exercice de la lutte.

Le FFS reste un parti qui pose des idées, qui pose des démarches, le FFS respecte des avis des uns et des autres. Il continue de croire que le changement indispensable nécessaire, peut être un changement pacifique, changement sérieux, changement qui va faire aboutir le pays vers la démocratie.

Aujourd’hui si nous devons rendre aux algériens le prix des sacrifices consentis, ils méritent que le changement se passe sans violence