Le ministre des Finances répond, dans un entretien à l’APS, aux questions soulevées par des économistes sur les conséquences de la crise de la dette américaine sur les réserves de changes de l’Algérie. Karim Djoudi explique et justifie le choix fait par l’Algérie en matière de placement des réserves de changes. Il affirme que les placements sont “sécurisés” sur plusieurs plans. Le grand argentier du pays a apporté des éclairages sur la question de l’ouverture des bureaux de change et a annoncé la mise en place, avant la fin de l’année, du dispositif de couverture du risque de change, décidé lors de la dernière tripartite.
L’Algérie, qui a placé une partie de ses réserves de changes à l’étranger, n’a rien à craindre des répercussions de la crise de la dette américaine pour ses placements “sécurisés” sur plusieurs plans, a affirmé hier le ministre des Finances, Karim Djoudi, dans un entretien à l’APS. “Nos placements sont sécurisés sur trois plans : leur capital est garanti, ils sont couverts contre les risques de change et ils sont liquides, c’est-à-dire que nous pouvons les retirer à tout moment”, a indiqué M. Djoudi.
Le ministre n’a, cependant, pas avancé le montant de ces placements, précisant seulement que leur taux d’intérêt était de 3%, ce qui couvre, a-t-il estimé, “largement” l’inflation actuelle. Pour assurer une sécurisation “maximale” de ses réserves de changes, gérées par la Banque d’Algérie, l’État algérien a “choisi” d’en placer une partie comme des “valeurs d’État sur des risques souverains, dont le risque est très limité puisqu’il s’agit de la disparition de l’État lui-même”, a-t-il expliqué.
Selon le ministre, l’Algérie avait, en fait, trois choix à faire pour gérer ses réserves de changes. Première possibilité : aller sur des actifs financiers privés caractérisés par un couple risque/rendement “très important”, mais “ça reste un choix spéculatif et quand nous avons la responsabilité de gérer l’argent de la collectivité nationale, on ne spécule pas”, a-t-il dit. La deuxième est d’aller déposer son argent dans des banques, qui ne sont pas à l’abri du risque de faillite. Déposer ses réserves (de changes) en valeurs d’État était donc “le meilleur choix pour l’Algérie”, a-t-il soutenu. Quant à la protection contre les risques de changes, elle est assurée, a-t-il ajouté, grâce à une répartition équitable des réserves en dollar et en euro. Ainsi, une baisse de l’euro pourra être compensée par une hausse du dollar et inversement, a-t-il poursuivi.

Revenant sur la “confusion” qui prévaut parfois à propos de la notion des réserves de change, M. Djoudi a rappelé qu’elles ne sont qu’une “contrepartie de la masse monétaire, transformée en dinar”. “Chaque fois qu’un dollar rentre dans l’économie nationale, il est transformé en dinar. Une partie est destinée à la fiscalité d’État afin de couvrir les projets d’équipements publics, les dépenses de fonctionnement et les transferts sociaux, alors que l’autre partie est déposée dans les banques”, a-t-il précisé. Ce qu’il faut comprendre, conclut M. Djoudi, c’est que toute la dépense qui va à la collectivité nationale, entreprises et ménages, résulte de la transformation des réserves de changes en dinar et dont 40 milliards de dollars vont annuellement aux importations.
La Banque d’Algérie travaille
à rendre “plus attrayants”
les bureaux de change
Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a indiqué que la réglementation en vigueur n’interdit pas l’ouverture de bureaux de change. Le grand argentier du pays a rappelé que “la Banque d’Algérie a produit, il y a plusieurs années, un règlement qui autorise l’ouverture de bureaux de change”, ajoutant qu’il y a un certain nombre de bureaux qui exercent ce métier dans les banques et les hôtels. “S’il n’y a pas une multitude de ces bureaux, c’est parce que les gens ne veulent pas s’investir dans ce créneau”, et cela est dû, a expliqué le ministre, à la question de la rémunération sur “la fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur”. La Banque d’Algérie, assure-t-il, est en train de travailler à rendre “plus attrayants” les bureaux de changes. “Il y a un travail d’évaluation entre la Banque centrale et le marché pour voir quels sont les éléments qu’ils vont assimiler”, a souligné
M. Djoudi. Le ministre des Finances a, par ailleurs, annoncé la mise en place, par la Banque d’Algérie, avant la fin 2011, du dispositif de couverture du risque de change, décidé lors de la dernière tripartite. “C’est la décision de la tripartite. La Banque centrale (Banque d’Algérie) est en train de la prendre en charge et, avant la fin de l’année, ce dispositif sera mis en place”, a précisé M. Djoudi. Les opérateurs économiques ont revendiqué la couverture des risques de change, a-t-il rappelé, pour “pouvoir fonctionner dans un environnement plus ou moins stabilisé et certain”. Une fois ce dispositif appliqué, chaque opérateur qui fera une transaction avec l’extérieur “aura une couverture dès le départ contre le risque de change”, a-t-il ajouté. Il prendra en charge “un problème de fond” pour les opérateurs économiques nationaux et permettra de “limiter les incertitudes, mais aussi les risques d’inflation”, a expliqué le ministre.
Les réserves de changes
de l’Algérie étaient de
160 milliards de dollars en 2010
Le financement du plan quinquennal d’investissement public (2010-2014) est garanti à moyen terme, a estimé le ministre des Finances. “À moyen terme, les risques (de financement du programme) sont acceptables. Maintenant, personne ne sait comment la situation peut évoluer à long terme. À ce moment-là, il faudrait envisager d’autres choix en matière de politique économique”, a-t-il affirmé. Cette “assurance” n’est que le fruit de la politique économique en cours, qui “privilégie le financement national”. Ce qui prémunit l’Algérie contre “un certain nombre” de risques, a-t-il précisé. “Nous avons constitué une épargne publique équivalente à 40% du PIB, estimé à quelque 12 000 milliards de dinars/an”, a indiqué le ministre. Cette performance financière “garantira”, à moyen terme, le financement du plan quinquennal, doté d’une enveloppe budgétaire de 286 milliards de dollars, a-t-il assuré. “Nous avons aussi consolidé nos réserves de changes et réussi à payer, par anticipation, la quasi-totalité de notre dette extérieure”, s’est d’autre part réjoui le ministre, indiquant que la dette extérieure de l’Algérie tourne actuellement autour de 5,2 milliards de dollars, alors que la dette extérieure publique a été réduite à moins de 480 millions de dollars. “Cela veut dire que nous n’avons quasiment plus de dette extérieure publique. Aujourd’hui, il n’y a pas de dette extérieure à court terme, ni au sein de nos institutions financières ni de nos entreprises publiques, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays dans le monde”, s’est-il encore félicité.
Les réserves de changes de l’Algérie étaient de 160 milliards de dollars en 2010, alors que les recettes du Fonds de régulation des recettes (FRR), qui constituent l’épargne publique, étaient de 4 800 milliards de dinars (64 milliards de dollars environ). Mais, le véritable enjeu pour l’Algérie, souligne
M. Djoudi, est que “les opérateurs économiques deviennent le relais de la croissance tirée par la dépense publique”. Quant à l’impact de l’impasse que traverse l’économie mondiale sur l’économie algérienne, il a reconnu que la baisse de la demande sur les produits énergétiques, que peut engendrer cette situation, affectera “certainement” les prix mondiaux du pétrole mais, a-t-il relevé, “pas pour toujours car la récession ne peut pas persister”.