L’argent sale coule à flots
«3000 déclarations de soupçons signalées»
L’Etat traque les corrupteurs. Des enquêtes sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont en cours. La cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf) a engagé plusieurs investigations sur le terrain. Près de 3000 déclarations de soupçons ont été signalées à la Ctrf de janvier à septembre derniers. Ce chiffre effarant a été avancé par le ministre des Finances, Karim Djoudi, en réponse hier aux préoccupations exprimées par des sénateurs sur la corruption et la gestion de biens publics, le ministre voulant rassurer que l’Etat «ne dort pas sur ses deux oreilles».
Bien au contraire, il garde l’oeil grand ouvert sur le phénomène de la corruption et du blanchiment d’argent. Pour ce faire, M. Djoudi a livré quelques données sans pour autant avancer plus de détails. Selon le ministre des Finances, la Cellule du traitement du renseignement financier a reçu 2533 rapports confidentiels portant sur le blanchiment d’argent et a enregistré 763 déclarations. Interpellé en marge de la session pour plus d’éléments d’information, le ministre s’est montré peu prolixe. «Nous ne sommes pas loin de 3000 déclarations de soupçons», a-t-il encore rappelé précisant que la Cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf) est en train de mener des enquêtes pour vérifier la fiabilité des déclarations de soupçons. Selon le grand argentier, ces déclarations concernent des personnes morales et physiques relevant d’entreprises privées et publiques. Y a-t-il des entreprises étrangères impliquées? M. Djoudi n’a pas voulu se prononcer sur ce sujet. Il a préféré laisser le soin à la Ctrf qui va passer au crible les déclarations des parties concernées. La Ctrf va-t-elle aller jusqu’au bout en sanctionnant les corrupteurs? Le ministre n’a pas laissé l’ombre d’un doute. «Effectivement, une fois la déclaration de soupçon confirmée, la Ctrf va saisir la justice», a rassuré le ministre. Il est attendu que d’autres scandales financiers éclatent au cours des prochains mois. Le chiffre de 3000 déclarations de soupçons enregistré en 9 mois donne assurément froid dans le dos. Nul n’ignore que la corruption et le blanchiment d’argent gangrènent davantage notre société. Les grands projets de construction, ayant induit des marchés publics juteux pour certains intervenants, attirent davantage les convoitises des opportunistes.
L’entreprise Sonatrach et le projet de l’autoroute Est-Ouest ont fait l’objet de détournements de sommes estimées en milliards de dollars. Les sénateurs ont appelé hier le gouvernement à plus de rigueur dans le contrôle des deniers publics. Intervenant au débat sur la loi de finances 2012, les membres du Conseil de la Nation n’ont pas ménagé le gouvernement de critiques en raison de l’absence de contrôle et de suivi des grands projets de construction. Ces projets ont toujours fait l’objet de rallonges budgétaires. C’est pourquoi le président de la République a donné instruction de ne plus débloquer d’enveloppe budgétaire avant que l’étude d’évaluation ne soit achevée. Sur ce point, le ministre a fait savoir qu’une réévaluation des projets dans la loi de finances 2012 a permis de récupérer 177 milliards de dinars alors qu’ils étaient évalués de 331 milliards de dinars en 2011. Un montant à ne pas sous-estimer.
Selon Djoudi, ce montant ne représente que le sixième des opérations de réévaluation, d’où il rassure que le gouvernement est parfaitement conscient de ce défi et déploie tous ses efforts pour rationaliser ses dépenses. Revenant sur l’évasion fiscale, le ministre a fait savoir que 63.000 opérations de contrôle ont été effectuées par l’Inspection générale sur les importations en 2010 et 18.000 opérations durant le 1er semestre 2011.
Ces opérations ont permis la récupération de 110 milliards de dinars. Afin de lutter contre l’évasion fiscale, le gouvernement a multiplié ses dispositions dans ce sens. Des sommes importantes évaluées à plusieurs milliards de dollars échappent au fisc et font l’objet de transfert à l’étranger.