Kamel Serrai propriétaire de métidja laitage :

Kamel Serrai propriétaire de métidja laitage :

«Le plus gros problème de la production de lait cru en Algérie est l’indisponibilité du produit de base, c’est-à-dire le lait. Les quantités de lait de vache collectées auprès des éleveurs et destinées à la consommation sont infimes, voire insuffisantes.

Elles ne couvrent pas les besoins locaux et ne peuvent donc pas répondre à la demande exprimée par le marché». Le constat est de M. Kamel Serrai, producteur de lait et membre actif au sein de la fédération de l’agroalimentaire de la CIPA. La couverture actuelle est estimée, selon Kamel Serrai, propriétaire de la laiterie El Métidja, à 14%, alors que les pouvoirs publics veulent atteindre l’objectif de 40%.

«Ce qui est loin d’être possible avec le cheptel actuel», a-t-il précisé. Outre les multiples difficultés rencontrées par les éleveurs, dont la cherté des aliments et l’absence de mesures d’encouragement, M. Serrai regrette le fait que de grandes quantités de lait cru vont vers la production de produits dérivés.

«Le nouveau système d’encouragement de collecte de lait cru prévoit que le producteur paye le lait entre 30 et 32 dinars le litre. Les gros producteurs le payent à 34, voire 35 dinars pour la fabrication de produits dérivés. Cela encourage les éleveurs à leur livrer toute leur production», a-t-il expliqué. L’autre problème qui fait que la collecte de lait cru diminue d’une année à l’autre réside dans le placement du produit.

«La consommation de lait pasteurisé est ancrée dans l’esprit et la culture des consommateurs. Cela fait que le placement du lait cru sur le marché est de plus en plus difficile puisque les gens ne se sont pas habitués au goût du produit. L’autre facteur qui a déterminé cette tendance est le prix.

Entre un sachet de lait à 25 dinars et un autre de 35 dinars, le consommateur choisit systématiquement celui à 25 dinars compte tenu du pouvoir d’achat mais surtout de la méconnaissance des bienfaits nutritifs du produit», a-t-il encore expliqué.

La mise en place du nouveau système de subvention en 2009 pour favoriser la collecte de lait cru n’a pas eu l’effet escompté. Selon ce système, l’éleveur perçoit une subvention de 12 dinars, le collecteur 5 dinars et enfin le transformateur 4 dinars.

«Cela n’a pas réussi vu qu’il y a eu un retard énorme dans le versement des subventions pour chaque acteur. S’ajoute aussi la faiblesse de la production que nous avons enregistrée depuis le début de ce processus», a-t-il précisé.

M. Serrai affirme que les campagnes de prospection engagées par son entreprise dans toute la région de la Mitidja et qui se sont étendues ensuite vers les wilayas voisines n’ont pas été couronnées de succès.

«J’ai commencé par faire un travail de terrain auprès des éleveurs pour tenter de récupérer le maximum de quantité de lait, mais je me suis rendu compte que cela a été vraiment minime. J’ai étendu mon espace de recherche pour agrandir le cercle mais le résultat est toujours insuffisant à mes yeux», a-t-il précisé.

M. Serrai n’en est pas à sa première expérience en la matière. Sa longue expérience dans le domaine de l’élevage et de la production laitière peut être prise comme un critère fondamental dans son jugement.

«C’est une expérience que j’ai menée en 2006 à titre personnel. Le travail dur que j’ai mené a été soldé par la collecte de 8000 litres par jour. Mais j’avais besoin d’une campagne de médiatisation et de sensibilisation sur les bienfaits du lait cru, faute de quoi la vente allait se faire à perte», a-t-il ajouté.

En 2009, la même opération menée avec 5 éleveurs s’est soldée par la collecte de 500 litres/jour avec un pic de 1000 litres au printemps. «Je souligne également que nous n’avons collecté aucune goutte de lait depuis le printemps passé car le produit est indisponible», dira M. Serrai. La norme de l’élevage est un autre obstacle qui freine la bonne production. «Avant, il fallait avoir plus de 10 vaches pour prétendre faire de l’élevage alors que maintenant, il suffit d’en avoir deux pour être éleveur.

Je ne rentre pas dans les considérations d’hygiène et de maintien strict que cette filière exige». Dans le second créneau, c’est-à-dire la production de lait pasteurisé, notre interlocuteur relève l’existence d’énormes difficultés depuis plusieurs mois. «Outre la répartition inéquitable, nous sommes en train de subir des problème liés au retard de la livraison de la poudre de lait et le manque de stock de réserve.

Cette situation s’est répercutée sur la production et la distribution de lait auprès des vendeurs. Nous avons fourni des efforts colossaux pour nous adapter à ces nouvelles données de façon à fournir une quantité de lait chaque jour aux vendeurs. Pour cela nous avons été obligés d’acheter de la poudre chez les privés et vendre à perte. Cette situation dure depuis la fin du mois de ramadhan. On ne peut plus continuer à dépanner les gens de cette façon», a-t-il souligné.

Selon notre interlocuteur, la dernière mesure selon laquelle le transformateur aura une prime d’intégration de 7,5 dinars si son usine produit à 100% le lait cru n’a aucune chance de réussir.

«Ce n’est pas possible. Toutes ces données font que cette mesure n’est pas suffisamment attractive. Le produit de base n’est pas disponible et sa transformation nécessite des moyens», a-t-il expliqué. Il affirme que la CIPA a fourni des propositions et une cartographie pour relancer la filière de lait cru en proposant une subvention de 9,8 dinars. «Mais cela n’a pas été pris en considération», a-t-il encore regretté.

Par Nouria Bourihane