Kadhafi s’est rendu à l’hôtel Rixos Al Nasr sans que personne ne s’en aperçoive,Des espions et journalistes en concurrence dans la couverture de la guerre en Libye

Kadhafi s’est rendu à l’hôtel Rixos Al Nasr sans que personne ne s’en aperçoive,Des espions et journalistes en concurrence dans la couverture de la guerre en Libye

Pendant que la guerre s’est déclarée en Libye, entre le régime de Kadhafi d’une part et l’opposition soutenue par l’OTAN de l’autre, une autre guerre plus atroce s’est déclarée à l’hôtel « Rixos Al Nasr » au cœur de la capitale Tripoli, hôtel grand luxe qui a été choisi pour abriter les grands correspondants de guerre à travers le monde, qui a été, également, un refuge pour les espions des services de Renseignement de plusieurs pays, dont Israël, certains parmi eux y sont parvenus en qualité de journalistes étrangers.

reportage réalisé par Ramdhane Belamri

L’hôtel Rixos Al Nasr est le seul hôtel à Tripoli qui dispose des services Internet haut débit. Une grande équipe de l’instance chargée des médias étrangers, qui travaille en coordination directe avec le gouvernement libyen et les hautes autorités de ce pays, veille à organiser le travail des journalistes étrangers.

Les journalistes accueillis dans cet hôtel sont strictement interdits de sortir de cet endroit sans voitures et sans accompagnateurs. Ce qui est certain, c’est qu’il est très difficile pour un journaliste de franchir, seul, la porte d’accès de cet hôtel.

Un jour alors que je venais d’entrer d’une mission, j’ai croisé un journaliste chinois, qui avait demandé aux gardes s’il pouvait sortir acheter une bouteille de boisson Coca-cola. Les gardes lui ont demandé de regagné l’hôtel et demandé un accompagnateur pour s’en enquérir.

Pour ce qui est de l’identité des agents chargés de chapeauter les journalistes étrangers, ils appartiennent à l’élite libyenne, la plupart des universitaires maitrisant les langues étrangères, dont la mission est d’accompagner les journalistes et leur faciliter la tâche, notamment, avoir des rendez-vous et réaliser des reportages. Cependant, ces universitaires sont également chargés d’autres missions, à savoir, surveiller et suivre ce qui est publié par les correspondants à propos des nouvelles de Tripoli.

Tout au long de la journée et depuis le début de la crise, un mouvement d’entrée et de sortie des journalistes et correspondants est enregistré depuis et vers Tripoli. Le nombre de journalistes ayant gagné Tripoli depuis le début des raids aériens a atteint les 200 journalistes. De grandes chaines de télévisions ont, notamment, dépêché leurs correspondants sur les lieux, à l’image de la chaine française, France 24, les chaines britanniques, BBC Sky News et l’américaine CNN, la chaine russe, Rusia Today, en plus de TF1, France 2 et la chaine Saoudienne « Al Arabia », il y avait également des correspondant de journaux à l’image du journal italien « Courriere della Sera », les journaux français « Le Monde », « le Figaro » et le britannique « The Gardian » et « Daily Telegraph » , en plus des agences de presse célèbres, à l’instar de l’agence américaine « The Associated Press » et l’agence britannique « Reuters » en plus de l’agence française de presse « AFP ».

Parmi les moments difficiles que les journalistes étrangers ont traversé dans l’hôtel « Rixos Al Nasr », l’incendie qui a eu lieu dans l’un des pavillons de cet hôtel, avant l’arrivée d’El Khabar, qui a causé une panne d’électricité et une panique suite à laquelle les journalistes ont immédiatement évacué les chambres de ce pavillon. Certains d’entre eux ont cru qu’il s’agissait d’un raid de l’OTAN ou d’un assaut des citoyens, avant de confirmer qu’il s’agissait d’un simple incendie. Un autre incident dont tout le monde s’en souvient, qui s’est produit la veille de l’attaque de l’OTAN qui a ciblé la ville de Bab El Azizia, située à 3 km seulement de l’hôtel, suite à laquelle quelques vitres de cet hôtel ont été brisées suite à l’intensité des raids, qui ont eu lieu le 7 juin dernier d’un total de 80 missiles dans une seule nuit.

Disputes quotidiennes et expulsion des journalistes « ennemis »

Les aspects de la guerre médiatique qui se passe à longueur de journée entre les journalistes étrangers, d’une part, et les agents chargés d’organiser le travail de ces derniers, de l’autre, l’instance chargée de la presse étrangère, se voient clairement en apprenant les nouvelles d’expulsion d’un tel ou tel journaliste suite à ce qui a été publié dans le journal auquel il appartient ou suite à ce qui a été diffusé dans la chaine de télévision pour laquelle il travaille. Tels qu’était le cas pour l’envoyé de l’agence Reuters qui a réalisé un reportage avec des opposants supposés à Tripoli. Dans un message de quatre pages, publié par l’agence Reuters, l’envoyé en question avait rapporté avoir rencontré un groupe d’opposants à Kadhafi à Tripoli dont il n’a pas cité les noms de crainte qu’ils soient tués, qui a été expulsé le lendemain, directement après la publication de son article, avant d’être remplacé par le journaliste algérien Lamine Chikhi.

Un autre journaliste de l’AFP, de nationalité tunisienne, qui réside à l’hôtel « Rixos Al Nasr » a, pour sa part, été interrogé à propos d’un message publié à Benghazi, faisant état de l’assassinat par les forces de Kadhafi de personnes ayant refusé de participer à la fameuse marche de « vendredi », il y a deux semaines. Le journaliste en question a subi un interrogatoire et sur sa présence dans cette marche. L’instance chargée du suivi et l’accompagnement des journalistes lui a demandé s’il était lui la source de l’article publié à Benghazi et a répondu non. Ce journaliste lui a montré la copie du rapport qu’il a envoyé à son agence qui ne comportait aucune source de Benghazi. Un autre incident s’est produit, dont le concerné cette fois était l’envoyé du journal Britannique « Telegraph », qui a été expulsé dès la publication d’un article dans son journal, dans lequel il évoque une guerre de gangs, en nuits, à Tripoli, et le retour au calme dans les journées. Ce journaliste a accompagné son article par une photo donnant l’impression que la ville de Tripoli est bombardée par des missiles, alors que ce n’est pas le cas.

D’autres aspects de la guerre médiatiques apparaissent, également, dans les disputes verbales entre les correspondants étrangers d’une part et certains agents Libyens chargés de la presse étrangères, lorsque certains envoyés étrangers refusent de sortir pour couvrir des activités que le gouvernement libyen considère importants, alors que les journalistes qualifient de pas importants étant donné qu’ils ne sont pas nouveaux. Certains journalistes estiment également que le régime de Kadhafi les emmène aux endroits qu’il choisis.

Dans ce cadre, un membre de l’instance chargée des médias étrangers, allias « D. Ibrahim » nous a révélé que le plus grand problème rencontré par l’équipe chargée de cette mission avec les envoyés spéciaux à Tripoli, c’est que ces derniers ne rapportent pas la vérité et que l’information est soit transformée par les rapporteurs ou qu’elle n’est pas publiée à l’intégralité. Interrogés, les rapporteurs justifient que ce sont leurs agences qui ont le dernier mot.

Par ailleurs, on parle également dans les coulisses de l’hôtel des journalistes, de l’existence d’espions et agents de Renseignement de plusieurs pays, des propos qu’El Khabar n’a pas confirmé. Toutefois, les informations que nous avons pu avoir à ce propos, c’est que la nouvelle a été révélée par un grand responsable Libyen, qu’El Khabar a espionné entrain d’ordonner d’enquêter sur un journaliste ayant travaillé par le passé pour le Mossad d’Israël.

Des journalistes à la recherche de tunnels secrets à l’intérieur de l’hôtel

Suite à cette guerre médiatique, les journalistes ont du recourir à des astuces pour fuir à la surveillance des agents chargés de la presse et médias étrangers, surtout que la plupart des journalistes sont venus avec la conviction que le régime de Kadhafi est « un régime fermé et répressif et semblable à celui d’Adolf Hitler ». Dans ce cadre, des journalistes ont été pris entrain de grimper les murs extérieurs de l’hôtel à l’aide de cordes comme dans les prisons. On a également pris des journalistes entrain de chercher des issues dans des coins sombres de l’hôtel et même dans les conduits d’évacuation des eaux usées de cet hôtel. Interrogés, ces derniers ont expliqué qu’ils étaient à la recherche de tunnels secrets. A propos de l’affaire de ces tunnels, certains journalistes ont été épris de rage lorsqu’ils ont appris que le colonel Kadhafi a passé un moment dans l’une des chambres de l’hôtel Rixos où il a rencontré les notables de certaines tribus. Les journalistes ne se sont pas aperçus de sa présence parmi eux et en apprenant la nouvelle plus tard. C’est là que certains parmi ces journalistes ont commencé à inspecter minutieusement les coins de cet hôtel à la recherche d’un éventuel passage souterrain par lequel Kadhafi a gagné l’hôtel. Certains parmi eux ont même gagné les canaux d’évacuation des eaux usées à la recherche d’un passage secret.

Quelques témoignages et opinions des envoyés spéciaux venus des quatre coins du monde et qui sont installés à l’hôtel Rixos Al Nasr, à Tripoli.

Lors de notre séjour à Tripoli, à l’hôtel Rixos Al Nasr, nous nous sommes approchés de quelques envoyés spéciaux des chaînes et des organes de presse internationaux, pour connaître leurs différents avis et impressions sur le conflit armé en Libye.

Corey Flintoff, correspondant de la radio américaine NPR

« Il est difficile de faire son travail de journaliste ici à Tripoli. Je ressens que les journalistes ne sont pas libres dans leurs déplacements et dans leurs contacts avec les gens sur la situation. Le gouvernement nous exige d’être accompagnés dans tous les endroits où nous voulons nous rendre. Souvent nous sommes emmenés dans des sites qu’ils veulent nous montrer. Nous avons l’impression que plusieurs évènements et marches aient été préparés pour montrer que beaucoup de libyens soutiennent El Guedafi. Je pense que le gouvernement libyen ne comprend pas la notion de la liberté de la presse comme il est le cas dans les pays démocrates. Les autorités libyennes ne comprennent pas que nous devons rapporter les informations qui concernent les deux parties. Si nous rapportons une déclaration des rebelles, le gouvernement libyen nous accuse de verser dans la désinformation. Ils ne sont pas conscients qu’à travers l’interdiction des journalistes de faire leur métier, ils ne font que détruire leur cause ».

Youcef Chekir, présentateur d’une émission sur la chaîne Al-Jamahiriya

« Ma mission dans l’émission quotidienne que je présente est de démentir tous les mensonges et les calomnies concernant la situation en Libye, rapportés par les chaînes satellitaires et les quotidiens du monde entier. Ma mission consiste à démentir les mensonges, chaque soir, en présentant des preuves. J’ai une chambre remplie de documents qui impliquent les membres du CNT et les pays ennemis.

Je compte lancer une autre émission dans laquelle je révélerai des détails graves sur ceux-ci. J’ai un groupe de travail jeune, dont l’âge varie entre 18 et 23 ans ; ils travaillent dur chaque jour pour l’enregistrement des émissions et la collecte des informations à diffuser dans cette émission, devenue célèbre par son objectivité. Je tiens à dire que les correspondants étrangers venus pour couvrir les évènements en Libye n’ont rien à voir avec le professionnalisme, ils mentent et ils travaillent selon des agendas élaborés par leurs gouvernements ».

Liseron Boudoul, envoyée spéciale de TF1

« En ce qui concerne la situation en Libye, je ne me suis rendue seulement à Tripoli et sa périphérie. Donc, je n’ai rencontré que certaines familles à Zaouia et Ras Lanouf. A chaque contact avec les gens que j’ai rencontrés, j’ai été accompagné par des agents du gouvernement libyen.

Il m’était très difficile de me détacher d’eux. Dans les quelques moments où je pouvais m’éloigner d’eux, les gens me racontaient une version toute différente. Mais je tiens à témoigner qu’une grande partie des habitants de Tripoli soutiennent le régime d’El Guedafi, notamment à Zaouia. Je crois aussi qu’il y a une partie qui souhaite un changement en Libye, même Seif El Islam El Guedafi. Dans l’entretien qu’il m’a accordé, il a déclaré qu’il critiquait sévèrement le régime de son père et que le changement démocratique devrait avoir lieu. Je reconnais également que les citoyens libyens sont très respectueux ç mon encontre, bien qu’ils sachant que je suis française. Je n’ai eu aucun problème avec eux. On entendait les manifestants scandaient le nom de Sarkozy, nous leur disions souvent que le peuple français n’est pas toujours d’accord avec Sarkozy. Nous n’avons été jamais interdits de filmer, mais nous ignorons comment sera la situation dans l’avenir, si Sarkozy continue à apporter plus de soutien aux rebelles. Les autorités libyennes ne cessent de critiquer le travail des envoyés spéciaux en Libye, je pense que les autorités libyennes ne sont pas capables d’assimiler le principe de la profession du métier de l’information, car elles n’avaient pas d’autres expériences avec les envoyés spéciaux.

Lorenzo Cremonezi, envoyé spécial du journal de Correre della Sera

« J’ai passé deux mois et demi à Benghazi, j’y étais au début de la crise. Je séjourné à Tripoli depuis 40 jours. Il y a lieu de préciser qu’il y a une guerre médiatique entre les deux parties. Il est clair que le régime d’El Guedafi est toujours puissant, mais nous ne savons pas jusqu’à quand il résistera ; il bien ancré à Tripoli et les villes limitrophes. Lors de la visite que nous avons effectuée à El Briga, Syrte, Terhouna et Beni Oulid, nous nous sommes rendu compte qu’il contrôle effectivement ces régions. Militairement, je dirais que les choses n’avancent pas, aucune des deux parties n’est capable de mettre fin à la guerre en son faveur, même les rebelles à Benghazi. Sans le soutien de l’OTAN et de l’Elysée, ceux-ci ne peuvent pas avancer.

La situation est difficile. En ce qui concerne le travail journalistique, j’ai constaté que les conditions sont plus faciles à Benghazi qu’à Tripoli. Mais maintenant c’est plus le cas notamment suite aux critiques ciblant les rebelles suite aux dépassements enregistrés. A Tripoli, les journalistes ne sont pas libres dans leurs travail, les autorités ne comprennent pas que si le journaliste ne fait pas son travail indépendamment, la vérité ne se fera jamais jour. Les envoyés spéciaux qui séjournent à Tripoli sont la crème des journalistes dans le monde, pourquoi alors leurs impose-t-on des tuteurs !