Kadhafi prêt à tout pour sauver sa tête et son régime

Kadhafi prêt à tout pour sauver sa tête et son régime
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Même si dans la capitale Tripoli, des hordes pro-Kadhafi occupent tapageusement le terrain et promettent les feux de l’enfer aux “traîtres” qui défient le guide suprême, les troubles ne se limitent pas à Benghazi.

C’est tout l’est et le sud du pays qui s’embrasent et où les manifestants, qui s’en prennent aux symboles de l’État, demandent explicitement le départ de Kadhafi et le changement du régime.

Depuis mardi, la Libye vit au rythme de soulèvements populaires durement réprimés, alors que le pays est coupé du reste du monde. Pas d’image, pas de son. Les forces spéciales fidèles au dictateur, la police et les comités révolutionnaires cassent du manifestant à l’abri des oreilles et des regards indiscrets.

Et pour brouiller le tout, des manifestations au profit du “frère Guide” passent en boucle sur la télévision d’État, tandis que la presse, proche du dictateur et de ses fils, continue de faire croire à ses lecteurs qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat. Internet bloqué, signal brouillé pour les télévisions satellitaires et réseaux téléphoniques perturbés, le régime peut s’atteler à sa sale besogne presque en toute quiétude. D’après les chiffres publiés par l’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch, les forces de sécurité gouvernementales ont tué au moins 84 personnes depuis mardi.

L’organisation s’est appuyée sur des indications de sources hospitalières et de témoins. L’AFP a estimé à au moins 41 morts la nuit de vendredi à samedi, alors qu’Amnesty International parlait d’un minimum de 46 victimes. Les informations qui filtrent de la Jamahiriya sont parcellaires et difficilement contrôlables, à cause de la chape de plomb imposée au pays. Les seules images disponibles ont été postées sur Internet, chose désormais impossible depuis hier puisque l’accès au Web a été coupé, comme l’a confirmé Arbor Network, une société américaine basée à New York et spécialisée dans la surveillance du trafic du net. Pour sa part, la chaîne qatarie de télévision Al Jazira, principale source d’information lors des soulèvements tunisien et égyptien, a annoncé dès vendredi que son signal était brouillé. Beaucoup de morts donc, mais aussi des blessés par milliers. À Benghazi, l’épicentre de la révolte, Amnesty International qui cite des sources hospitalières signale que les blessures par balle à la tête, au cou et dans la poitrine sont les plus nombreuses. C’est la preuve qu’on tire pour tuer, et non pour simplement disperser les foules qui demandent le départ de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans. Les manifestations continuent, la répression gagne en férocité et les victimes se multiplient.

Malgré cela, un retour au calme n’est pas envisageable dans l’immédiat, précisément parce que chaque procession funéraire est l’occasion du départ d’un nouveau foyer de contestation. Même si dans la capitale Tripoli, des hordes pro-Kadhafi occupent tapageusement le terrain et promettent les feux de l’enfer aux “traîtres” qui défient le guide suprême, les troubles ne se limitent pas à Benghazi.

C’est tout l’est et le sud du pays qui s’embrasent et où les manifestants, qui s’en prennent aux symboles de l’État, demandent explicitement le départ de Kadhafi et le changement de régime. Selon un journal proche de Seif Al-Islam Kadhafi, à El Baïda, distante de 200 km de Benghazi, des manifestants auraient capturé deux policiers lors des affrontements et les auraient pendus. Évidemment, l’information est à prendre avec la plus grande prudence étant donné la nature de la source et son impact négatif sur l’image pacifique du mouvement de protestation. Si dans sa forme, le mouvement de contestation observé en Libye n’est pas sans rappeler ceux de Tunisie et d’Égypte, il reste que les données sont très différentes et le succès foudroyant des deux peuples voisins a peu de chances de se rééditer dans la Jamahiriya.

Plusieurs éléments le suggèrent. D’abord, la marge financière dont bénéficie le dictateur pour acheter les consciences. Ensuite, un appareil répressif des plus redoutables et une configuration tribale de la société. Enfin, la volonté avérée du dictateur de se maintenir et de sauver son régime, y compris au prix d’un bain de sang. “Kadhafi combattra jusqu’à la dernière minute”, dit à ce propos un opposant en exil.