Belloumi : «Je lui dois beaucoup» > Bensekrane : «Il aimait Oran» > Sofiane (son fils) : «Revenez souvent le voir, c’est la seule chose que je vous demande»
La mauvaise nouvelle tant redoutée est tombée dimanche en début de soirée, l’emblématique ancien président du MCO, Kacem Elimam, n’est plus de ce monde. Il venait de succomber à l’âge de 71 ans (il est né le 4 février 1939 à Oran) à une maladie qui le rongeait depuis quelques mois.
Laisser le MCO en D2 l’aurait achevé bien avant
Alors qu’il ne sentait pas du tout bien, Kacem Elimam, au lieu d’aller se faire soigner, continuait à diriger le club en fin de saison. De retour d’une mission en Suisse, on est allés le voir dans son bureau au siège.
En le voyant rapidement, on s’est dit que le type n’est pas bien, le visage livide, le corps aminci, on ne reconnaissait plus l’homme fort que nous avions connu auparavant. Volontairement, on a omis de l’interroger sur son état de santé, notre discussion tourna plutôt sur les difficultés sportives de l’équipe qui devait livrer une rencontre cruciale le lendemain pour le compte de la dernière journée du championnat contre l’USMA.
«Je suis sur des charbons ardents, je suis prêt à mourir que de laisser le MCO en division deux. Pour l’histoire, je ne veux pas que ça m’arrive», craignait-il. Puis, pour se redonner de l’espoir, il enchaîna : «Nous sommes bénis par Dieu. Qui aurait imaginé que le CAB ne gagne pas face au MSPB qui est déjà relégué ?». Meurtri par la maladie, Elimam ne venait plus au stade Ahmed Zabana, les supporters qui l’ont porté aux nues quelques mois avant, lorsqu’il fit accéder avec des moyens financiers dérisoires le MCO lui ont tourné le dos.
C’était, diront certains, sa première… mort, car lui qui ne ratait aucune séance d’entraînement, il est impensable qu’il ne vienne pas au stade assister aux matches de son équipe, qui luttait de surcroît, pour sa survie en division une.
Le jour du fameux match contre l’USMA (début juin), en apprenant que le MCO restera en D1, il retrouva subitement toutes ses forces, témoignera l’un de ses enfants lequel nous souffla : «On dirait que notre père avait la maladie du… MCO seulement», se réjouissait son fiston, en pensant qu’il serait peut-être définitivement rétabli d’une maladie qu’on avait du mal à connaître la vraie nature.
Notre ultime rencontre avec lui
Pendant longtemps, une phrase revenait souvent dans ses déclarations : «Avec l’avènement du professionnalisme, je disparaitrai avec ma gestion amateur». Des propos prémonitoires, puisque depuis la fin du dernier championnat amateur, il est tombé malade et mourra le lendemain du premier match joué par son équipe dans le nouveau championnat professionnel à Blida.
Notre ultime rencontre avec lui remonte à la première semaine du mois de Ramadhan. Afin d’avoir de ses nouvelles, on l’a appelé au téléphone dans la journée, lui qui venait de quitter la veille l’hôpital militaire d’Oran. «J’ai fait des examens plus approfondis, et d’après les médecins, mon état de santé n’inspire guère à l’inquiétude. Actuellement, je suis soumis à un traitement médical», nous rassura-t-il, avant de nous inviter à passer le voir chez lui le soir après la rupture du jeûne.
Avant de raccrocher, nous lui faisons part que Kouider Boukessassa lui passe le bonjour ; il insistera auprès de nous pour qu’il nous accompagne le soir où nous nous rendîmes chez lui. Zoubir Ouasti qui réside à quelques mètres de sa maison nous pria de passer le récupérer afin, dit-il, «de voir mon père». Boukessassa lui ramènera un présent, un parfum de haute gamme. «Je sais que c’est le genre de cadeau qu’il aime», nous dira Kouider, qui était vraiment ému en lui serrant la main.
Allongé sur son lit, Kacem qui avait plutôt bonne mine en voyant Ouasti, lui fera la remarque suivante : «Zoubir, cette nouvelle coupe de cheveux te va parfaitement bien».
Après, on évoquera ensemble l’actualité du MCO, façon de nous montrer qu’il suit toujours son club de toujours, il s’adressera à Boukessassa : «Kouider, j’ai eu des échos que tu n’es pas bien considéré au club. Ne t’inquiète pas, ceux qui estiment que tu es revenu vieux au club vont le regretter, car on m’a rapporté que tu travailles sérieusement aux entraînements».
Boukessassa fut vraiment surpris et puis afin de le stimuler, il enchaînera : «Le public du MCO est connaisseur. Depuis la création du club, ils ne sont pas nombreux les joueurs qui foulent la pelouse, se font scander par le public, toi qui en fait partie de ses chouchous, tu dois te mettre dans la tête que ce public te soutiendra toujours». Cette rencontre dura plus de deux heures.
Sofiane (son fils) : «Revenez souvent le voir, c’est la seule chose que je vous demande»
En prenant congé de Kacem, Sofiane, son fils (ancien gardien de but de l’EN handball), qui nous accompagna jusqu’au seuil de la porte, dira : «Revenez souvent le voir, c’est la seule chose que je vous demande». C’était notre ultime rencontre avec un homme qui marqua de son empreinte l’histoire de la ville d’Oran, à l’image du chantre des grands artistes oranais, Alloula Mohamed, Sirat Boumediene ou Ahmed Wahbi, ou le légendaire libero de l’EN des années 70, Miloud Hadefi.
Témoignages
Bensekrane : «Il aimait Oran»
Pour le président de la LOFA, Hadj Ahmed Bensekrane, c’est un pan de l’histoire de la ville d’Oran qui vient de partir. «Kacem aimait beaucoup Oran, il ne représentait pas seulement le MCO, mais également le football algérien et toute la famille des moudjahidine, même si parfois, il commettait des erreurs involontairement, historiquement parlant, il est l’une des dernières palissades de la région à nous quitter», témoignera Hadj Bensekrane les yeux embués.
Belloumi : «Je lui dois beaucoup»
Lakhdar Belloumi avait du mal à dissimuler sa tristesse. «Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi quand il m’a fait venir au MCO en 78, alors que j’avais quitté Mascara même pas à l’âge de 20 ans.
Il contribua à l’instar de mes parents, dans mon éducation, il me chouchoutait comme s’il s’agissait de l’un de ses fils», relate Belloumi, qui se souvient en outre : «Quand il ramenait l’enveloppe de la prime de match, il me demandait de ne pas l’ouvrir devant mes coéquipiers, car il me donnait toujours plus que les autres».
Pour ce qui est dans son parcours au MCO, pour Belloumi : «Kacem est incontestablement le meilleur président qu’a connu le MCO avec lequel il gagna tous les titres, c’est une énorme perte pour le football algérien». Tel est l’hommage rendu par la gloire du football algérien, à celui qui a été derrière sa découverte en 78.
Le coup de fil de Raouraoua…
l En mission en Arabie Saoudite, le président de la FAF, qui a été mis au courant de son décès dimanche soir par Kada Chafi, le président de La Radieuse, appela ses enfants pour leur présenter ses sincères condoléances.
… Et du ministre de la Jeunesse et des Sports
l Hier matin, le numéro de l’un des enfants du défunt Kacem Elimam a été communiqué au chef du cabinet du ministre de la Jeunesse et des Sports, Hachemi Djiar, qui tenait également à présenter ses condoléances à la famille du défunt.
Souvenirs
> Signalé par l’arbitre en demi-finale de la coupe d’Algérie en 1975, qui opposa le MCO au MCA, Kacem écopa d’une lourde suspension de la FAF, afin d’assister à la finale de la coupe contre le MOC, afin d’accéder aux vestiaires, il était monté dans une ambulance de la Protection civile, ce qui échappa au délégué du match.
u De son vivant, Kacem Elimam était un fidèle lecteur de Compétition, informé par un de ses amis, que notre journal va passer quotidien, il eut la réflexion suivante : «Où est le problème ? Ce journal est en mesure de faire deux éditions par… jour, l’une le matin et l’autre le soir». La sympathie pour notre journal le poussa jusqu’à rendre hommage à Compétition pour le travail qu’il fait pour le football national lors d’une assemblée générale, c’était en septembre 2003.
>Tous les joueurs qui ont travaillé avec lui vous le diront, Kacem avait horreur de voir un chat de couleur noire avant un match, superstitieux qu’il était, c’était synonyme de défaite pour lui.
> Les interviews du défunt président oranais étaient toujours un régal pour les journalistes. Un jour, un confrère de la presse locale l’avait interpellé sur la déclaration d’un ancien wali de la ville, qui ne cacha pas son inquiétude sur la santé sportive du MCO. «Le wali doit s’inquiéter de l’état des routes à Oran ou de l’eau qui ne coule que rarement dans les robinets». Une réplique qui lui valut des représailles, en premier lieu, le blocage des subventions.
> En apprenant son décès hier, l’un des fervents admirateurs de Kacem Elimam, dira : «Oran vient de perdre son S12», en référence à l’extrait de naissance qui est délivré par l’état-civil qu’une seule fois, comme quoi la ville n’aura jamais un deuxième Kacem Elimam. Bel hommage.
Sa dernière recommandation à ses fils
Vendredi, avant de sombrer dans le coma, Kacem Elimam avait réuni ses trois fils : Sofiane, Mustapha et Arslane : «Je vous demande une chose, je risque de partir d’un moment à l’autre, alors, surtout je ne veux pas que vous vous fassiez des ennemis sur soyez bons les personnes avec qui je m’entendais. Accueillez-les bien, s’ils viennent à mon enterrement. Moi, je n’ai pas d’ennemis en football». C’était l’ultime recommandation de Kacem, soit deux jours avant son décès.