« La Cour suprême, par un arrêt rendu le 22 juillet 2010, a rejeté le pourvoi en cassation formulé par Gharbi Mohamed-Tounsi, contre le jugement du tribunal criminel de Guelma du 7 juin 2009, le condamnant à la peine de mort. Ainsi, ce jugement est devenu définitif », annonce son avocat, maître Abderrahmane Boutamine. « Nous constatons que le même moyen de défense ayant entraîné la cassation d’un précédent jugement, en 2006, n’a pas été retenu pour ce jugement », a-t-il ajouté dans un communiqué rendu public hier. « Gharbi Mohamed-Tounsi, ancien moudjahid, 69 ans, ancien chef de Groupe de légitime défense, est ainsi condamné, définitivement, à la peine de mort, sans recours judiciaire possible », a-t-il conclu.
Un véritable scandale que ce rejet du pourvoi en cassation qui cache difficilement un acte politique du pouvoir en place, un pouvoir impitoyable qui ne cache pas sa détermination d’écraser et d’humilier les dignes fils de ce pays. Gharbi Mohamed est l’un de ces derniers. Dès le déclenchement de la guerre de Libération, il s’est engagé dans l’ALN, dans le région de Souk Ahras ; il a continué à porter l’uniforme quelques années encore après l’indépendance avant de prendre sa retraite avec le grade d’officier. Mais il est dit que ce baroudeur ne connaîtra pas le repos. L’apparition de la terreur islamiste l’oblige à reprendre les armes pour défendre à nouveau son Algérie. En 1993, il crée un groupe de patriotes qui deviendront plusieurs centaines quelques mois plus tard. Arrive alors la concorde dite civile, suivie de la concorde dite nationale.
Le chef terroriste de la région souk-ahrassienne, un certain Ali Merad, sort de sa tanière et se pavane impunément dans la ville ; se sentant protégé par le nouveau pouvoir algérien, il devient de plus en plus arrogant et se permet même de menacer de mort Mohamed Gharbi. Se sentant menacé, ce dernier informe toutes les autorités en place. Celles-ci ne réagissent pas alors que le terroriste devient de plus en plus menaçant. « Ton jour approche », lui-dit-il à chaque fois qu’il le croise, en lui montrant un revolver. Abandonné par les autorités, Gharbi décide de se faire justice. Le 11 février au matin, il attend Merad devant son immeuble. Au moment où ce dernier sort, il l’abat d’une rafale de kalachnikov tout en criant « Allah ou Akbar », « Tahya El Djazaïr ». Il traîne ensuite le corps vers un caniveau « pour que son sang ne souille pas cette terre sacrée d’Algérie », dit-il, et attend patiemment l’arrivée des services de sécurité pour l’arrêter.
L’enterrement du terroriste donne lieu à une démonstration de force d’anciens du FIS, d’Ennahda, de l’AIS et du GIA, sous le regard impassible des autorités. Jugé par le tribunal criminel de Guelma, il est condamné le 21 janvier 2001 à 2 ans de réclusion criminelle. Rejugé en appel le 24 mars 2007, il est condamné, à la surprise générale, à la prison à perpétuité après seulement 15 minutes de délibérations et sous les applaudissements de criminels. Jugé une troisième fois après l’introduction d’un pourvoi en cassation, un verdict de la honte sera prononcé par la présidente de la cour, Mme Fatma Kaarar : la peine capitale. Aucune circonstance atténuante n’a été accordée à cet homme qui a tout donné à l’Algérie.
La confirmation de sa condamnation à mort vient opportunément rappeler que l’actuel pouvoir est résolument pro-intégriste et qu’il est prêt à mater durement toute opposition au projet islamiste. Après 2007, des comités de soutien à Gharbi ont été créés à travers le pays, mais le pouvoir a refusé de tenir compte de l’expression du peuple, préférant celle du wahhabisme. La moudjahida Annie Stener, dans un article publié dans El Watan du 18 juin 2009, a écrit sur Gharbi : « Il a dû en voir mourir, des innocents assassinés, avant de reprendre les armes. J’ai en mémoire, dès les premières années du terrorisme, des centaines de moudjahidine assassinés sans que le ministère des Moudjahidine, qui en était informé, n’en parle.
Actuellement, les institutions ne bougent pas pour ne pas contrarier la réconciliation nationale. Mais est-ce là une façon de réaliser la réconciliation ? Et peut-être même, tant qu’on y est, pour ne pas contrarier le traité d’amitié avec la France ? M. Gharbi est un vrai moudjahid (il y en a, paraît-il, plus de faux que de vrais) grâce à qui nous sommes indépendants ; et cette guerre de 7 ans et demi a été atroce, dure, implacable.
M. Gharbi, je n’ai pas eu l’honneur de vous connaître, mais je vous vois toujours digne, en attendant que le peuple surmonte cette léthargie momentanée qui l’a frappé et qu’il ouvre enfin les yeux sur ce qu’a été son silence et, pourquoi pas, malgré toutes les excuses qu’on peut lui trouver, sa lâcheté. Au delà des symboles et des calculs sordides qui ont été à l’origine de votre condamnation, c’est votre dignité également qu’on vous reproche ; à bientôt M. Gharbi, à bientôt. » Nous attendons maintenant la réaction des gens de l’ONM et des autres groupes qui disent parler au nom des moudjahidine, des chouhada et de leurs descendants. Défendront-ils enfin l’honneur d’un des leurs ou se débineront-ils une nouvelle fois pour ne pas contrarier le prince du moment ?
Par Tayeb Belghiche