En l’espace d’une semaine la justice s’est distinguée en Kabylie par deux instrumentalisations politiques, inédite pour l’une et éhontée pour l’autre. « La soumission de la justice au pouvoir politique n’est pas nouvelle en Algérie mais comme toujours en Kabylie, les signes de l’autoritarisme institutionnel et de l’arbitraire en général y sont plus violents », constate Mohand Ikherbane, ancien président RCD de d’APW de Tizi-Ouzou et actuellement membre du conseil de la nation, victime de ce premier esclandre dans les annales judiciaires algériennes pourtant riches en scandales. Il vient, en effet, d’être convoqué et cité à comparaitre alors qu’il est parlementaire en exercice.
L’affaire s’est déroulée ce jeudi 27 décembre 2012 au tribunal d’Azazga. Le chef de groupe salafiste du village d’Aghribs qui avait défrayé la chronique au courant de l‘année 2010 autour de la mosquée de Sidi Djaffar vient de déposer plainte pour diffamation contre des citoyens et des élus, dont Mohand Ikherbane, qui ont relayé l’exaspération de la communauté des villages des Ait Jennad. A noter que le même individu a déjà perdu son procès pour le même motif contre le comité du village qui avait dénoncé dans une conférence de presse les violences verbales et physiques dont il s’était rendu coupable avec sa bande contre des villageois.Ayant reçu la convocation, Mohand Ikherbane se présente au tribunal et fait observer à la présidente, dès l’appel, qu’il est parlementaire en exercice, qu’en tant que magistrat elle aurait pu vérifier cette fonction et qu’en tout état de cause elle était tenue de respecter un principe de droit universel en demandant la levée de son immunité parlementaire pour l’entendre.
Dans cette atmosphère surréaliste où un élu donne un cours de droit à un magistrat en plein tribunal, la présidente, ignorant ce principe élémentaire, ou simplement pressée de répondre aux injonctions dont elle a dû être destinataire, fait la sourde oreille, continue le traitement de son dossier et exige du parlementaire de revenir le 10 janvier avec tous les autres prévenus, l’audience étant reportée ! Une première en Algérie où on pensait avoir fait le tour des originalités juridiques ! « Moi je suis porteur d’un mandat confié par des élus qui ont tous recueilli leurs suffrages démocratiquement.
Par respect envers eux et les citoyens qui les ont honorés de leur confiance, je vais adresser sur le champ une lettre au président du conseil de la nation et nous verrons bien ce qui serait dit de cet ahurissant viol de la constitution. »Une semaine auparavant c’est le président d’APW sortant, lui aussi RCD, Mahfoud Belabbas qui a vu le tribunal de Tizi-Ouzou acquitter en appel Moh Chérif Hannachi, le fantasque président de la JSK, qui l’avait outrageusement insulté dans la presse alors que la même cour avait prononcé en première instance une condamnation d’une amende de 50000 dinars au profit du trésor public et 60 000 dinars pour le plaignant.
« C‘est la réponse du berger à la bergère. Cette scandaleuse relaxe fait écho aux dernières positions du conseil national du RCD qui rappelle l’exigence de la dissolution de la police politique, la destitution de Bouteflika et la restitution du sigle FLN à la mémoire algérienne », analyse un membre de la direction nationale du parti.Difficile, en effet, de ne pas faire le lien de ces deux grossières manipulations judiciaires ciblant deux responsables du seul parti qui revendique et assume son opposition au régime.Ceux qui doutaient encore que la justice algérienne était à la disposition du pouvoir exécutif sont définitivement édifiés.
Malek Yacini