Depuis quelque temps, les fonctionnaires du Ministère de la justice se posent des questions quant à l’opportunité d’ouvrir ou de projetter d’ouvrir des sièges provisoires pour abriter des Cours et des tribunaux administratifs à travers le pays.
Cette initiative du ministre de la justice, garde de sceaux, Tayeb Louh, fait grincer les dents au niveau du département de la justice où nos sources se posent des questions sur l’opportunité réelle de l’ouverture de ces cours, leurs objectifs, les moyens humains et matériels, les nominations des Procureurs Généraux et les Présidents de cours à la tête de ces institutions, nommés par qui, sur les coûts imputables aux contribuables, leur impact sur la balance budgétaire du pays, et surtout de savoir si un groupe de réflexion a planché sur la nécessite d’instituer ces sièges.
C’est donc cette opacité qui a fait monter au créneau nos sources qui démontent un à un les arguments avancés par le ministre de la justice pour justifier l’ouverture à tour de bras de Cours et de tribunaux administratifs.
Rapprochement de l’administration de la justice du justiciable ?
En effet, le département de la justice avance, disent-ils, comme argument choc le « rapprochement de l’administration de la justice du justiciable ». « Ce principe, sacro-saint des années populistes, cher aux défenseurs du pouvoir unique, est très largement dépassé, et n’est plus d’actualité », précisent nos sources.
Ces dernières indiquent que « numérisation, Internet, intranet, tout cela supprime la distance et rapproche les pouvoirs publics, l’administration de ses administrés, et plus particulièrement la justice, des citoyens qui y font appel : notamment, ceux qui ont besoin du casier judiciaire et du certificat de nationalité. En d’autre termes, les Tribunaux de Naâma et Tindouf délivraient déjà ces documents, pourquoi y ajouter des cours » ? s’interrogent nos interlocuteurs.
« Ce principe est purement démagogique, car selon le Ministre de la Justice lui-même tout va vers la numérisation, qui garantit le rapprochement. L’établissement et la délivrance du casier judiciaire, et du certificat de nationalité se fait dans des conditions de rapidité et d’efficacité sans précédent, et ça depuis Tayeb Belaiz. Rien de nouveau donc », soulignent nos sources
« Le service Intranet, installé par Abderrezak Henni, Directeur de la modernisation à l’époque, est performant et à aucun moment, lors de la conférence nationale sous le haut patronage du président de la république sur la réforme de la justice tenue au palais des nations le 28 et 29 Mars 2005 soit il y a dix années, il n’a été question de démultiplier la construction des tribunaux et Cours, ou d’en inaugurer un chaque face à une APC, ou face à un bureau de poste » soulignent nos sources.
Ces dernières ajoutent que « le pouvoir judiciaire est particulier, il doit se démarquer même au niveau de son découpage. Rapprocher la justice, du citoyen s’entend aujourd’hui par permettre au citoyen de retirer en temps réel les documents dont il a besoin par le truchement de moyens que doit mettre à sa portée, l’administration et la justice. La distance n’est plus ni d’actualité, ni un obstacle ».
Déficit en moyens humains et matériels
Nos sources avancent un autre argument arguant d’un « déficit réel en personnels humains, aussi bien en ce qui concerne les greffiers que les magistrats, d’autant qu’il n’existe pas d’infrastructures décentes prêtes à les accueillir, salles d’audiences, bureaux, salles de réunions, bibliothèques et autres. Tout se fait dans la précipitation » soulignent-ils.
Nominations et promotions : une prérogative présidentielle
« Et comment ont été nommés les Procureurs Généraux et Présidents de Cours, au niveau de ce qu’appelle le Ministre de la Justice, des « sièges provisoires » » s’interrogent nos sources qui réfutent ce « néologisme populiste – siège provisoire -, déclarant ironiquement « on se croirait en temps de guerre » !
« La nomination, et la promotion au grade de Président de Cour, de Procureur Général, de Commissaire d’état et de Président de Tribunal Administratif est une prérogative constitutionnelle du Président de la République » martèlent nos interlocuteurs.
« Le nom du Président de la République est jusqu’à preuve du contraire Abdelaziz Bouteflika et non Tayeb Louh » ! s’exclament nos interlocuteurs.
« Les Magistrats qui ont été nommés, et mutés pour travailler au sein de ces institutions auraient dû l’être par mouvement décidé par le Conseil supérieur de la magistrature présidé par … et oui … Abdelaziz Bouteflika » insistent t-ils.. « Alors, le ministre a agi en tant que représentant de ce dernier, ou a-t-il été délégué ? Ou alors en tant que représentant du Conseil supérieur de la magistrature ! et ce dernier l’aurait mandaté ! Les Articles 77 et 78 de la Constitution ont été survolés, le Conseil supérieur de la magistrature mis en veilleuse » regrettent nos sources.
Contraintes budgétaires :
Ces dernières parlent ensuite des coûts en mettant en garde le ministre de la justice sur « ce que va coûter l’ouverture de ces infrastructures aux contribuables en Dinars : Promotion de grade à grade, véhicule de services, bons de carburant, villas ou logements de fonction, climatiseurs, chauffage central, recrutement de chauffeurs, primes du sud, missions, électricité, eau, etc… mais qui disait donc qu’il y a des restrictions budgétaires, et qu’on allait même diminuer l’importation de produits alimentaires de première nécessité » ? se demandent-ils.
« De l’argent, il y en a, si l’on s’en tient aux décisions de supprimer les taxes pour la délivrance du casier et du certificat de nationalité » avancent-ils.
Une mesure prise par défaut …
« Mais enfin ! s’exclament nos sources, qui s’interrogent en soulignant « Y a-t-il un groupe de réflexion qui à planché sur la nécessité d’instituer ces « sièges provisoires », cette vulgarisation des « structures de l’administration de la justice ». Entendu : Un groupe de réflexion composé de parlementaires, d’hommes du terrain, de représentants de la société civile et de spécialistes ».
Et d’insister encore pour savoir si « Le Président de la République a reçu un rapport motivant l’érection de ces « sièges provisoires », la nomination provisoire de ces chefs de Cours, qui doivent selon la réponse du Ministre de la Justice, à une question orale à l’APN, fonctionner jusqu’en 2018″ ?.
Et dans la précipitation !
Et de porter l’estocade finale en se demandant « Alors, s’agit-il d’un courant d’air « démagogique » d’un aspirant à l’occupation du bureau d’El Mouradia, en passant par l’éviction de Amar Saâdani (SG du FLN. Ndlr), ou alors, naïvement, peut-être, nous nous méprenons sur le vœu pieu d’un homme qui est lié par l’exigence structurelle de la mise en place d’un nouvelle géographie judiciaire » ? concluent nos sources.