SPECTACLE – Le rendez-vous était immanquable. Pour la première fois réunis ensemble, Gad Elmaleh et Jerry Seinfeld ont offert mercredi soir un spectacle marquant les 35 ans du festival Juste pour Rire. À tour de rôle, les deux superstars ont fait travailler les zygomatiques du public dans un Centre Bell plein à craquer.
Prenez d’un côté Jerry Seinfeld, le maître de l’humour américain né à Brooklyn, et de l’autre, Gad Elmaleh, la grande vedette franco-marocaine ayant écumé les bancs de l’Université de Montréal, et vous avez là les ingrédients d’un spectacle inédit. Lorsque les deux acolytes sont apparus, tout de suite on a senti une certaine connivence.
Après avoir testé les connaissances en français de Jerry Seinfeld, son acolyte Gad Elmaleh a finalement opté pour un spectacle dans la langue de Shakespeare. Les quelques piques envoyées dans la bonne humeur n’ont pas empêché Jerry Seinfeld d’ouvrir le bal. L’humoriste, connu pour la série culte Seinfeld, s’est alors lancé dans une critique de la société. «Les gens pensent que la vie est super, moi je pense que la vie est nulle», a-t-il lancé un brin cynique.
Notre dépendance aux nouvelles technologies a été l’occasion pour Seinfeld de décortiquer les habitudes de consommation. «Si la batterie de notre cellulaire s’éteint, il n’y a donc plus de raison de vivre. Moins on a de batteries et plus on manque d’air. Trouver une prise est devenu aujourd’hui une question de vie ou de mort.»
Le New-Yorkais ne comprend pas non plus le concept du café alcoolisé. «C’est pour être saoul et réveillé en même temps, c’est ça?», s’est-il interrogé. Dans la même lancée, il a ensuite critiqué les boissons énergisantes qui promettent à leurs clients plusieurs heures de tonus. «Si tu veux cinq heures d’énergie et bien va au lit!» De toute façon, la nourriture et le sexe accaparent 99% du cerveau humain, selon Seinfeld. «Le 1% restant sert à réfléchir sur les façons de tromper notre partenaire.»
En forme, l’humoriste facétieux de 63 ans est passé d’un sujet à un autre avec aisance durant plus d’une heure de prestation. Du rôle du mari à celui du père, les exemples familiaux n’ont pas manqué de plaisanteries, notamment lorsqu’est venu le temps de donner son meilleur conseil avant le mariage. «Tu auras besoin de réponses», a-t-il dit sous les rires.
Le rêve américain de Gad Elmaleh
Pas toujours évident de prendre la suite de Jerry Seinfeld, mais Gad Elmaleh s’en est bien tiré. Il a enchaîné la deuxième partie du spectacle avec un style toujours aussi décontracté. S’inspirant de ses expériences personnelles, il est revenu sur ses années passées à Montréal avec l’accent québécois qu’il imite à merveille. Sa nouvelle carrière aux États-Unis lui a permis de s’amuser sur les différences culturelles. «À New York, c’est plus facile d’acheter une arme que de louer un appartement.»
En ce qui concerne l’anglais, l’humoriste d’origine marocaine a dit travailler fort pour améliorer sa prononciation. Il a d’ailleurs découvert que son prénom «Gad» était là-bas l’acronyme d’une maladie: Generalized Anxiety Disorder (trouble d’anxiété généralisée). Toutefois, question vocabulaire, les malentendus peuvent être nombreux, surtout en matière de drague. «Quand j’invite une fille à prendre un verre et qu’elle me dit qu’elle est « down », je suis vraiment déçu.» (En anglais, « to be down for something » veut dire « être partant pour quelque chose, ndlr).
Sa nouvelle vie en terre d’Amérique lui a permis de rapporter de nombreuses anecdotes. «Quand je dis que je viens de Paris, les femmes sont souvent impressionnées. Elles me disent qu’elles adorent Paris, qu’elle rêverait de se promener sur ses ruelles pavées au clair de lune. Mais elle est folle, c’est super dangereux!»
Aux États-Unis, le quotidien est plutôt intense, a narré Elmaleh. «À Los Angeles, quand tu es musclé, tu es vraiment musclé. Et quand tu es gros, tu es vraiment gros!». Son sketch sur les biscuits chinois (fortune cookies) a fait crouler de rire la salle. «J’ai essayé d’imaginer les messages que l’on trouverait à l’intérieur des baguettes françaises. On pourrait lire: « Si tu as de grands rêves, c’est parce que tu dors » ou bien « Tu vises les étoiles? N’essaye même pas ».»