Krunoslav Jurcic est un peu le Rabah Saâdane du Dinamo Zagreb : à chaque fois que l’équipe va mal, on fait appel à lui pour redresser la barre. Il a été de ceux qui avaient insisté pour le recrutement de Hilal Soudani par le club. Aujourd’hui, il ne peut qu’être satisfait, même s’il assure que l’international algérien doit confirmer.
Comment avez-vous eu l’idée de recruter Soudani ?
En vérité, nous le suivons depuis plusieurs mois dans le championnat portugais. On nous avait proposé son profil et nous l’avons supervisé à plusieurs reprises. Ayant été convaincu par ses performances, j’ai donné mon accord pour son recrutement. De plus, il travaille, dans la sélection de son pays, sous les ordres d’un entraîneur dont nous connaissons la rigueur et l’exigence, Vahid Halilhodzic, ce qui a pesé dans notre choix.
Donc, vous avez demandé l’avis de Halilhodzic avant de le ramener ?
C’est évident ! C’est son sélectionneur et un ancien du club. C’est donc tout à fait normal qu’on ait son avis. Il nous a dit le plus grand bien du joueur, nous assurant qu’il possède un profil physique et technique qui convient très bien au style de jeu du Dinamo Zagreb.
Quelles sont les qualités que vous appréciez en lui ?
Il bouge beaucoup sur le terrain, sait se placer comme solution au porteur du ballon, est très bon balle au pied et est très véloce. De plus, il a le sens du but. Je pense sincèrement que c’est une recrue intéressante, à condition qu’il confirme à l’avenir.
Vous attendiez-vous à ce qu’il brille aussi vite, sachant que c’est la première fois qu’un joueur algérien signe au Dinamo ?
Quand on est talentueux, l’intégration dans un système de jeu n’est pas vraiment un problème. Il a su se fondre dans rapidement dans le groupe et trouver ses repères sur le terrain. Il faut dire aussi que nous faisons tout pour faciliter son adaptation. Il ne tient qu’à lui de continuer de travailler afin d’être toujours performant.
Vous pensez donc qu’il peut encore progresser ?
Bien entendu. Un joueur doit toujours chercher à progresser et Soudani en est à ses débuts seulement avec nous. C’est clair qu’il peut faire encore mieux, d’autant plus qu’il n’est pas encore au top physiquement à cause du Ramadhan.
Soudani tient à respecter le jeûne du Ramadhan, en dépit de la forte chaleur qui règne ces jours-ci à Zagreb. Qu’en pensez-vous ?
Nous respectons ses convictions religieuses et nous essayons de le ménager du mieux que nous le pouvons, mais je ne vous cache pas que, sincèrement, c’est un vrai problème pour nous. Je ne vous en dis pas plus.
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Addy : «Quand il nous parle, c’est du charabia !»
Le Ghanéen Lee Addy est l’un des joueurs les plus proches de Hilal Soudani au Dinamo Zagreb. Déjà, parce qu’ils sont Africains tous les deux. Ensuite, parce qu’il peut plus ou moins communiquer avec lui en anglais. Il faut dire aussi que les deux hommes ont le même caractère : toujours souriants et très portés sur l’humour. Addy pense le plus grand bien de Soudani, «un gars très bien qui est animé par l’esprit de groupe et qui fait tout pour discuter avec tout le monde», nous a assuré le Ghanéen, qui nous a dit, sur le ton de la plaisanterie, que son ami algérien «est vraiment un fou». «On se chambre mutuellement. Il communique avec nous avec un mélange d’anglais, de français, de portugais et d’arabe. Quand il nous parle, c’est du vrai charabia», souligne-t-il en rigolant.
«Il a très bien assimilé notre système de jeu»
«A côté, c’est aussi un très bon joueur, très collectif et efficace devant le but. Comme c’est aussi un grand professionnel, il s’est rapidement intégré dans le groupe et a prouvé que c’est un bon joueur», a-t-il ajouté, exprimant son joie que «Soudani a très bien assimilé notre système de jeu et, en tant qu’Africain, je suis très heureux pour lui, tout en lui promettant de faire tout pour qu’il se sente comme chez lui au sein du club».
«J’aimerais être avec lui au prochain Mondial»
Reste que Addy nourrit un rêve qu’il lui sera difficile de réaliser : être présent au Mondial-2014 en compagnie de Soudani : «Je faisais partie de la sélection du Ghana lors du Mondial-2010, mais je ne le suis plus actuellement. Bien sûr, j’aimerais bien y retourner afin d’être de la prochaine Coupe du monde, mais même si je n’y serai pas, je souhaite de tout cœur que l’Algérie et le Ghana y soient et, surtout, que mon ami Soudani y brille.»
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Un f’tour convivial avec l’ambassadrice d’Algérie
Son Excellence l’Ambassadrice d’Algérie à Zagreb, Mme Farida Aïouaz, a invité Hilal Soudani à un f’tour convivial dans sa résidence officielle. Le joueur, honoré par l’invitation, a partagé un moment quasi familial avec des cadres de l’ambassade, dont le Premier secrétaire, Mehdi Litim, dégustant un menu typiquement algérien qui lui a rappelé l’ambiance du Ramadhan en Algérie. Ça l’a changé des pizzas et des bananes !
Un diplomate de l’ambassade du Qatar lui a rendu visite
Ayant appris qu’un joueur algérien a été engagé par le Dinamo Zagreb, le premier secrétaire de l’ambassade du Qatar à Zagreb a rendu visite à Soudani. Le diplomate, venu en Croatie afin de préparer la nomination prochaine d’un ambassadeur (c’est une ambassade nouvellement créée), a exprimé sa fierté de voir un joueur arabe jouer dans le plus prestigieux club local.
Halilhodzic, «Le Colonel» de Zagreb
Soudani a découvert une chose lorsqu’il avait fait un déplacement éclair à Zagreb pour signer son contrat, au lendemain de la victoire en finale du la Coupe du Portugal : à Zagreb, Vahid Halilhodzic est surnommé… «Le Colonel». Décidément, son intransigeance sur le volet disciplinaire lui vaut des surnoms militaires même en Croatie, après avoir été de même lors de son passage en France. «Lors du stage pour les matches de juin, j’ai dit au coach que je savais comment on le surnommait et ça l’a fait sourire», nous a confié Soudani.
Très sollicité par les médias locaux
Une chose sautait aux yeux lors de notre passage au Dinamo Zagreb : Hilal Soudani est très sollicité par les médias locaux. Il ne passe pas deux ou trois jours sans qu’on lui dise qu’il a une interview à faire. Ses bons débuts et la popularité du Dinamo dans toute la Croatie expliquent cet engouement. Ainsi, un magazine spécialisé a réalisé avec lui un reportage détaillé avec photos. Même s’il n’aime pas trop s’exposer devant les médias, Soudani s’est plié à ces obligations qui font partie de son métier.
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Son f’tour ? Des… bananes !
Les premiers jours de Ramadhan ont été très durs pour Hilal Soudani. Hébergé dans un hôtel de Zagreb en attendant de trouver une maison, il subissait une double difficulté : des entraînements sous une forte chaleur et des matches qui débutent à l’heure du f’tour. «C’est dur, mais je tiens le coup avec l’aide de Dieu», nous a-t-il assuré. «Je prends cela comme une épreuve que Allah me fait subir. El Hamdoullah, je n’en suis pas trop affecté.»
«L’entraîneur m’épargne les exercices épuisants»
C’est qu’il avait été clair au moment de la signature de son contrat : «J’ai dit aux dirigeants que je vais jeûner durant le Ramadhan et ils ont respecté mon choix. Je dois dire aussi que l’entraîneur, que je remercie au passage, se montre compréhensif avec moi en m’épargnant les exercices physiques trop durs et épuisants durant les entraînements. C’est la première fois, en Europe, que je travaille dans un club où on comprend et respecte mes convictions religieuses.»
«A Guimaraes, je n’avais eu aucun traitement de faveur»
Quand il dit cela, le souvenir de ses débuts au Vitoria Guimaraes lui vient à l’esprit : «Cela a été très difficile, surtout lors de la première année. C’était la première fois où je jeûnais loin de ma famille, dans un environnement différent, et je n’avais eu aucun traitement de faveur pour autant. Je devais faire tous les exercices avec mes coéquipiers, Ramadhan ou pas. Ici, au Dinamo, je suis quelque peu ménagé.»
«Parfois, pour changer des bananes, je mangeais une pizza !»
Il faut dire aussi que même le f’tour a été très particulier pour lui, parfois même drôle : «Savez-vous avec quoi je rompais le jeûne ? Avec une banane ! C’est tout ce que je trouvais de disponible à l’hôtel. Idem pour le s’hour. Parfois, j’achetais une pizza, zaama pour changer», nous raconte-il en riant. «Allah ghaleb ! C’est le quotidien d’un gars qui débarque dans un pays dont il ne parle pas la langue.»
«Une fois, j’ai tenu 48 heures avec juste une pizza !»
Il lui est même arrivé de manger peu au f’tour et de rater le s’hour, comme cela lui était arrivé il y a une dizaine de jours, à l’occasion du déplacement du Dinamo Zagreb au Luxembourg afin d’y jouer un match de Ligue des champions : «Au s’hour, j’avais mangé une pizza. Juste après le match, en guise de f’tour, j’ai avalé juste un morceau de bourek qu’un Algérien m’avait offert car nous devions rentrer à Zagreb par un jet privé. Une fois à Zagreb, c’était déjà l’aube. Donc, j’ai raté et le f’tour et le s’hour ! J’ai dû attendre le f’tour du lendemain pour manger. En somme, j’ai tenu 48 heures avec juste une pizza !»
«A présent, c’est mon épouse qui prépare mes repas»
Heureusement que ces aventures ont pris fin la semaine passée : «J’ai trouvé une maison et j’y ai aménagé. J’ai pu donc ramener mon épouse à Zagreb. A présent, c’est elle qui me prépare le f’tour et le s’hour et je peux enfin sentir le goût du Ramadhan !» Enfin, pas tout à fait car il y a des ingrédients (notamment le h’chich pour la chorba et les dioul pour le bourek) qui ne sont pas commercialisés à Zagreb et qu’il faudra acquérir auprès des commerçants turcs établis en Slovénie, Hongrie ou Autriche, tous accessibles par autoroute. «Je ne fais pas la fine bouche. Le fait d’avoir à présent ma petite famille avec moi est déjà réconfortant.» Saha f’tourek, quand même !
