De l’insurrection du cheikh El Mokrani et du cheikh Ahadad en 1871, de la résistance du Cheikh Bouamama des Ouled Sidi Cheikh dans la région de Naama en 1881, et beaucoup d’autres batailles isolées perpétrées par de simples Algériens un peu partout en Algérie jusqu’au 8 mai 1945 et le massacre de 45 000 Algériens après la fin de la 2ème guerre mondiale.
Combien de morts de morts, combien de déportés, combien de Chouhada ?
Certains historiens et chercheurs avancent le chiffre de six millions de morts algériens entre la période de1830 à 1962. Historiquement, le ministère des Moudjahidine doit prendre en compte ce fait historique et commémorer la journée nationale du Chahid pour tous les martyrs de la résistance algérienne durant les 132 ans de la colonisation française. A l’occasion de la journée du chahid, et en ce 18 février 2015, je présente un fait historique qui s’est déroulé en juin 1854 dans une tribu, quelque part en Algérie. Le récit est du commandant ennemi Nil Joseph Robin, et les martyrs n’ont pas de noms. Ce sont des guerriers algériens qui ont résisté aux assauts de l’armée coloniale et qui sont morts dans l’anonymat de l’histoire.
L’expédition française en Kabyliemaritime de 1854

En octobre 1844, après la prise de Dellys, les Beni Djenad (Aghrib, Taguercift, Azeffoun) et les Flissat el Bahr (Iflissen, Tigzirt et alentour) sont atteints par l’offensive des troupes françaises. Les populations de ces localités supportent les premiers combats et voient leurs villages incendiés, les razzias répétées, et se préparent à payer les contributions de guerre imposées par les autorités militaires françaises. Au mois de juin 1854, sous la pression française qui devient de plus en plus forte, la plus part des tribus de la commune-mixte d’Azeffoun reprennent les armes. A cette époque, l’apparition du Chérif Boubaghla avait considérablement déstabilisé et dérouté les troupes françaises et leurs supérieurs par sa résistance soutenue et ses déplacements fréquents. Sous les ordres du général Randon, le général Mac Mahon dirige son armée, encadrée par des centaines d’officiers, contre la tribu des Ath Hassaine, située dans la commune de Zekri.
Voici le récit du Commandant Nil Joseph Robin, chef du bureau arabe d’Alger, et Officier militaire en Grande Kabylie, entre 1852 et 1854, dans son livre écrit en 1884 et intitulé « Histoire du Chérif Boubaghla » : (Le général Randon, gouverneur général, avait arrêté que les opérations en Kabylie seraient effectuées au moyen de deux divisions, dont il était le commandant en chef ; l’une de ces divisions, aux ordres du général Camou, avait son point de concentration à Chaoufa, à 10 km au-delà de Mekla.
La 2eme, sous les ordres du général Mac Mahon, avait son lieu de concentration au bordj de Ksar Kebouch, point culminant situé entre la montagne des Béni Ghobri et de Béjaia. Le regroupement des troupes devait être effectué à la date du 1er juin 1854. Voici comment le général Randon indiquait ses projets dans une lettre datée du 26 mai 1854 : « Mon intention est de frapper dès le début, sur la tribu des Béni-Djenad, qui a prêté, dans cette dernière circonstance, aide et secours au Chérif Boubaghla et qui a besoin d’être châtiée d’une manière exemplaire. Mon action s’étendra ensuite aux autres tribus de la rive droite du Sébaou , depuis les Béni-Idjer jusqu’aux Zerkfaoua, sur le bord de la mer. J’y emploierai 8 bataillons de la division d’Alger, que je vais réunir à Mekla et 7 bataillons de la province de Constantine, que je ferai déboucher par Ksar-Kebbouch ». La colonne commandée par le général Mac Mahon, partie de Sétif le 29 mai, avait trouvé l’Oued-Sahel (Oud Soummam) inguéable et elle avait été obligée d’aller franchir cette rivière à la traille de Bougie (Béjaia). Elle prit la route de Taourirt-Guighil, ouverte en 1852, et elle arriva à Ksar-Kebbouch le 1er juin. Les effectifs, au 1er juin, étaient comme suit : 171 officiers, 5206 hommes de troupe et de cavalerie, 365 chevaux et 456 mulets. Le général Mac Mahon avait pensé qu’il aurait à attaquer tout d’abord les Béni-Idjer, qui se trouvaient à sa portée et il avait pris ses dispositions en conséquence. Le 3 juin 1854, il s’était mis en marche sur Tifrit-Nath-ou-Malek et quelques coups de fusil avaient déjà été échangés avec les éclaireurs des résistants kabyles, lorsqu’il reçut une dépêche du général Randon, datée du 2 juin, 8 heures du soir, qui lui enjoignait de se diriger sur les Béni-Hassaine. Il alla camper à Ighil-el-Korn. Le lendemain 4 juin, il se mit en marche pour le marché d’El Had des Ighil Nzekri.
La colonne arriva sur ce point à 9 heures du matin; là, il convoqua tous les chefs indigènes pour négocier leur soumission. Les chefs et notables kabyles des Ath Hassaine, des Azzouza, des Tigrine et des Béni-Ksila, n’avaient pas répondu à la convocation du général de Mac Mahon, et les contingents de ces tribus étaient venus occuper les hauteurs qui séparent les Ighil-Nzekri des Ath Hassaine pour disputer le passage aux troupes françaises. Ces hauteurs sont très escarpées, couvertes de rochers, de chêne-liège et d’épaisses broussailles, et les pentes sont déchirées par des ravins profonds difficiles à franchir.
Un seul chemin accessible aux mulets kabyles, traverse ces hauteurs, c’est celui du col de Sidi-Aissa qui conduit au principal groupe de villages des Ath Hassaine. Les kabyles, prévenus depuis plusieurs jours de l’arrivée de la colonne, avaient encore augmenté les difficultés naturelles du pays en établissant, sur tous les contreforts de la chaine principale, plusieurs lignes de retranchement en terre et en pierre, disposées avec une véritable intelligence de guerre, de manière à croiser leurs feux sur les colonnes d’attaques françaises. Ils avaient aussi pris soin de couper le chemin muletier au moyen de fossés et d’abatis d’arbres.
Pendant que les troupes françaises s’installaient, les résistants kabyles travaillaient encore à leurs retranchements, dont quelques uns avaient cinq mètres de long sur un mètre de hauteur. Les contingents kabyles étaient environ 1000 à 1200 combattants. Le général de Mac Mahon envoya un cavalier indigène en parlementaire aux insurgés pour les engager à renoncer à une résistance inutile ; ce goumier parlementaire fut reçu à coup de fusil, avec des injures et des clameurs belliqueuses. Le général de Mac Mahon fit prendre les armes, sans sac, en laissant une garde suffisante au camp, puis il ordonna les dispositions d’attaque ; il était midi et demi, en ce 4 juin 1854. Le chemin du col de Sidi Aissa fut indiqué comme direction à suivre par le centre de la ligne de bataille. La brigade du général Massiat fut déployée à droite du chemin. Les résistants kabyles des Béni-Hassaine avaient immédiatement ouvert le feu sur les tirailleurs, et se mirent à pousser des cris de joie. L’Artillerie des troupes françaises ouvrit le feu, et deux bataillons des ailes s’élancèrent en avant afin de contourner les positions défensives des résistants. Une bataille et des échanges de feu intenses se produisirent durant de longues heures. Mais les troupes françaises plus nombreuses et mieux équipées arrivèrent à repousser les résistants kabyles sur l’autre versant de la montagne. Les bataillons du centre et les Zouaves se précipitèrent sur les villages d’Aguemoun, d’Alma-Tegma, d’Agouni-Aissa et d’Ighil-Makhlef qu’ils livrèrent aux flammes. Les tirailleurs se jetèrent sur le gros village de Tala-Maala qu’ils incendièrent. Le « 7eme Chasseurs à pied » et deux bataillons allèrent bruler les villages de Tizeghouine et Tararik-bou-Amara. Plusieurs groupes de résistants kabyles furent surpris entre toutes ces colonnes et un bon nombre fut tué et dix ont été fait prisonniers. Le goum, soutenu par la cavalerie régulière, avait poursuivi d’autres résistants, mais ces derniers se sont repliés dans les maquis environnants.
Les résistants algériens avaient perdu dans cette bataille, en cette journée, une cinquantaine d’hommes et enregistré une centaine de blessés. De plus, huit gros villages, et celui de Tabaarourt des Ighil-Nzekri, furent entièrement incendiés. Le 5 juin, la colonne alla établir son camp à Ighil-Djemaa des Béni-Hassaine. Et une colonne légère fut envoyée pour incendier les villages de la rive droite de l’Oued-Ibahrizen. Les tribus des Ath Hassaine, « très touchés » par l’incendie de leurs villages, furent imposées à 30 francs par feux (par maison). Les Tigrine, les Bounaamane, les Ait-Sidi-Abou et les Béni-Ksila payèrent un tribut de 50 francs par feux, « moins touchés » par les incendies et les razzias des troupes françaises. La contribution de guerre imposée aux Ath Hassaine s’éleva à la somme de 18550 francs.
Les troupes françaises séjournèrent jusqu’au 8, aux Béni-Hassaine, pour percevoir la contribution de guerre, organiser le pays et ouvrir le chemin qu’elles devaient suivre pour se rendre à l’embouchure de l’Oued-Sidi-Hand-ou-Youcef (actuel Sidi Khelifa), ou elles allèrent recevoir des vivres qu’un navire à vapeur devait leur amener ).
Combien de morts, combien de chouhada, combien de blessés, combien de déportés, combien d’orphelins, combien de déplacés durant la colonisation francaise? Le ministère des moudjahidine peut-il nous éclairer ? La France pourra t-elle reconnaitre ses crimes des 19e et 20e siècles en Algérie ?
Le 18 février, Journée Nationale du Chahid a été consacrée journée nationale lors de la conférence des enfants de chouhada tenue au Club des Pins, les 17 et18 février 1988 .
Par Rachid Moussaoui