Les rurales qui ont subi les affres d’une tradition jurisprudentielle qui les ont privées de tout, n’iront dans aucun lieu pour faire la fête
Déjà qu’il est difficile d’être un homme, que dire quand on est une FEMME…
Le 8 mars date charnière du combat féminin pour l’indépendance de la gent féminine et son égalité avec l’homme ne représente rien pour des milliers de femmes rurales. L’anniversaire est fêté avec faste dans certains milieux et sert de support médiatique pour bon nombre de politiques qui continuent à saisir toutes les opportunités pour se mettre en évidence. «La femme doit être considérée de tout temps et en tout lieu. Elle n’est pas un thème dont on se rappelle le temps d’une demi-journée» pense une jeune étudiante. Elles sont des milliers à vivre cette journée ou cette demi-journée dans l’indifférence et loin des feux de la rampe. Comme à l’accoutumée, elles se lèveront ce 8 du mois pour aller vaquer aux travaux quotidiens après s’être réveillées très tôt le matin.
En plus des tâches ménagères, ces rurales iront aux champs, ramasseront le bois, conduiront le bétail aux écuries, cueilleront les olives une à une, rempliront et porteront sur leurs têtes les jarres d’eau, arpenteront les sentiers abruptes des «collines oubliées» en s’empressant de saluer toutes les personnes qu’elles rencontreront sur leur passage… quand d’autres plus «chanceuses» se pavaneront dans les salons de beauté et d’esthétique et se succéderont sur les plateaux des médias pour rendre hommage à celles qui ont sacrifié leur vie pour l’indépendance. Les émissions seront, bien sûr rehaussées par la présence d’hommes qui rappelleront que la liberté de la femme demeure leur dada et qu’ils sont là pour les libérer. Déjà qu’il est difficile d’être un homme que dire quand on est une femme dans un pays où on parle plus qu’on fait.
Solitude, violences conjugales….
Les rurales qui ont subi les affres de la solitude, des violences conjugales et les résultats d’une tradition jurisprudentielle qui les ont privées de tout, n’iront dans aucun lieu pour faire la fête. La pudeur, la responsabilité, la bonne éducation sont le maître mot dans un monde où tout est tabou, la femme est réduite au silence dans un espace où l’homme fait et défait le temps à sa guise et à son profit. En résumant la célébration à une demi-journée dans l’année, c’est toute la condition féminine que cet homme veut réduire pour ne perdre aucun millimètre de cet espace qu’il s’est octroyé en se référant à des textes sacrés qu’il traduit à sa manière. Même si les concepteurs de ces idéologies et politiques tenteront de faire croire à un message, un hymne à la délivrance de la femme des mille et un tabous qui ne cessent de l’empêcher de fleurir et de percer dans un monde fait d’hommes et de tradition, tout le monde retournera à la case départ sitôt le 8 mars passé.
La femme redeviendra femme devant le tout-puissant homme qu’une mère a porté neuf mois dans son ventre. Le quotidien de la femme rurale algérienne, victime à la fois tragédie nationale et encore de la nouvelle vision mondiale qui oeuvre pour la restructuration de tous les ordres, sociaux, moraux, continue à être un sujet de dérision dans les milieux imprégnés par des courants idéologiques venus d’une autre planète et d’un autre monde. L’école façonnée a perpétué cet ordre établi. Nomreux sont ceux qui assimilent la femme à la procréation, à la soumission, à des êtres d’un degré moindre… et qui changent d’avis que lorsqu’il s’agit de leurs propres mères par respect comme le disait Hugo.
Le travail pour libérer «Eve»
Fidèle à sa tradition et pour honorer la femme en cette occasion, la direction de la culture de Bouira s’est limitée à un gala artistique. C’est peu pour une frange qui a toujours été aux premiers fronts dans la lutte pour la survie de l’humanité. Dans une tentative pour peut-être éradiquer, voire s’opposer au moins à ces préjugés, des opérations ont été menées en direction de la femme, en général, et la femme rurale en particulier.
La lutte contre l’alphabétisation, la possibilité de travailler… deux actions de libéralisation sont menées, mais elles ne profitent pas à toutes les femmes. L’Office national de l’alphabétisation et le Centre régional de Bouira dispensent un enseignement qui profite à 22.000 femmes au niveau des 1000 classes à l’échelle de wilaya, parmi lesquelles on compte 15.000 femmes rurales. De ce fait, la prise en charge de la femme s’avère, de prime abord, une bouée de sauvetage sur le plan social et économique. L’implication de la femme dans la création de l’entreprise, participe à améliorer le niveau de vie qui sert aussi à créer une dynamique d’emploi pour les autres femmes. Longtemps restée inactive et sans aucun revenu, le dispositif de formation qui a été mis en place, ces dernières années, au profit de cette frange de la société, continue de faire ces preuves. Dans la wilaya de Bouira, à l’instar d’autres régions du pays, la femme au foyer n’est pas restée en marge. Elle a décidé de se prendre en charge. De la couture, coiffure, broderie, gâteaux jusqu’à l’apiculture et l’artisanat, ce sont les métiers pour lesquels les femmes au foyer et les femmes rurales ont exploité leur génie.
«Fatma» un hymne à la femme
La condition de la femme en Algérie est artistiquement bien retracée par la pièce Fatma mise en scène par Hamida Aït El-Hadj et jouée par l’artiste Razika Ferhane, jeune artiste connue dans les feuilletons: El Bedhra et Hal oua ahoual. «Le déroulement des événements s’est fait dans un espace où toute la vie sociale y est présente. Du haut de la terrasse d’un immeuble, Fatma, orpheline et esseulée, s’y rend pour faire le ménage, porte un regard amer sur la situation de l’être faible. Solitude, violence conjugale et la tradition «légiférée» qui est un boulet au pied de la femme» commentait un critique quand la pièce avait été présentée en 2008 à Bouira. Parce que la date est plus qu’importante, parce que nous avons une dette envers chaque maman, chaque épouse nous n’omettrons pas à travers cette modeste contribution à rendre un hommage particulier aux femmes qui depuis Kahina, jusqu’à celles qui sont tombées sous les balles assassines de la tragédie nationale en passant par les Hassiba, Djamila…ont toujours redonné la vie à cette Algérie qu’elles aiment sincèrement sans rien attendre en retour.