Journée internationale de la femme: Le rendez-vous manqué de Saâdani

Journée internationale de la femme: Le rendez-vous manqué de Saâdani

Amar Saâdani n’a pas pu honorer de sa présence la rencontre dédiée aux femmes. C’est Salima Othmani qui se chargera d’animer le meeting. Elle en profiter largement pour rendre hommage à Bouteflika. Ambiance.

Elles étaient des dizaines à avoir fait le déplacement de différentes wilayas du pays pour fêter prématurément la Journée internationale de la femme, hier, à Alger, sur invitation du SG du FLN, Amar Saâdani. Sauf que ce dernier a manqué de galanterie : il n’est jamais arrivé !

Sur l’estrade de la salle des conférences du Palais du peuple, deux grandes affiches annoncent l’événement du jour : “Journée internationale de la femme”. Ce n’est pourtant pas l’image d’une femme qui illustre les deux affiches, mais plutôt le portrait d’Abdelaziz Bouteflika, soutenu par un slogan largement visible : “Les acquis de la femme à la faveur de la nouvelle Constitution”. Des dizaines de convives venues de différentes wilayas du pays, notamment celles de la région Sud, attendent depuis le petit matin l’hôte, Amar Saâdani, secrétaire général du Front de libération nationale. Drapeaux, banderoles et affiches à la main, elles désespèrent de voir le patron du FLN arriver, alors que l’horloge affiche presque 11h. “Monsieur se fait désirer”, lâche une jeune demoiselle qui semble prendre part, sans grande conviction.

Elle accompagne sa mère, visiblement une militante FLN. La lumière est faible et il fait chaud dans la salle. Ça respire mal. Les invitées étouffent. Elles n’ont pas le choix. Elles sont venues de très loin. Autant alors assumer jusqu’au bout le rôle de figurantes. Une dame monte finalement sur le pupitre, se saisit du microphone et annonce la surprise : “Monsieur Amar Saâdani s’excuse de ne pas pouvoir venir.” Il sera représenté par un cadre du parti. Quelle galanterie ! Salima Othmani, membre du bureau politique du FLN, chargée de la condition féminine, ouvre le spectacle et souhaite la bienvenue à l’assistance sur ce propos : “Abdelaziz Bouteflika n’est pas que notre Président, il est aussi notre père.”

Des youyous fusent de partout. Un grand brouhaha s’installe dans la salle. Les caméras de chaînes de télévision filment la scène et l’oratrice entend vraisemblablement faire bonne impression dans le journal télévisé du soir. Encouragée par des “vive le Président” scandés par quelques femmes soucieuses de faire également bonne figure, Salima Othmani perd tout contrôle et verse dans des louanges, autrefois dignes d’un empereur. Un seul discours, un seul personnage, un seul héros finalement à l’ordre du jour : Abdelaziz Bouteflika. La femme, quant à elle, ne sert plus que d’alibi. L’oratrice ne manque pas d’ailleurs de rappeler aux convives qu’elles doivent s’estimer heureuses de figurer en haut du podium des femmes des pays arabes, en matière de droits.

Quelle référence ! Et c’est, bien entendu, grâce à Abdelaziz Bouteflika ! Infatigable, Salima Othmani enchaîne, éloge sur éloge, une longue et interminable dissertation sur la “bonne gouvernance” et les “réformes politiques” du chef de l’État. Il n’y a point de débat sur la femme, sa condition et ses aspirations. Aucune des invités n’a eu droit à la parole. Mieux encore, Salima Othmani achève son discours sur ce propos : “J’espère que vous serez à la hauteur de la confiance que le Président a placée en vous.” Bonne fête… pauvres dames !

Mehdi Mehenn