Tibane, mars 1962: retrouvailles dans la bonne humeur après la fin de la guerre: mission accomplie. Enfin, c’est le retour à la maison. De gauche à droite, Djoudi Attoumi, Aslat Méziane, Zène Boualem, Ourdani Mouloud, Mézouari Larbi et Agsous Md Arab
La journée du 19 mai fut l’occasion pour l’APC de Tibane de commémorer la Journée de l’étudiant et le rôle de la femme lors de la guerre de Libération, en présence de nombreux moudjahidine, des citoyens et responsables locaux.
Cette rencontre se voulait à la fois un hommage à Louisa Attouche et Dhrifa Attif, toutes deux natives du village de Tibane qui avaient rejoint le maquis dès l’automne 1956, répondant ainsi à l’appel des moudjahidine.
Les conférenciers étaient au nombre de sept, tous des anciens de l’ALN, dont quatre auteurs d’ouvrages sur la guerre de Libération. Il s’agit de Azzi Abdelmadjid, Mézouari Larbi, Akli Md Saïd, Djakrir Hadi, Djoudi Attoumi, Agsous Md Arab, Rachid Adjaoud et Hadi Djakrir.
Alma, le lieu de la rencontre symbolisait un grand moment de l’Histoire du village des Aïth Oughlis, ainsi que de la vallée de la Soummam. En effet, il y a 51 ans, c’est-à-dire en mai 1962, se retrouvaient sur cette même place, Krim Belkacem, le colonel Si Mohand Oulhadj, Mohamed Boudiaf et d’autres responsables de l’époque. Il y avait aussi pour la circonstance, des unités de l’ALN et de nombreux officiers convoqués pour ce grand événement. Ce jour-là, population et moudjahidine se sont mêlés pour fêter la fin de la guerre. Une ambiance de fête régnait ce jour-là, tant du côté des moudjahidine que de la population, tous meurtris par la guerre.
Aujourd’hui, 51 ans après, se retrouvaient à nouveau quelques moudjahidine, témoins de l’époque, pour mettre en valeur leur vécu et témoigner de cette épopée glorieuse de la Révolution devant une assistance composée de jeunes, de moins jeunes et surtout de femmes qui n’ont pas voulu rater cette occasion, délaissant pour un moment leurs travaux domestiques ou champêtres.
Les intervenants ont, tour à tour, évoqué le rôle de Louisa Attouche et de Dhrifa Attif dans les rangs des moudjahidine, les conditions de leur capture dans les maquis à Draâ Erih, au cours de leur trajet pour se rendre en Tunisie; leurs compagnons tombés lors de cette journée furent évoqués. Il s’agit du Dr Rachid Belhocine, de Raymond Peschard, de l’aspirant Arezki Oukmamou, de Mohamed, l’étudiant en mathématiques et d’autres encore. Et puis furent évoqués, également, ceux et celles qui furent faits prisonniers, comme la doctoresse Nefissa Hamoud et le docteur Laliam Mustapha, Danielle Mine (Amrane Djamila), Aïcha Haddad. Ce jour du 6 novembre 1957 fut une hécatombe pour ce groupe des services de santé de l’ALN.
Un autre thème non moins important fut également évoqué: le rôle inestimable de la femme algérienne tout au long de la guerre de Libération. Justement, cette dernière a pris conscience de son combat aux côtés de ses frères moudjahidine, déjà, depuis le début du déclenchement de la guerre.
Tout au long de cette terrible période, ce rôle allait évoluer en fonction des circonstances et des périodes. Elle était partie prenante à toutes les réunions secrètes du début, à toutes les missions de renseignements et d’informations qui lui furent confiées. Mais le plus dur et aussi le plus efficace fut son rôle lors de l’opération «Jumelles».
Ce fut un épisode des plus durs de la guerre de Libération. Avec des forces d’invasion de plus de 100.000 hommes, le général De Gaulle espérait détruire l’ALN, sinon la mettre à genoux afin de négocier en position de force et imposer alors ses conditions; mais il n’en fut rien.
Des témoignages de ces acteurs, il ressort que l’ALN a subi un rouleau compresseur, des coups de boutoir qui lui ont coûté cher: les trois quarts de ses effectifs furent perdus. Et devant une telle situation apocalyptique, la femme a retrouvé son rôle, comme par enchantement.
Les villages étaient tous désertés par les hommes qui avaient, soit rejoint les maquis, soit été tués ou partis en France ou dans les villes. Alors, la femme algérienne a conquis sa place dans le combat aux côtés de ses frères moudjahidine. Elle était toujours là, disponible et omniprésente. Elle a su remplacer l’homme, affronter tous les dangers, en plus de son rôle traditionnel de préparer les repas aux moudjahidine et de laver leur linge.
Elles vont désormais s’accommoder au rôle d’agent de liaison et d’information, assurer le ravitaillement etc. Mais l’autre mission consistait à contacter les appelés musulmans se trouvant dans l’armée française. Grâce à elles, il y eut des centaines de désertions à travers la Wilaya III historique. Selon des statistiques françaises, 9300 d’entre eux ont rejoint l’ALN. Et le plus important, c’est que derrière chaque désertion, il y a une femme à l’origine des contacts. Nous ne voulons pour preuve que l’année 1961 seulement: une vingtaine de postes militaires français furent investis par les moudjahidine et tout l’armement emporté. De telles actions ont permis le renforcement inespéré du potentiel de l’ALN. Désormais, nos unités avaient repris l’initiative du terrain. Et ce fut en partie grâce à ces femmes courageuses.
Le dernier thème fut consacré à la commémoration de la grève des étudiants au cours de laquelle, des centaines de jeunes étudiants et lycéens avaient rejoint les rangs des moudjahidine, ce qui avait permis de renforcer nos rangs et d’élever le niveau intellectuel des responsables. A cet effet, un hommage particulier fut rendu au colonel Amirouche qui a réussi leur intégration dans les rangs de l’ALN et permis qu’ils soient promus en grande partie au grade d’aspirant. Il s’agit de Imadali Larbi, Mouloud Benmouffok, Mekrez Makhlouf, Amzar Bachir, Mokraoui Md Rachid, Belloul Madjid, Mitiche Moh Djardjar, Aména Mahieddine et tant d’autres.
L’assistance était en haleine par la qualité des thèmes développés et le haut niveau des conférenciers. En fin de journée, M.Kaci, chef de daïra de Chemini et M.Attif Zahir, président de l’APC de Tibane ont clôturé cette rencontre en remerciant les intervenants de leurs témoignages. Enfin, ils souhaitèrent voir se renouveler de telles rencontres pour satisfaire la soif de savoir de nos jeunes générations et pour les acteurs de la guerre de transmettre leur message avant de disparaître à leur tour.