La situation sécuritaire dans la région, le conflit sahraoui, la dégradation des relations avec l’allié saoudien, seront au menu de cette visite qui intervient dans un contexte sécuritaire chaud.
Deux grosses pointures. Deux faiseurs de décisions dans le monde à Alger. Après la visite, en mars dernier, du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, c’est au tour du secrétaire d’Etat des Etats-Unis John Kerry de lui emboîter le pas. Même si pour ce dernier, la date d’arrivée n’a pas encore été fixée, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. La visite du ministre russe des Affaires étrangères allait de soi puisque M.Lavrov s’est rendu dans un pays ami, un allié politique traditionnel et un client sûr en armement. S’il a eu l’occasion de faire le point sur l’état des relations politiques et économiques entre les deux pays avec les responsables algériens, sa visite a coïncidé avec un contexte sécuritaire mondial régional des plus tendus.
Dans un entretien qu’il a accordé en exclusivité à L’Expression, M.Lavrov a eu cette déclaration prémonitoire: «Une série d’attentats sanglants est devenue non seulement la démonstration de l’essence barbare de l’idéologie et de la pratique du soi-disant «État islamique», mais elle a montré d’une manière évidente que dans le monde moderne mutuellement dépendant, le désir de créer des «oasis de sécurité» séparées et de s’isoler des régions troublées voisines est irréalisable.». La prochaine visite du secrétaire d’Etat américain interviendra dans le même contexte sécuritaire. Aussi, il faut s’attendre à ce que cette virée algéroise «accouche» d’importantes décisions pour le pays, mais surtout pour la région. Les bruits de bottes qui se font de plus en plus sentir en Libye ne sont pas de nature à rassurer. Sachant que M.Kerry abordera ce dossier avec la plus grande puissance militaire régionale et surtout avec un pays aguerri en matière de lutte contre le terrorisme au terme d’une vingtaine d’années d’expérience.
Sans compter le fait que l’Algérie est un îlot de stabilité en Afrique du Nord et qui possède des capacités de convaincre, mais qui tient au sacro-saint principe de la non-ingérence étrangère. Une intervention de l’Otan à la manière de 2011, n’est plus envisageable aussi bien par le coût que par la volonté des Occidentaux. C’est aux Libyens eux-mêmes de le décider, encore qu’il faille instituer un gouvernement d’union nationale. La Libye est une vraie «bombe» à retardement. Les Occidentaux veulent intervenir, Alger préfère la solution pacifique avec un dialogue inter- libyen comme elle l’a si bien réussi avec la crise malienne. L’Oncle Sam soutient pour le moment la position algérienne, refusant de s’impliquer militairement.

Le dossier syrien sera également de mise lors de cette visite. Le respect de la trêve, les chances de la réussite de la paix et la reconstruction de ce pays détruit par les bombardements. Le retour de l’Iran sera également abordé surtout que l’Algérie entretient de très bonnes relations avec le pays perse qui fait trembler ses rivaux du Golfe. A l’évidence, M.Kerry sera interpellé au sujet de son allié majeur, à savoir l’Arabie saoudite qui développe des instincts belliqueux. Jamais la région du Moyen-Orient n’a été marquée par autant de conflits et dure dans le temps. Pour les observateurs, cet état de guerre perpétuelle est dû à ce désir saoudien de driver le Monde arabe quitte à user de la méthode forte envers les pays récalcitrants. Le conflit sahraoui sera également abordé maintenant que le Maroc, un autre allié traditionnel de l’Oncle Sam, nargue la communauté internationale. Celui qui a reconnu que le Sahara occidental était la dernière colonie d’Afrique est en train de faire pression sur les membres du Conseil de sécurité de l’ONU afin qu’ils adoptent une position claire sur cette occupation.
La locomotive de ce Conseil de sécurité, les USA, est le premier concerné. L’avenir des dossiers libyen, sahraoui, et les errements de l’Arabie saoudite pourraient donc se jouer en avril prochain à Alger. L’opportunité se prête bien pour cette interpellation surtout que les relations algéro-américaines n’ont jamais été «aussi bonnes» que depuis ces deux dernières années. Il va sans dire que l’entremise des Américains dans le règlement de ces conflits sera aussi un message fort en direction de leur nouveau allié algérien pour protéger leurs intérêts en Afrique du Nord. L’Algérie est en effet tout indiquée pour leurs intérêts économiques et stratégiques. «Mister Kerry» pourrait dans le même sens tenter de jouer les médiateurs dans la guerre diplomatique que se livrent ces derniers temps Alger et Riyadh. Une crise dont les Américains se passeraient aisément en cette période de doute mondial. A ces défis sécuritaires et géostratégiques immenses, le secrétaire d’Etat américain abordera avec les responsables algériens, les questions économiques dont les lois en Algérie ne semblent pas être du goût des entreprises américaines, mais qui arrivent tout de même à s y adapter. La serviette de Kerry sera donc pleine à son arrivée et départ d’Alger…