Jijel est devenue, en l’espace de quelques années, l’une des destinations phare durant l’été en Algérie. L’an passé, ce sont près de 8 millions de touristes qui ont été attirés par la côte jijelienne, considérée par beaucoup comme la plus belle du pays.
Cette année encore, les vacanciers affluent par milliers à Jijel pour profiter des plages de Sidi Abdelaziz, Kotama, le Grand phare, la Crique, Aouna ou les Afftis. Pourtant, Jijel est loin d’offrir les conditions d’accueil et d’hébergement et de répondre à une demande sans cesse croissante.
Des services médiocres, peu de restaurants classés, prestations trop chères, réseau routier dégradé et insuffisant, problème d’eau courante et seulement une dizaine d’hôtels en activité. Pour combler ce vide, les Jijeliens se sont adaptés et n’hésitent plus à louer leurs habitations en cette période, c’est devenu même un business qui rapporte gros.
En effet, l’automobiliste pénétrant la wilaya de Jijel est sollicité pour une location d’une maison dès qu’il entre à Sidi Abdelaziz (à une vingtaine de kilomètres de Jijel-Ville), des annonces avec numéros de téléphone sont taguées sur les murs des maisons, une pratique initiée par les Tunisiens il y a des années déjà pour attirer les touristes algériens. Mais c’est à Jijel-Ville que ce business se développe le plus, surtout depuis l’implication des agences immobilières.
Ce n’est plus un tabou, les habitants font des affaires de juillet à août, certains louent une ou deux chambres de leur appartement, d’autres, un étage de leur grande maison. Et il y a ceux qui ont les moyens et ont construit des sortes de résidences-appartements qu’ils louent à prix d’or en cette période. Bien évidement, plus la maison est proche de la mer, plus les prix de la location grimpent.
A El Rabta, quartier qui a vu le jour il y a quelques années et qui a l’avantage de se trouver sur la route menant vers les plages du Grand-Phare ou la Crique, la nuit dans un appartement de type F3 se négocie à plus de 6.000 DA, plus loin, juste avant d’arriver au Grand-Phare, les prix peuvent atteindre ou dépasser facilement les 8.000 DA pour le même type de maison.
Jijel plus cher que Barcelone
Certains appartements avec vue sur mer se louent à 10.000 DA la nuit au grand étonnement de plusieurs vacanciers. « Nous venons chaque année à Jijel pour passer quelques jours de vacances, parce que nous avons de la famille. Je constate que chaque année, les prix de la location grimpent dans une ville qui, hormis ces belles plages, n’offre pas grand-chose.
Il n’y a pas une animation particulière la nuit, à part au front de mer où les familles peuvent se balader tranquillement. Franchement, je ne mettrai pas 6.000 ou 7.000 DA pour une nuit dans un hôtel.
Quant au prix, c’est une aberration que de constater que Jijel est devenue plus chère que les destinations touristiques par excellence comme l’Espagne ou la Tunisie », nous dira un père de famille venu de Constantine. Un avis que partagent beaucoup de vacanciers et même de Jijeliens qui ne comprennent pas pourquoi il y a tant d’engouement pour une ville qui n’offre rien de remarquable en cette période d’été.
« Dès la fin du ramadan, la ville devient invivable, entre embouteillages et arnaques en tous genres. On pense surtout aux familles qui viennent de très loin, du sud du pays par exemple, et à qui on demande de payer des loyers très chers alors que le confort laisse à désirer.
L’Etat devrait sévir pour faire cesser ces activités qui nuisent à notre réputation à nous Jijeliens connus pour notre hospitalité », nous dira Salah, 35 ans, membre actif du mouvement associatif de la ville. Jijel plus chère que Hammamet ou Barcelone, c’est une réalité.
Dans les réseaux sociaux, certains se sont mis à comparer les annonces trouvées sur internet pour les partager : « appartement pas loin de la Sagrada Familia Barcelone à 26 euros/nuit. Appartement pas loin de Kotama à Jijel 50 euros/nuit », peut-on lire dans une annonce publiée sur Facebook.
Des prix exagérés par rapport au marché, seule la spéculation peut expliquer un tel phénomène, comme nous dira Didine, un habitant de Jijel qui a pris l’habitude de louer son appartement pour quelques jours en été. « C’est vrai que la location des maisons en été est une pratique plus courante à Jijel que dans des villes comme Skikda ou Annaba.
Je loue mon appartement à des connaissances et à des prix souvent symboliques ou bien je le prête à des membres de la famille. Nous nous sommes amusés à comparer les prix de location avec les hôtels de Hammamet en Tunisie après la baisse des prix de ces dernières semaines, et nous avons constaté que passer une nuit dans un appartement à Jijel revient plus cher que dans un hôtel quatre étoiles à Hammamet.
A ce rythme, les touristes risquent de bouder la destination Jijel, et d’ailleurs, d’après ce qui se dit, il y a plus de vacanciers à Bejaïa qu’à Jijel cette année parce que les prix sont plus abordables là-bas. » Ces pratiques ne découragent pas pour autant les touristes, on est loin des plages désertées en ce mois d’août, il faut dire que malgré les désagréments, les vacanciers viennent non seulement des environs mais aussi de wilayas lointaines, telles que Laghouat, Batna, Oued Souf, Alger, Ouargla ou Ghardaïa.
Le vacancier devra payer aussi l’accès à la plage, malgré les directives du ministère de l’Intérieur qui a décidé de mettre fin aux concessions privées, on remarque cependant que des jeunes squattent toujours des plages et imposent aux familles de louer des chaises et une table à raison de 1.000 DA la journée. Quant aux places de parking, les automobilistes sont tenus de débourser 200 DA pour la place.