Jeux vidéo: En Chine, réalité virtuelle rime avec ambitions bien réelles

Jeux vidéo: En Chine, réalité virtuelle rime avec ambitions bien réelles

Même si Pékin ambitionne de faire du pays un  champion des technologies du futur, les autorités ont pris depuis l’an dernier  des mesures radicales face à l’addiction de dizaines de millions de Chinois aux  jeux vidéo sur smartphones et au bond des cas de myopie à des niveaux  inquiétants.

Chen Jiuxiao enfile ses lunettes de  réalité virtuelle et se retrouve immédiatement à slalomer sur une piste de ski  enneigée… sans avoir à quitter Shanghai, grâce à des jeux vidéo d’une  nouvelle génération, extrêmement immersifs.

La technologie de la “réalité virtuelle” (RV) permet d’être plongé dans un  monde artificiel créé numériquement: “Je me sentais en apesanteur en dévalant  les pistes. Le paysage autour de moi était tellement bluffant de réalisme!”,  s’enthousiasme Jiuxiao, 25 ans, de retour dans le monde réel.

Cette employée d’hôtellerie a entendu parler des salles d’arcade par le  biais d’amis férus de technologie, avant de s’y aventurer.

Elle n’est pas seule: en 2016 déjà, la Chine comptait environ 3 000 espaces  dédiés à la réalité virtuelle. Le marché est en pleine expansion: d’ici 2021, il devrait peser 5,25  milliards de yuans (696 000 euros), soit 13 fois plus qu’en 2016, selon un  rapport conjoint des cabinets iResearch et Greenlight Insights (entreprise  spécialisée dans la RV). Et c’est sans compter les bénéfices à tirer des  casques, des équipements, des jeux et d’autres produits, qui font saliver tout  le secteur. “Du fait de sa croissance, la Chine pourrait dominer durablement la réalité  virtuelle et augmentée d’ici cinq ans… et pas d’un cheveu”, abondait l’an  dernier dans un rapport le cabinet californien Digi-Capital. Selon lui, d’ici  2022, la Chine pourrait représenter plus d’un cinquième des dépenses mondiales  dans ce secteur.

À l’inverse de la réalité virtuelle, qui immerge totalement l’utilisateur  dans un tout autre univers, la réalité augmentée surimpose des informations et  contenus à la réalité environnante (via des lunettes à écran par exemple).

Secteur “chouchouté” 

Ce décollage de la réalité virtuelle en Chine s’explique notamment par la  politique du gouvernement. Même si Pékin ambitionne de faire du pays un champion des technologies du futur, les autorités ont pris depuis l’an dernier des mesures radicales face à l’addiction de dizaines de millions de Chinois aux  jeux vidéo sur smartphones et au bond des cas de myopie à des niveaux inquiétants.

Elles ont, en particulier, longuement gelé l’approbation de nouveaux jeux mobiles et contraint les opérateurs à restreindre le temps de jeu pour leurs jeunes usagers.

Ce durcissement réglementaire a été un coup de massue pour le secteur, faisant notamment s’effondrer les bénéfices de Tencent, le géant de l’internet et des jeux vidéo.

La réalité virtuelle – tout comme les voitures autonomes – fait au  contraire partie des secteurs “chouchoutés” par le gouvernement via des réglementations avantageuses. Les salles d’arcades ne présentent pas les mêmes “risques” que les jeux sur smartphones: à 70 yuans (9 euros) ou plus le quart  d’heure de jeu, “l’addiction pour les mineurs reste difficile”, souligne Chen Wei, le gérant de la salle d’arcade Machouse à Shanghai. À l’heure actuelle, les jeux en réalité virtuelle se comptent de toute  manière sur les doigts de la main: au “VR+ Amusement Park”, une autre structure  spécialisée dans ces jeux à Shanghai, un nouveau titre est introduit seulement tous les trois mois.

Marché immature 

Malgré les perspectives prometteuses, les grands acteurs du secteur à  l’image de Tencent hésitent à se lancer sur ce qui demeure pour l’heure un  marché de niche.

Tencent, comme les autres géants du web Alibaba et Baidu, préfère, selon les  experts, investir dans l’application de la réalité virtuelle au e-commerce, qui  permet à un client de simuler l’essayage d’un produit avant de l’acheter en ligne.

Ces groupes lorgnent également les contenus de divertissement en réalité  virtuelle – pour donner par exemple l’impression d’assister à un concert rien qu’en enfilant des lunettes. De leur côté, des autorités locales promeuvent de nouveaux usages à ces  technologies en essor: un certain nombre de villes en Chine soutiennent  activement des incubateurs dans ce domaine et intègrent la réalité virtuelle à  leurs programmes de recherche et d’éducation. L’entreprise Seekers VR, qui possède en franchise un réseau de 200 salles d’arcade dans plus de 70 villes en Chine, travaille ainsi avec la ville de Wenzhou (est) à la création d’un établissement où des étudiants seront formés à la réalité virtuelle, tout en intégrant cette technologie à leurs cours.

“Ce marché est encore immature, il n’y a pas encore d’acteur dominant. Nous  proposerons de plus en plus de débouchés”, promet la PDG de l’entreprise, Belle  Chen.

Dans les prochaines années, la réalité virtuelle pourrait bénéficier à fond du déploiement attendu de la 5G, la cinquième génération ultra-rapide de  l’internet mobile amenée à révolutionner les communications – mais aussi des  secteurs comme l’éducation, abonde Chen Wei, gérant de la salle d’arcade  shanghaïenne.

Pour lui, la réalité virtuelle est le moyen le plus efficace et le moins  onéreux de se former. “On en est encore à expliquer de quoi il s’agit, mais un  jour, cela explosera”.

AFP