Jeux et enjeux de la communication journaliste, quel statut?

Jeux et enjeux de la communication journaliste, quel statut?

P160503-12.jpgTandis qu’on évoque volontiers les enjeux de mise à niveau, de formation continue, de perfectionnement qui restent, en fin de compte, autant de voeux pieux, il y a cet écueil persistant de l’absence de représentativité.

La question est pendante depuis de nombreuses années. Le statut du journaliste professionnel, en vigueur jusqu’à la crise de 1988 et à l’émergence d’une presse privée, au départ liée à la qualité professionnelle des fondateurs avant de se dissoudre pour accueillir toute une variété de managers et autres marchands qui ont investi le temple, est-il réellement de mise?

La réponse est malheureusement diluée dans un contexte flou où la relation de travail, la classification professionnelle et les modalités de rémunération telles que prévues par les articles 9,10 et 11 du décret exécutif 08-140 du 10 mai 2008 fixant le régime spécifique des journalistes n’ont connu d’autre évolution que celle qui a permis, en 2012, l’adoption d’une grille des salaires de référence des journalistes et assimilés, comportant la nomenclature des postes de travail, ainsi que le nouveau régime indemnitaire y afférent pour l’ensemble des journalistes et assimilés de la presse publique. Cet accord collectif a également porté sur le point indiciaire arrêté à 40 DA entre les sections syndicales publiques, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, ainsi que les directeurs des entreprises publiques du secteur. A l’époque, le ministre avait assuré que la commission «devait poursuivre son travail» pour généraliser le dispositif à l’ensemble du corps des médias. Le sort en a décidé autrement.

Ainsi va la législation dans notre pays qui s’adapte vaille que vaille à des conjonctures, reconquérant avec enthousiasme des acquis sans cesse gaspillés, au fur et à mesure des crises jalonnant le parcours d’une nation où les textes sont aussi nombreux et avant-gardistes que leur application s’avère trop souvent décevante. Qu’en est-il, dès lors, du rôle et du statut de la presse en Algérie? D’abord, il convient de prendre acte de la naissance, au pas de charge, de nombreux médias qui se sont frayé un chemin dans le paysage: sites électroniques et chaînes de télévision privées ont transformé, en à peine quelques années, le concept et les méthodes de la communication, rendant caduque une bonne partie de la presse écrite confinée au seul volet de l’information brute. Désormais, les journaux qui veulent survivre doivent transcender l’événementiel pour se consacrer au décryptage et offrir des analyses capables de convaincre le lectorat, sinon de le séduire.

Exercice difficile et ingrat, au regard des conditions matérielles et morales dans lesquelles bon nombre de journalistes exercent une profession de plus en plus hasardeuse. Tandis qu’on évoque volontiers les enjeux de mise à niveau, de formation continue, de perfectionnement qui restent, en fin de compte, autant de voeux pieux, depuis plus de deux décennies, il y a cet écueil persistant de l’absence de représentativité qui affecte aussi bien la corporation des journalistes que celle des éditeurs. Même si les pouvoirs publics cherchent à progresser dans certains domaines, et en dépit de tous les efforts qu’ils voudront bien y consacrer, le fait de n’avoir d’autres interlocuteurs que ceux qui veulent bien se proposer rend la démarche sans cesse incertaine et toujours sujette à caution.

Pourtant, qui nierait qu’on se trouve aujourd’hui confronté à un grave dilemme en matière de déontologie et de professionnalisme?

Les exigences antérieures en termes de respect de l’intérêt supérieur de la nation, de défense des droits fondamentaux à la santé, à l’éducation, au travail, sont quotidiennement bafouées au point que c’en est devenu banal. Mais à qui la faute? Lorsque le mercantilisme règne en maître dans une profession censée être un bouclier de la République et du peuple, à l’heure d’une mondialisation vorace et sans merci, lorsque des marchands de pizzas et des spéculateurs de haut vol s’érigent en patrons de presse grâce aux capitaux accumulés depuis la décennie noire, le résultat s’affiche brutalement: des journalistes recrutés au rabais, livrés à une précarité et un turn over effarants, parfois non déclarés, et des lignes éditoriales aussi fluctuantes que les gains obtenus de-ci de-là.

Depuis trop longtemps, on disserte à diverses occasions de la nécessité d’une réhabilitation authentique de la profession, à travers la résurgence d’un statut du journaliste professionnel qui s’impose à toutes les catégories et à toutes les corporations publique et privée, incluant tous les droits et devoirs tels qu’ils existaient dans les années…1980, de l’indispensable recours à la formation, au perfectionnement et autres stages de mise à niveau. Sans une telle politique concrètement menée jusqu’à son terme, sans la reconnaissance explicite des médias nationaux comme vecteur de l’information prioritaire par rapport aux concurrents étrangers, sans la levée du carcan étatique au profit des instances de régulation conformes aux exigences de la démocratie, toutes les incantations auxquelles on assiste, depuis de trop nombreuses années, ne sont que littérature…