Selon Jean-Pierre Chevènement, les déclarations de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères français, ont créé une tention inutile entre l›Algérie et la France.
Le départ du pouvoir en Algérie de la génération de la guerre de Libération nationale ne signifie pas des relations franco-algériennes moins compliquées. C’est l’avis de Jean-Pierre Chevènement, sénateur, exprimé, mardi soir au Centre culturel français (CCF) à Alger, à la faveur d’une rencontre avec la presse.
L’ancien ministre de la Défense français ne partage donc pas le point de vue de Bernard Kouchner sur cette question.Selon Jean-Pierre Chevènement, les déclarations de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères français, ont créé une tention inutile entre l›Algérie et la France.
La génération de l’indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple», avait déclaré le chef de la diplomatie française en février 2010. «En politique, il faut relativiser et garder une certaine distance, sinon on est prisonnier des petites phrases.
L’amitié entre l’Algérie et la France vaut mieux que cela», a répliqué Jean-Pierre Chevènement, désignant Bernard Kouchner par «certains que je ne veux pas nommer».
«Quelquefois, il y a des erreurs de langage. Il y a des déclarations qu’il aurait mieux valu ne pas faire», a-t-il ajouté. Selon lui, les propos du cofondateur de Médecins du monde ont créé une tension inutile dans les rapports entre les deux pays.
«La relation politique franco-algérienne n’est pas banale. Ce n’est pas une relation d’affaires ou d’économie. Il est important de tisser des liens dans la durée, créer les conditions qui permettront le resserrement des relations entre l’Algérie et la France», a estimé Jean-Pierre Chevènement. Il faut, selon lui, mettre beaucoup d’humain et de vision dans ces rapports.
«Si nous regardons vers l’avenir, par-delà des difficultés, nous voyons ce qui nous unit. L’avenir sera beaucoup plus long que le passé», a-t-il appuyé. Interrogé sur le projet de proposition d’une loi criminalisant la colonisation, Jean-Pierre Chevènement a estimé que le processus n’est pas en cours (le gouvernement Ouyahia n’a toujours pas donné sa réponse aux députés initiateurs du projet).
«Il faut toujours penser aux répercussions qu’un certain nombre de gestes peuvent avoir sur les opinions française ou algérienne.
Chaque peuple a son identité qu’il faut respecter pour éviter les dérapages», a-t-il souligné. D’après lui, on ne peut pas construire l’avenir sans avoir une idée du passé. «En même temps, il faut regarder vers l’avenir et avoir la dimension du projet. Sur le passé, nous pouvons nous mettre d’accord sur des formulations simples.
Personne ne défendra le colonialisme. Il faut distinguer entre le colonialisme et les hommes de l’époque, des hommes qui n’étaient pas tous mauvais», a-t-il insisté.
L’ancien ministre de l’Intérieur a confié qu’il discute toujours avec ses interlocuteurs algériens avec «franchise et amitié». Hier, il a eu une audience avec le président Abdelaziz Bouteflika.
Depuis 1999, l’auteur de La République contre les bien-pensants a rencontré au moins quatre fois le chef d’Etat algérien. «Nous avons une relation personnelle et particulière. Je l’ai connu en 1962 !», a-t-il dit. Mardi, il a eu des discussions avec Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur, et Yazid Zerhouni, vice-Premier ministre. «Je connais depuis longtemps ces responsables. J’ai eu une longue discussion avec le président Bouteflika en 1999.
Cela avait correspondu à une embellie des relations franco-algériennes. Evidemment, c’était lié à toute une orientation politique. La visite du président Bouteflika en 2000 avait été un succès. De même que celle du président Chirac en 2003 en Algérie», s’est rappelé le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC). Il a pris soin de préciser qu’il est en Algérie à titre personnel.
«Je ne suis pas envoyé par le gouvernement français. Je ne suis porteur d’aucun message. Vous pouvez même fouiller dans mes poches !», a-t-il lancé à l’adresse des journalistes.
Selon lui, la justice française n’a pas obéi aux injonctions des autorités politiques dans le traitement du dossier du diplomate algérien Mohamed Hasseni, poursuivi pour soupçon d’implication dans l’assassinat de l’opposant Ali Mecili en 1987 à Paris. «Si la justice avait obéi au politique, elle serait allée plus vite. Elle a fait son travail avec sa lenteur traditionnelle», a-t-il noté. Mohamed Hasseni a bénéficié le 31 août 2010 d’un non-lieu, deux ans après l’engagement de la procédure judiciaire.
Jean-Pierre Chevènement a appelé à ne pas «surdimensionner» l’affaire des otages du groupe nucléaire français Areva kidnappés au Niger. «C’est une affaire grave, mais il faut garder son sang-froid. Le terrorisme est une plaie qu’il faut combattre sans concession. Mais en même temps, en lui donnant trop de place, on entre dans son jeu. Donc, je n’ai pas envie de grossir inutilement une émotion légitime par ailleurs», a-t-il dit.
Au CCF, l’auteur de Le Courage de décider a animé une conférence sur l’Islam, la laïcité et la République. «Il est temps de restaurer les idées de démocratie et de service public. La laïcité, qui est le fruit de notre histoire, est la distinction entre le spirituel et le mondain», a-t-il dit, soulignant que l’interdiction de se voiler le visage en public en France (qui concerne la burqa) est une protection des musulmans.
Fayçal Métaoui