Dans un entretien accordé à France 24, l’historien et écrivain Jean-Luc Einaudi a affirmé que la réaction hostile de certains Français à l’égard de l’adoption par le sénat de la loi faisant du 19 mars la “journée nationale du souvenir”, montrait que “certains refusent toujours de reconnaitre l’indépendance algérienne”.
“Du point de vue de l’histoire, la fin de la guerre, c’est le 19 mars 1962. Pourquoi certains refusent cette date ? À mon avis, c’est parce qu’ils refusent toujours, 50 ans après, de reconnaître l’indépendance algérienne. Je pense que le problème de fond est là”, a souligné Einaudi en réponse à une question relative à la levée de boucliers provoquée par l’adoption de la loi instituant le 19 mars comme journée nationale du souvenir.
Pour lui, “le 19 mars 1962 marque l’entrée en vigueur des accords d’Évian, instaurant le cessez-le-feu en Algérie. Cette date est très officiellement celle de la fin de la guerre : c’est celle qui a été retenue en 1999 quand le Parlement français a reconnu l’existence d’une guerre en Algérie”, dénonçant l’alliance “contre nature” entre l’UMP qui se revendique héritier du gaullisme et le Front national, créé en 1972 notamment par des partisans de l’Algérie française, dont des membres de l’OAS, pour s’opposer à de Gaulle.
L’historien soupçonne même les opposants de la date du 19 mars de croire que la guerre d’Algérie n’est pas finie, en répondant à principal argument, à savoir que les violences s’étaient poursuivies après le 19 mars. Reconnaissant l’existence de cette violence, Jean-Luc Einaudi indique que cela ne pouvait remettre en cause la fin de la guerre.
Je les soupçonne de croire que la guerre d’Algérie n’est pas finie
“Ils disent qu’il y a eu des massacres à Oran en juillet 1962 ? C’est vrai. Ils avancent la question du massacre des harkis ? C’est une réalité historique. Les affrontements meurtriers de l’été 1962 entre les partisans du GPRA et de l’Armée des frontières de Houari Boumediene sur le sol algérien, sont aussi une réalité. Il y a eu toute une série d’événements dramatiques qui se sont produits dans les mois qui ont suivi. Mais est-ce que ça remet en cause la fin de cette guerre ? Moi, je dis non. Pour les opposants à la date du 19 mars, quand la guerre finit-elle ? Ils ne le disent pas. Je les soupçonne même de croire que la guerre n’est pas finie” a précisé l’historien et non moins militant politique français.
A la question de savoir si le vote de cette loi aurait un impact sur les relations entre les deux pays, allusion notamment aux soupçons des opposants qu’elle ait été votée en vue du voyage de François Hollande en Algérie, Einaudi dit ne pas y croire, même s’il laisse une porte ouverte à cette éventualité.
“Cela fait des années qu’il existe un conflit politique et mémoriel concernant cette date. Mais je ne suis pas sûr que ce soit déterminant du point de vue diplomatique. Je serais même tenté de dire qu’il s’agit là d’un enjeu franco-français” a ajouté l’auteur de la Bataille de Paris 17 octobre 1961, précisant que “ce qui est plus important aux yeux de l’Algérie, c’est la reconnaissance d’une domination coloniale sur le pays, des torts et des souffrances que cette colonisation a causés”.