« Je ne me sens pas intégré au sein de la société française », déplore Sofiane Feghouli, Algérien né en France

« Je ne me sens pas intégré au sein de la société française », déplore Sofiane Feghouli, Algérien né en France

CAN 2015 – Alors que l’Algérie entre en lice ce lundi soir face à l’Afrique du Sud, son leader offensif, Sofiane Feghouli, né en France comme la plupart de ses coéquipiers en sélection, pointe un « manque de reconnaissance » pour les binationaux dans l’Hexagone. Un ressenti qui permet de mieux saisir le mal-être de nombre de nos compatriotes.

« Joue bien et tais-toi ! » Ainsi pourrait-on résumer le rejet global dont sont victimes les footballeurs professionnels vis-à-vis des questions de société. Grassement rémunérés et ainsi protégés des problèmes du quotidien, on les renvoie souvent à cet isolement et à une inculture supposée. Dans le contexte d’une France aujourd’hui déchirée après les attentats qui ont frappé Paris et la publication d’une nouvelle caricature de Mahomet en une de Charlie Hebdo, l’interview de Sofiane Feghouli que publie L’Équipe ce lundi a donc valeur de très rare exception. Car le meneur de jeu de l’équipe d’Algérie, qui affronte l’Afrique du Sud à 20h pour son entrée en lice dans la CAN 2015, n’y parle quasiment pas de football, évoquant plutôt l’épineuse question de l’intégration des enfants d’immigrés.

« Quand j’étais jeune, Zinédine Zidane m’a fait rêver et, à travers le football, c’était un exemple d’intégration. Mais j’avais en tête qu’on le considérait comme un Français à part entière parce qu’il avait réussi et qu’il avait fait gagner le pays. Si ça n’avait pas été le cas, je pense qu’on l’aurait toujours ramené à ses origines algériennes », juge-t-il. Avant d’expliquer son choix d’avoir opté pour les Fennecs plutôt que pour les Bleus, bien que né en France : « Mes parents sont algériens. Je suis né en banlieue parisienne mais j’ai grandi avec une culture algérienne à la maison. Cet attachement, il s’est fait de manière très naturelle. »

« J’espère que la cinquième ou la sixième génération issue de l’immigration partira à chances égales »

« Après, je suis Français aussi, j’ai profité de la superbe formation à la française mais, voilà, j’ai appris au fil de ma vie l’histoire des deux pays et, ce que je ressens, ça va au-delà du football, développe l’actuel joueur de Valence. Avec tout ce que j’ai vécu, je ne me sens pas pleinement intégré au sein de la société française et le choix de l’Algérie, c’est celui du coeur. Je me sens Algérien, tout simplement. » Les considérations sportives auraient toutefois pu le pousser vers l’équipe de France, si d’aventure l’ex-international Espoirs tricolore s’était retrouvé en position de l’intégrer. On peut donc y voir un choix par défaut. Mais il faut aussi entendre l’expression d’un certain mal-être.

« Quand je vois l’état de la société française et ce qu’il s’y passe, je n’ai pas besoin de rentrer dans les détails… On constate les problèmes qu’il y a vis-à-vis des Maghrébins, des Africains… Nos grands-parents ont combattu pour la France, mais je ne ressens aucune reconnaissance. Il faut toujours faire le double ou le triple pour espérer acquérir un quelconque mérite. Voilà, il y a plein de problématiques qui m’empêchent de me sentir pleinement intégré et heureux au sein de la société française », assène-t-il, sans langue de bois.

On pensait que cela ne pouvait plus exister dans le milieu très feutré du foot de haut niveau, mais Sofiane Feghouli s’assume bien, à l’âge de 25 ans, comme un porte-voix d’une frange de la population française qui ne s’estime pas représentée. « J’espère que la cinquième ou la sixième génération issue de l’immigration pourra se sentir pleinement intégrée et qu’elle partira à chances égales. Et pas seulement dans le football, mais aussi dans le monde du travail, dans la politique ou à la télévision, où on fait appel à des personnes dans lesquelles on ne se reconnaît pas… Aujourd’hui, la France a un gros problème avec ses binationaux. » Des propos répétés à Marine Le Pen ce lundi matin sur France Inter. Mais auxquels la présidente du Front national n’a pas daigné réagir.