Le jardin d’Essai d’El Hamma a ouvert ses portes voilà trois semaines. Trésor caché, riche d’un patrimoine végétal des plus renommés, il lève enfin le voile sur ses mystères et ses joyaux. Le public, en manque d’espace, de détente et peu informé de la particularité du jardin, n’a pas pris toute la mesure de ce qui s’ouvrait devant lui.
Les joyaux ont été malmenés, vilipendés, écrasés après avoir survécu au terrorisme des années 1990, après avoir été épargnés par la guerre de Libération nationale, après avoir abrité les troupes américaines venues en renfort, lors de la Seconde Guerre mondiale. Les ficus aux grandes lianes ont bien permis aux enfants de s’agripper et de pousser les cris de Tarzan. Sauf que les lianes du ficus sont en réalité des racines aériennes et que leur âge ne permet pas de supporter ce type d’agressions. « Il est interdit de monter sur les arbres, quel que soit leur âge, et ce, avant tout, pour des raisons de sécurité, il est interdit d’uriner dans le jardin, il est interdit de marcher sur les pelouses ou de s’y allonger, il est interdit de manger dans le jardin et encore moins d’y laisser ses détritus, il est interdit de toucher aux plantes, de cueillir les fleurs, il est interdit de se baigner ou de s’abreuver dans le jardin français, il est interdit de jeter des pierres dans le bassin du jardin anglais. Les animaux domestiques ne sont évidemment pas autorisés et tout comportement susceptible de porter atteinte aux autres visiteurs est strictement interdit. On s’attend à trouver ce type de règlement intérieur à l’entrée du parc, mais un arrêté du wali, placardé aux quatre coins les plus fréquentés du parc est visible selon le directeur du jardin, M. Zériat. En réalité, pas moins de 15 000 personnes sont dans le jardin et presque le double à l’entrée. « Hier nous avons eu 8000 visiteurs dans la journée et cela s’est très bien passé. Il est fort à parier que l’entrée du jardin, à l’avenir, sera limité à 5000 ou 8000 visiteurs », explique le directeur.
Le chiffre n’est pas encore arrêté, mais il est apparu nécessaire de limiter les entrées, un peu comme dans les musées. Pour cela, les instances du jardin attendent d’avoir une photographie plus complète de la situation. Il est arrivé que les visiteurs à l’entrée forcent le passage et dans un souci de sécurité, les agents ont préféré laisser entrer plutôt que de pousser à une intervention musclée pouvant faire des victimes. Pour l’ouverture du jardin, les mesures de sécurité sont quantitativement exceptionnelles. Actuellement, on dénombre pas moins de 80 agents de l’ordre et 100 agents de sécurité. « Il y a un grand sentiment de frustration, quand on sait le travail que l’on a entrepris durant ces dernières années pour réhabiliter le jardin, mais parallèlement on a eu le plaisir de voir des gens heureux découvrir le jardin. Il existe un public de très bonne qualité, curieux de découvertes », précise M. Zériat. Pour lui, deux activités sont possibles au jardin : apprécier la nature et apprendre. Les comportements contraires aux bonnes mœurs ont été tout de suite réprimandés. En effet, de nombreux couples ont été transférés directement devant la justice. Ces couples commettaient des actes graves dans les sous-bois, alors qu’il est interdit d’y pénétrer. « Nous avons discuté avec les agents de ce qui était tolérable et s’il est vrai que le jardin porte au romantisme, il y a des barrières à ne pas dépasser.
Du côté du zoo, les choses ne sont pas plus reluisantes. Des mégots de cigarettes sont lancés allumés sur les animaux, des boîtes de chique, de la nourriture. Les animaux sont effrayés, irrités et stressés pouvant ainsi développer des maladies. Il est difficile aujourd’hui de comprendre le pourquoi de ces incivilités dans un lieu public. Il n’en demeure pas moins que le jardin de renommée mondiale, fort de sa notoriété au début du siècle dernier, a tout à gagner à redorer son blason. Il faut savoir que l’architecture du jardin, le linéaire du jardin français conduit par ses palmiers california, ouvrant une perspective allant du musée des beaux-arts à la mer (à l’usine de dessalement de l’eau de mer depuis peu), n’a pas son pareil dans le monde. L’allée des dragonniers, le schéma, les courbes naturelles des branches, le dessin de cette allée furent longtemps classés, car reconnus comme possédant un cachet unique au monde. M. Zériat a bien pensé à distribuer des tracts à l’entrée pour informer les visiteurs de l’importance du jardin, mais il craint de voir les tracts jetés dans le jardin. « Nous communiquons beaucoup avec les visiteurs et avec les enfants le lundi après-midi, lorsqu’ils viennent avec la classe et cela va porter ses fruits. Et puis nous sommes au début, tout cela devrait se décanter », espère le directeur du jardin d’Essais.