J.C Rufin, ex-diplomate au Sénégal : « l’Algérie s’est accommodée d’Al Qaïda »

J.C Rufin, ex-diplomate au Sénégal : « l’Algérie s’est accommodée d’Al Qaïda »

Jean-Christophe Rufin, l’ex-ambassadeur français au Sénégal sous le président Sarkozy, a déclaré samedi sur les ondes de Radio France que l’Algérie s’est longtemps « accommodée » des groupes terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique et qu’elle les « a infiltrés au Sahel. »

Jean-Christophe Rufin, ex-amabassadeur français au Sénégal et en Gambie

Interviewé ce samedi 24 novembre 2012, au micro de Dominique Souchier, dans son émission « Une Fois pour toutes » sur France Culture, l’écrivain, médecin et membre de l’Académie française, Jean-Christophe Rufin, qui fut également, entre 2007 et 2010, ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie, s’est exprimé sur la position de l’Algérie dans la crise malienne et, notamment face à Al Qaïda au Maghreb islamique occupant le Nord-Mali. D’entrée de jeu, l’ancien ambassadeur de France a repris les déclarations du président François Hollande sur les menaces des groupes terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamiste dont fait l’objet la France : « Ces groupes, a-t-il dit, nous ont pris comme ennemi. Ils veulent nous cibler. Et, si un Etat islamique s’installe au cœur du Sahara, c’est non seulement un danger pour tous les pays de la zone mais aussi pour la France qui a ses intérêts dans la région. »

A la question de savoir s’il croyait à l’accord formulé par Alger à l’intervention qui se prépare, sachant qu’il avait auparavant écrit qu’Alger n’avait pas vraiment choisi, l’ex-diplomate estime que « A l’époque (au début de l’occupation du Nord-Mali par Al Qaïda au Maghreb islamique, NDR) l’Algérie jouait un autre jeu, un jeu très dangereux d’ailleurs et qui consistait à infiltrer ces groups radicaux tout en les laissant partir dans le sud, au Sahara. Au fond, l’Algérie se disait qu’ils étaient chez les autres mais ils étaient toujours dangereux car ces groupes bénéficiaient de nombreuses complicités à l’intérieur du territoire. »

Sur cette infiltration de groupes d’Al Qaïda au Sahel par l’Algérie, l’ex-diplomate en Afrique a déclaré : « L’Algérie s’accommodait de la présence de ces groupes » avant, a-t-il ajouté, « de se rendre compte, aujourd’hui qu’elle n’a pas intérêt à voir s’installer à ses frontières un Etat islamiste fixe et stable d’une part, et un Etat touareg, de l’autre. De tout cela, Alger n’en veut pas. C’est la raison pour laquelle l’opinion d’Alger a tourné. Et donc l’Algérie s’est rangée à cette idée d’intervention. » Sur l’intervention, l’ex-amabassdeur considère que la « construction de l’intervention qui se prépare est assez cohérente. » Il en explique la légitimité politique par « la résolution de l’ONU, l’aval de l’union africaine, la décision de la sous-région qu’on appelle la Cedeao qui est présidée par le président Ouatara de la Côte d’Ivoire, l’accord des présidents africains de cette région qui sont démocratiquement élus et, derrière, l’appui logistique de la France et des Etats Unis. »

Les déclarations faites par M. Rufin sur l’Algérie peuvent paraître naïve dans la mesure où l’ex-ambassadeur n’a fait que schématiser un problème plus complexe, celui de la politique de la lutte antiterroriste sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika dont les conséquences désastreuses induites par la concorde civile n’ont pas que pousser à Alger à « s’accommoder » d’Al Qaïda au Maghreb islamique mais en a fait la pierre angulaire du pseudo-retour à la « paix » par la concorde civile élargie en amnistie générale à l’égard des chefs terroristes de l’ex-GSPC. L’Algérie ne semble pas avoir changé d’attitude puisqu’elle cultive toujours l’ambiguité dans ses déclarations sur l’intervention armée en tentant de gagner du temps par le dialogue initié avec l’un des groupes terroristes affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique, Ansar Eddine qui veut et l’a formulé comme tel aux autorités algériennes, instaurer un Etat islamique à Kidal du moins à défaut de l’étendre dur tout le territoire occupé; une concession qu’il aurait faite dans le cadre des négociations.

Le pouvoir de Bouteflika a toujours cherché à désidéologiser l’islamisme politique et ses bras armés, depuis le GIA et l’AIS branche armée du FIS dissout et dont les principaux chefs, tels Madani Mezrag, n’ont jamais renié leur passé d’ « émirs » sanguinaires et c’est à ce titre qu’ils ont acclamé la concorde civile non comme une reddition ou une abdication mais comme un accord qui renforce les premiers jalons d’un Etat islamique en Algérie qui trouve ses expansions au Nord-Mali avec les mêmes chefs terroristes algériens qui ont été soi-disant condamnés par la justice de leur pays alors qu’ils ont bénéficié de complicités dans les hautes sphères du pouvoir allié, comme eux, à la maffia des narcotrafiquants.

Ces deux derniers mois, les forces de l’ANP semblent avoir repris le terrain dans la lutte antiterroriste par l’élimination de quelques « émirs » d’Abdelmalek Droukdel, l’ex-chef du GSPC et actuellement de l’Aqmi. Mais cette lutte ne semble pas s’inscrire dans le long terme et ne s’insère pas dans une lutte politique qui consiste à éradiquer les germes fertiles de l’idéologie islamiste portée actuellement par le noyau dur du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, le FLN majoritaire au parlement et par des réformes trompeuses à travers lesquelles le discours politique affermit l’option islamiste de l’Etat algérien.

R.N