La spatule d’un ski est certainement l’un des meilleurs symboles de la « glorieuse incertitude du sport » si chère à la chronique sportive. L’objet, au premier regard, a l’air bien innocent : recourbé vers le haut, pour laisser la neige s’engouffrer sous la latte, il affiche une rondeur bonhomme, à la manière d’une nef d’église romane, légèrement pointue au sommet de sa voûte.
Mais lancez cette spatule à pleine vitesse contre un piquet de slalom, et elle deviendra l’instrument du destin. Sa pointe file du mauvais côté ? C’est la plongée dans l’enfer de la défaite. Elle oblique dans la bonne direction ? C’est l’ascension vers le ciel étoilé de la victoire.
Samedi 14 mars, à Are, en Suède, le sort s’est montré clément avec Jean-Baptiste Grange. Dans le dernier mur du dernier slalom de la saison, le skieur de Valloire (Savoie) est passé à quelques millimètres de la désillusion. Mais son ski a finalement choisi le bon côté du piquet pour écrire un dénouement heureux.
« J.-B. » Grange (3e) n’a pas gagné la course, devancé par son compatriote Julien Lizeroux (2e) et l’Autrichien Mario Matt (1er). Mais qu’importe. Son objectif n’était pas là. Lui voulait seulement soulever enfin le Globe de cristal qui consacre le meilleur slalomeur de la saison. Cette récompense lui semblait déjà promise l’année passée, mais elle lui avait échappé lors de la dernière course, à Bormio (Italie), lui laissant un goût amer « d’inachevé ».
A Are, l’histoire ne s’est pas répétée et Jean-Baptiste Grange est devenu le premier Français depuis Frédéric Covili, sacré en géant il y a sept ans, à gagner le classement général d’une spécialité du ski alpin. Julien Lizeroux, 3e, se glisse lui aussi sur le podium de la Coupe du monde de slalom 2008-2009. Deux Français parmi les trois premiers du classement final d’une discipline du grand cirque blanc, cela n’était plus arrivé depuis trente-neuf ans…
« LES HAUTS ET LES BAS »
La saison de Jean-Baptiste Grange n’aura pas été pour autant facile. Brillant lors des premiers rendez-vous, il s’est ensuite étiolé. Aux championnats du monde de Val-d’Isère, en février, alors qu’il était considéré comme la chance la plus sûre de médaille française, il était arrivé tendu par ces espérances, puis était reparti bredouille et le moral en berne. « Un Globe, cela se joue course après course, du mois de novembre à la fin mars, a-t-il constaté après sa victoire. J’ai appris, cette année, à gérer les hauts et les bas. J’ai 24 ans, un Globe, une médaille, six victoires en Coupe du monde. Personne ne peut me les enlever. »
Pour l’équipe de France de ski alpin, la saison se termine finalement sur un excellent bilan. Trois skieurs y ont remporté leur première victoire en Coupe du monde : Julien Lizeroux, vainqueur des slaloms de Kitzbühel (Autriche) et de Kranjska Gora (Slovénie), Tessa Worley, gagnante du géant d’Aspen (Etats-Unis), et Sandrine Aubert, première des slaloms de Ofterschwang (Allemagne) et Are.