par M. Nadir
Des gendarmes se rendent à l’établissement hospitalier où ils recueillent les témoignages des blessés. B. Amar, son frère Mokhtar et H.A. Samir, habitants du village de Ararsa, déclarent avoir été agressés par un certain Ch. Mohamed Kheireddine qui se trouvait dans un «état proche de l’hystérie». Selon leur version, Mohamed Kheireddine s’en serait d’abord pris au dénommé A. Mustapha auquel il aurait asséné trois coups de couteau de boucher avant de s’en prendre, apparemment sans raisons, à Amar qui se trouvait devant chez lui, en le frappant au visage et dans les côtes à l’aide d’une hache et un couteau. En entendant des cris provenant de l’extérieur, le frère d’Amar, Mokhtar, sort pour s’enquérir de la situation et reçoit un coup de couteau de l’agresseur qui prend aussitôt la fuite. H. A. Samir raconte que Mohamed Kheireddine est venu le voir chez lui, aux environs de minuit, pour lui demander de l’emmener à Oran parce qu’il «venait de commettre des agressions». Devant son refus, Kheireddine sort son couteau et frappe.
Interpellé, Ch. Mohamed Kheireddine, 21 ans à l’époque, ne fait aucune difficulté pour reconnaître ses torts. Il explique qu’il se trouvait dans un état d’ébriété avancée et sous l’effet de psychotropes et qu’il avait d’abord été agressé par A. Mustapha qui, affirme-t-il, voulait le dépouiller de sa provision d’alcool. Présenté devant le magistrat instructeur, le suspect sera inculpé de tentative de meurtre volontaire suivant les articles 30, 254 et 261, alinéa 3, du code pénal, et écroué à la maison d’arrêt.
A la barre, l’accusé ne niera pas les faits : «Oui, j’ai frappé ces gens», admettra-t-il en soulignant que sous l’effet combiné du whisky et des psychotropes qu’il avait ingurgités, il ne se souvenait pas très clairement du déroulement des événements, ni du nombre de coups portés à la première victime qui avait dû subir une intervention chirurgicale.
Après avoir rappelé les faits de cette nuit pendant laquelle l’accusé s’était attaqué à quatre personnes, le représentant du ministère public requerra la prison à perpétuité : «Si les victimes n’avaient pas pris la fuite, elles seraient probablement mortes. L’accusé avait donc bien l’intention de tuer», assurera le magistrat en rappelant que le mis en cause avait, par ailleurs, fait des aveux.
L’avocat de la défense basera sa plaidoirie sur deux aspects : la condition sociale de l’accusé et l’absence d’éléments prouvant l’intention criminelle pouvant soutenir l’accusation de tentative de meurtre avec préméditation: «Le jeune homme que vous voyez là est une victime de la société. Parce que sa mère était femme de ménage, on l’a toujours appelé ould siaka (littéralement fils de celle qui fait le parterre, Ndr). En étant continuellement dégradé de la sorte, comment voulez-vous qu’il soit équilibré, sage ?», s’interrogera l’avocat en s’en prenant à la société qui a fait de «l’accusé ce qu’il est devenu». S’il admet que son client a commis des actes répréhensibles, l’avocat rejette la qualification retenue par l’accusation : «Il est coupable de coups et blessures volontaires et non pas de tentative de meurtre avec préméditation, car rien ne prouve qu’il a frappé avec l’intention de tuer. Notre client doit évidemment être puni mais avec justice, de manière juste, proportionnellement aux actes qu’il a commis», déclarera l’avocat en demandant au tribunal de «ne pas déclarer Ch. Mohamed Kheireddine coupable de tentative de meurtre».
Après délibérations, le tribunal criminel, sans doute sensible aux arguments de la défense, a condamné l’accusé à 12 ans de réclusion criminelle.