Alors que le Premier ministre n’arrête pas d’insister sur l’octroi des marchés publics aux PME issues de l’Ansej, l’opérateur historique a décidé de confier le déploiement de son réseau au géant chinois Huawei au détriment de ces petites entreprises algériennes, qu’il a lui-même formées et avec qui il travaillait depuis quelques années. Des milliers de personnes se sont ainsi retrouvées au chômage.
«Algérie télécom nous a tués!». Cette phrase lourde de sens émane d’un jeune entrepreneur qui avait créé grâce au dispositif Ansej (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes) une PME qui employait 12 personnes dans le déploiement des réseaux Internet en fibre optique.
Le verbe est conjugué au passé car cette petite PME, qui était un modèle de réussite, n’existe plus! La raison est toute simple: Algérie télécom, qui était leur principale client, les a «lâchés» en faveur du géant chinois Huawei. Pourtant, depuis 2014, l’opérateur historique a dépensé des millions pour former les cadres et les travailleurs de ces PME et les mettre à niveau.
Ce qui avait donné de bons résultats sur le terrain, avec une amélioration de leurs prestations, notamment en ce qui concerne la vitesse de déploiement. Mais cela c’était avant que Iman Houda Feraoun ne prenne les rênes du secteur stratégique qu’est le Mptic! Cette ministre dont la jeunesse et le dynamise laissaient entrevoir beaucoup d’espoir a décidé de n’en faire qu’à sa tête. Elle a chamboulé les «règles» qui régissaient son secteur en «offrant» un contrat d’exclusivité à l’équipementier chinois Huawei pour la fourniture et le déploiement d’un million d’entrées très haut débit en fibre to the home (Ftth).
Pourtant, dans les «moeurs» managériales du groupe Algérie télécom (y compris Mobilis), ces équipements étaient achetés chez les trois grands fournisseurs mondiaux à savoir le suédois Ericsson et les deux chinois ZTE et Huawei alors que le déploiement était confié à ces PME. Pis encore, selon une enquête du très sérieux journal électronique huffpostmaghreb, ce contrat qui a été attribué de gré à gré, alors qu’en principe il devrait être soumis à un avis d’appel d’offres à concurrence, va coûter très très cher à AT qui peine déjà à survivre.
335 millions de dollars sur un plateau d’argent
On parle de 335 millions de dollars. «Si le contrat AT-Huawei Algérie peine à justifier sa forme en gré à gré, il a, au sein même d’Algérie télécom, encore plus de mal à expliquer le montant hors gabarit qu’il met en jeu: 90 millions de dollars pour les équipements et 27 milliards de dinars pour le déploiement», est-il écrit dans l’enquête du huffpostmaghreb.
«Une pré-négociation, équipementier par équipementier, a permis d’obtenir avant la finalisation du cahier des charges de début 2016, un prix des équipements de 48 millions de dollars et un coût de déploiement inférieur à 3 milliards de dinars pour une solution à un million d’accès en Ftth», souligne l’auteur de l’article en se basant sur des révélations d’une source proche du dossier à Algérie télécom.
Résultat des courses: plus de 260 PME ont coulé et des milliers d’employés se sont retrouvés au chômage. Comme c’est le cas de Mohand de Tizi Ouzou, père de famille qui gagnait relativement bien sa vie en tant que technicien dans l’une de ces PME. «Après avoir longtemps souffert du chômage, j’avais enfin trouvé du travail chez un jeune qui a lancé, grâce à l’Ansej, une PME spécialisée dans l’installation de câble de fibre optique. Les ingénieurs d’Algérie télécom nous avaient formés», a témoigné Mohand. «Je touchais presque 50.000 dinars par mois. J’arrivais enfin à subvenir aux besoins de ma famille. mais voilà que du jour au lendemain, Algérie télécom décide de mettre fin à sa collaboration avec notre entreprise. Mon patron ne pouvait plus rien faire, on est plus d’une dizaine de responsables de famille à s’être retrouvés au chômage grâce à cette décision des plus incompressibles», dénonce-t-il.
AT était pourtant un pionnier…
Ce que confirme le patron d’une de ces PME activant à l’est du pays. «On nous a sacrifiés en faveur de Huawei. On nous a appelés pour nous dire que notre collaboration avec cet opérateur était terminée», souligne-t-il. «C’est incompréhensible, le Premier ministre annonce que la priorité dans l’attribution de contrat public sera donnée à l’Ansej, Algérie télécom qui était un pionnier en la matière, décide de tout remettre en cause en faveur d’une entreprise étrangère qui va utiliser des travailleurs algériens pour faire le travail à notre place et sortir de la devise vers son pays alors que nous, on ferme boutique», poursuit-il avec désolation.
Il est vrai que ce contrat porté à bout de bras par le Mptic fait polémique et soulève moult suspicions et interrogations. Car, il faut rappeler que l’ex-P-DG d’Algérie télécom, Mehmel Azouaou, en partenariat avec l’Ansej et la Cnac avait mis en place un programme d’envergure pour la création d’un écosystème favorisant la sous-traitance dans la réalisation de réseaux d’abonnés. Ce partenariat a apporté un soutien et une aide aux porteurs de projets pour la création de microentreprises spécialisées dans des segments d’activités d’Algérie télécom.
Dans ce sens, plus de 266 PME ont été short-listées par Algérie télécom pour devenir ses prestataires. Plus de 500 personnes ont été formées dans ce cadre par l’entreprise publique de télécommunication. Mais Mehmel qui avait redressé la barre de cette entreprise avait été «liquidé» sans aucune raison par madame la ministre quelque temps avant la signature de ce contrat. Une véritable «purge» s’ensuivit à AT où tous ceux qui pouvaient avoir un lien de près ou de loin avec l’ancien P-DG ont été «chassés». La suite, un contrat «chinois» qui remet en cause toute la politique de l’emploi du pays et surtout menace grandement la stabilité sociale du pays. Qui pourra arrêter ce massacre…pharaonique?