Israël et les états arabes post-révolutionnaires : La peur pour justifier l’agression

Israël et les états arabes post-révolutionnaires : La peur pour justifier l’agression

Les analyses foisonnantes sur le printemps ou les révolutions arabes ont éludé grandement un aspect essentiel de ces révoltes : la suite des relations entre les pays arabes et Israël.

Même si leur légitimité a été remise ou est toujours remise en question, la majorité des régimes arabes ont toujours su être en phase avec leurs opinions concernant la question de la Palestine. Certes plus par les slogans et les discours que par les actes, mais on ne peut que constater que sur cette problématique, régimes et peuples étaient sur la même longueur d’onde. De toute évidence donc, les pouvoirs post-révolutionnaires qui vont émerger dans pratiquement l’ensemble des pays arabes – et qui bénéficieront en principe des gages de démocratie et de respect de la volonté des peuples – auront aussi à présenter un discours concernant le futur de leurs relations diplomatiques. Un discours et une démarche qui intègrent forcément la donne palestinienne. La donne palestinienne signifiant aussi la donne israélienne et le futur des relations entre les Etats arabes et l’Etat d’Israël.

Cela ne semble pas évident immédiatement, d’autant que la rue arabe, plus préoccupée par ses urgences politiques et sociales depuis janvier, a consacré peu de temps et d’efforts à la cause de tous les Arabes, la Palestine. Peu de temps ne signifiant guère dans ce contexte pas de temps du tout. On en veut pour preuve la commémoration de la Nakba, le jour du grand malheur où les Palestiniens ont vu leurs terres spoliées et connu la déportation et l’exode, il y a 63 ans de cela. Cet événement dans l’histoire de l’humanité est à inscrire sans nul doute au registre des pires dénis de justice que le monde ait connus. Effet troublant, les commémorations de cette date qui sont marquées par des morts et des blessés. Cette année, douze Palestiniens ont été tués dans le plateau du Golan et à la frontière libanaise. Les affrontements ont eu lieu à la périphérie des territoires palestiniens, au Liban et dans le Golan syrien occupé, lors de manifestations durement réprimées par l’armée israélienne qui n’a pas hésité à ouvrir le feu sur des civils. L’armée israélienne a eu beau jeu de dire, pour se disculper, que le pouvoir syrien a «organisé cette manifestation violente pour tenter de détourner l’opinion mondiale de ce qui se passe dans ses villes». Pourtant, même quand cela va très mal en Syrie, les injustices israéliennes n’ont pas été oubliées et de toute évidence; elles le seront encore plus quand le régime d’Al Assad sera remplacé. En Egypte, où la révolution a déjà eu lieu, on a compté au moins 353 personnes blessées, dont 45 hospitalisées, le même jour devant l’ambassade d’Israël au Caire lors d’une manifestation marquant la Nakba. La police a usé de gaz lacrymogènes pour repousser la foule qui tentait de franchir une barricade érigée devant la mission diplomatique israélienne. Plus que jamais donc, la rue arabe sait et intègre le sens de la révolte. Une fois débarrassée des despotes locaux, elle pointera le doigt sur les injustices qui la concernent.

Mais il ne fait aucun doute que l’on comptera encore des morts avant que l’on reconnaisse aux Palestiniens le droit d’être ce qu’ils sont sur leurs terres et avant qu’on leur rende au moins justice pour tous les arbitraires qu’ils ont subis.

LA RÉPONSE EN ISRAËL ?

Si nous avons du mal à voir encore les contours de l’avenir des relations entre pays arabes et Israël, nous pouvons quand même avoir une esquisse de la réponse dans l’inquiétude d’Israël. Israël n’a pas applaudi les révolutions arabes. Elle n’a pas fait montre de l’enthousiasme que nous avions pu lire et voir en Occident. Ces révolutions ou ce printemps font peur parce que l’on sait quelle est l’opinion de la rue. Cette même rue qui a été interdite d’expression en dehors de cadres organisés. Effectivement, jusque-là, Israël avait beau jeu de dire qu’elle était la seule démocratie réelle au milieu d’un champ de dictatures. Pourtant, ce sont ces mêmes dictatures ou régimes autoritaires qui ont joué la carte de sa sécurité en échange de reconnaissance et de respect en Occident, voire d’aide économique comme c’est le cas de l’Egypte. Mais il sera difficile d’imposer la politique internationale de ces Etats quand ceux-ci auront gagné en respect par le seul fait d’être plus authentiquement représentatifs de leurs peuples et plus démocratiques. Quels seront les arguments des Israéliens alors ? Agiter le spectre de la menace nucléaire iranienne pour «jeter le ballon au loin» et détourner l’attention ? Signer au plus tôt un accord de paix avec la Syrie ?

Dans une interview du Premier ministre israélien accordée à l’AFP en avril, il déclarait : «Le printemps arabe pourrait virer en un hiver iranien». Pour les Israéliens donc, les aspirations démocratiques des peuples arabes et la déstabilisation des régimes en place risquent de faire le jeu de l’Iran et des islamistes, notamment en Egypte. Voilà qui est simple, voilà qui est dit. Les Iraniens ont tôt fait de voir les effets immédiats de ces inquiétudes. Des actions de sabotages et des manœuvres pour monter en épingle les divisions qui existent au sein de la classe politique iranienne. C’est Oded Eran, directeur de l’Institut pour les études de sécurité nationale de Tel Aviv, qui le disait dans une interview publiée en février de cette année.

Quant à la Syrie, Eyal Zisser, un doyen de l’université de Tel-Aviv et spécialiste de la Syrie, indiquait que «rien ne dit que ce qui pourrait venir après le président Bachar El Assad ne serait pas encore pire, sous la forme d’al Qaïda ou d’une situation anarchique comme en Irak».

En Egypte, la seule déclaration de Nabil Al Arabi, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement de transition, sur le prix du gaz égyptien vendu à Israël ou la question du blocus de la bande de Ghaza ont donné lieu à l’expression publique de la préoccupation du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.

Dans un contexte aussi menaçant, quelle autre manœuvre reste à Israël que de préparer son armada pour une guerre sur plusieurs fronts ? Une guerre justifiée par la somme de toutes ses peurs. Israël fondé sur une immense injustice peut-il finalement faire autrement que justifier son existence par une immense menace ? Il continuera alors de parler de paix tout en faisant la guerre.