L’islamophobie est une pensée banale en France et en Europe. Elle est devenue le carburant des courants politiques officiellement non extrémistes. Il n’est pas surprenant de lire sur Facebook un appel à égorger des musulmans le jour de l’Aïd. Le terrain où couve la bête est largement fertilisé.
C’est le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui a donné l’alerte : sur Facebook, une page appelle «à égorger les musulmans à la place des moutons» le 6 novembre prochain à l’occasion de l’Aïd El-Kebir. «Enfin, on pourra faire la fête pour une bonne raison», ajoute l’appel qui a été bloqué par Facebook après une réaction indignée du Conseil français du culte musulman (CFCM). Facebook a beau être un espace où de nombreux tarés, à l’humour douteux, activent, les organisations musulmanes en France semblent prendre au sérieux cet appel.
L’islamophobie que les autorités françaises et européennes en général ne prennent pas au sérieux n’est pas une plaisanterie comme le montre le carnage froidement mené par l’islamophobe Anders Behring Breivik, le 22 juillet dernier.
Abdallah Zekri, président de l’Observatoire des actes islamophobes au CFCM a d’ailleurs fait explicitement référence à ce carnage dans une déclaration à l’agence AFP.
«C’est un appel au meurtre lamentable qui risque de provoquer un nouvel Oslo», a-t-il déclaré en relevant que les «actes islamophobes ont augmenté depuis les débats sur l’immigration et l’islam» lancés en France par le parti UMP du président Nicolas Sarkozy». Aujourd’hui, il est facile de s’attaquer aux musulmans dans l’impunité», a estimé M. Zekri.
C’est une évidence. Il suffisait de lire les commentaires des lecteurs du Figaro au sujet de l’appel à l’égorgement : la tendance générale est à la justification. Et la tendance à l’expression ouverte de l’islamophobie ne fait que s’accentuer avec l’entrée de la France dans la course à la présidentielle. Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, s’est fait une spécialité de parler au moins une fois par semaine des musulmans ou des migrants et ce n’est pas seulement par impératif de fonction.
UN RACISME BANALISÉ
La parole anti-musulmane, antibeur ou anti-black s’exprime en France de manière décomplexée. Des sites internet ouvertement islamophobes se sont multipliés portés par une tendance qui existe au sein de l’establishment politique français. Les politiciens, face à la crise économique et sociale, usent de la vieille technique de mise en cause de l’étranger ou de la cinquième colonne.
Un appel au meurtre n’est, dans un tel contexte, que l’aboutissement logique d’un discours haineux et abêtissant qui fonctionne à plusieurs niveaux. «Nous entrons dans une nouvelle phase de l’horreur islamophobe qui touche notre continent et plus spécifiquement notre pays», commente Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) au sujet de l’appel à égorger les musulmans.
«L’antisémitisme ne faisant plus recette, les groupes fascistes profitent de l’inaction du gouvernement face à l’islamophobie pour redoubler leurs menaces à l’encontre de concitoyens qui ont pour seul tort d’être musulmans comme d’autres avaient pour seul tort d’être juifs durant l’entre- deux-guerres», ajoute-t-il.
Le CCIF rappelle que le ministère de l’Intérieur a la «responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces actes de provocation et d’appel à la haine avant que l’épisode d’Oslo ne se reproduise en France! ». La Direction générale de la police nationale (DGPN) indique qu’elle a ouvert une enquête «pour identifier l’auteur de ces propos indignes qui tombent sous le coup de la loi».
Salem Ferdi