Iran : Ahmadinejad joue la carte de l’unité nationale

Iran : Ahmadinejad joue la carte de l’unité nationale

Avant même le début de la campagne présidentielle pour les élections du 12 juin, le guide suprême, l’ayatollah Khamenei, avait donné le ton. « Ne votez pas pour tous ceux qui veulent abdiquer au profit de l’Occident ! », avait-il lancé, d’une voix étonnamment forte, lors d’un voyage en province.

Depuis, le guide est revenu à sa réserve naturelle d’arbitre entre les factions, mais celui qui, aujourd’hui encore, est considéré comme son « poulain », le fondamentaliste président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, a repris et amplifié ce qui pouvait passer pour un mot d’ordre, se lançant dans une véritable campagne nationaliste.

Là où ses trois adversaires parlent, chacun à sa manière, de « détente » et d’un « dialogue renouvelé avec l’Occident », que ce soit le conservateur Mohsen Rezai, ex-chef des Gardiens de la révolution ; Mehdi Karoubi, ex-président du Parlement, ou Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre, tous deux soutenus par les réformateurs, M. Ahmadinejad lui, parle de « faiblesse ». A Semnan, son fief d’origine à l’est de Téhéran, il a prononcé en fin de semaine dernière un discours musclé fustigeant les accords de Saadabad, conclus en octobre 2003 entre le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami et les Européens, qui avaient abouti à une suspension de l’enrichissement d’uranium. Des accords, a dit M. Ahmadinejad, qui étaient « une trahison à la nation ».

Concurrence féroce

Parlant, peu après dans un meeting à Téhéran, du « courage de la grande nation iranienne » qui « n’accepte pas le déshonneur », le président avait conclu sur une citation du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeiny : « Les ennemis sont comme des chiens. Si vous les attaquez, ils reculent, mais si vous reculez, ils attaquent. »

Pourquoi une telle « fuite » verbale en avant au moment où les centres de pouvoir iraniens, à l’exception d’un petit « noyau dur » qui craint les dérives possibles pour le régime de toute éventuelle ouverture, sont persuadés qu’avec l’arrivée de M. Obama à la Maison Blanche il y a une opportunité de règlement à saisir ?

La réponse est en partie dans ces sondages officieux qui circulent et indiquent que, face à une concurrence féroce, la meilleure chance de M. Ahmadinejad est de passer en force au soir du 12 juin. Alors qu’un second tour, où son adversaire, quel qu’il soit, cristalliserait tout le mécontentement produit, entre autres, par sa politique économique « populiste » inflationniste, le mettrait en difficulté.

« La meilleure carte d’Ahmadinejad, c’est la fibre nationaliste toujours vive en Iran, notamment sur le nucléaire où existe un consensus dans la population sur le droit inaliénable à un nucléaire civil », nous a expliqué par téléphone un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur. Et l’analyste Ahmad Salamatian de renchérir : « S’il arrive à se poser en héros face aux pressions étrangères devant son électorat, il a gagné. » Le guide lui même, selon des indiscrétions de son entourage, aurait indiqué la priorité : « Gagner à tout prix au premier tour. »

M. Ahmadinejad n’aura pas la tâche facile, son propre camp est divisé. Il a obtenu le soutien des Partisans de la ligne de l’imam, une coalition de quatorze partis conservateurs, mais n’a pu arracher celui des religieux de la puissante Association du clergé combattant, faute d’obtenir l’aval nécessaire des deux tiers de ses membres. Enfin, il y a deux jours, il a essuyé un camouflet auprès des Osulgarayans, le groupe fondamentaliste majoritaire au Parlement.

Conviées à une réunion amicale, les principales têtes d’affiche du mouvement ne se sont pas déplacées, notamment Ali Larijani, président du Parlement et ex-négociateur en chef sur le dossier nucléaire, « écarté » au profit d’un fidèle de M. Ahmadinejad.

Pour finir, sur les 170 parlementaires du groupe, seuls 155 étaient venus au rendez-vous et à peine 80 ont donné leur soutien au président sortant.