Iran : Ahmadinedjad se représente aux élections

Iran : Ahmadinedjad se représente aux élections

A la surprise générale, celui qui n’était alors que le maire de Téhéran, le fondamentaliste Mahmoud Ahmadinejad, avait remporté l’élection présidentielle de 2005. Quatre ans après, à 52 ans, M. Ahmadinejad brigue un nouveau mandat.

Et plus encore que la situation économique préoccupante du pays, due à la mauvaise gestion de l’argent du pétrole et au poids de trois séries de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, en réponse à la non-coopération de Téhéran sur son programme nucléaire controversé, c’est le bilan de ce président à la fois très critiqué et encore populaire qui domine les débats.



Le premier tour du scrutin présidentiel a lieu le 12 juin, mais, depuis samedi 9 mai, les inscriptions sont closes. Les listes comptent 475 candidats, qui seront « sélectionnés », d’ici le 21 mai, par le Conseil des Gardiens, rouage essentiel du pouvoir, aux mains des fondamentalistes.

Parmi ceux qui devraient rester en lice, figure, dans le camp réformateur, l’ex-président du Parlement Mehdi Karoubi, 72 ans, un religieux atypique, populiste à sa manière avec son franc-parler du Lorestan (sa province d’origine), qui s’est attiré la faveur des étudiants en signant avec le Prix Nobel Chirin Ebadi une pétition demandant la fin de l’exécution des délinquants mineurs au moment des faits.

LG Algérie

Classé proche des réformateurs, mais plutôt candidat de « liaison » entre ces derniers et les fondamentalistes, se trouve l’ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi. Un homme du sérail, ancien architecte amateur d’art. A 68 ans, ce traditionaliste modéré, qui a dirigé le pays (1980-1989) durant la guerre Iran-Irak et qui parle de « détente » avec l’Occident, semble un sérieux adversaire pour M. Ahmadinejad.

Le dernier entré en lice, avec fracas, il y a quelques jours, est Mohsen Rezaie, 56 ans, le chef historique des pasdarans, ces gardiens de la révolution, devenus l’armée idéologique du régime avant, pour certains, de diriger des pans entiers de l’économie nationale. M. Rezaie, un conservateur bon teint, qui affiche une certaine « indépendance » et critique la présidence sortante, a déclaré : « La voie suivie par Ahmadinejad mène à un précipice. » Mettant aussi en cause l’ »immobilisme diplomatique » du président, il a ajouté qu’il fallait répondre aux ouvertures des Américains, car « l’Occident et les Etats-Unis ont besoin de nous. Il faut exploiter leurs besoins pour servir nos intérêts ».

Paroles d’une rare dureté qui en fait, bien que la campagne ne commence que le 22 mai, s’inscrivaient dans l’âpre bataille pour le pouvoir engagée depuis des semaines. Le coup d’envoi de cette lutte avait été donné il y a plus d’un mois, lorsque l’ex-président de la République islamique (1997-2005), le réformateur Mohammad Khatami, d’abord candidat, s’était brusquement retiré.

Dans un éditorial, le journal Keyhan, bastion tout-puissant de la pensée fondamentaliste proche du Guide suprême, l’ayatollah Khamenei, avait écrit que « M. Khatami ferait bien de se souvenir de ce qui était arrivé à Benazir Bhutto (assassinée en campagne électorale en 2007) au Pakistan »… D’autres « mises en garde » avaient suivi. Et même si ce n’était pas cela la seule raison, M. Khatami s’était retiré officiellement pour ne pas « disperser l’électorat réformateur ».

Depuis, selon les confidences d’un proche de M. Khatami, un « front » informel s’est constitué entre MM. Moussavi et Karoubi, à qui M. Khatami a prêté ses stratèges de campagne. Avec, dit-il, « dans l’ombre, le soutien tacite de cet autre ancien président de la République, le pragmatique Alki Akbar Hachemi Rafsandjani ». Un front pour quoi faire ? « Pour rassembler, précisait-il, tous ceux qui veulent le changement et barrer la route dès le premier tour à M. Ahmadinejad. »

Dans cet exercice d’infinie incertitude que sont les élections iraniennes, certains se sont précipités pour noter les signes qui, selon eux, montrent que M. Ahmadinejad n’est plus si en cour auprès du Guide suprême. Ce dernier vient de le désavouer publiquement en refusant de fusionner deux organisations, celle qui s’occupe du hadj, le coûteux et rentable pèlerinage à La Mecque, et l’office du tourisme, que M. Ahmadinejad voulait chapeauter.

De même, le président est désavoué par une assez grande partie des députés du Majlis (Parlement). Enfin, sa dernière sortie sur Israël à Genève, à la conférence de l’ONU sur le racisme, le 22 avril, lui a valu un regain de popularité dans la rue arabe mais de vives critiques à Téhéran, où de plus en plus de voix l’accusent d’isoler l’Iran.

Est-ce suffisant pour le donner battu ? Certainement pas. Il a à sa disposition la télévision nationale, le soutien des bassidjs, les milices islamiques qui quadrillent les quartiers, et celui des couches défavorisées en province, où ses tournées populistes assorties d’aides directes ont été appréciées. Aussi bien que l’image d’homme pieux, sobre et simple qu’il affiche. Et puis, en campagne, c’est une « bête de scène » qui sait travailler l’auditoire.

Le sobre et discret Moussavi, qui s’est retiré vingt ans de la vie publique, fera-t-il le poids ? « Il a pour lui d’avoir géré au mieux le pays dans la tourmente et la pénurie de la guerre, au contraire de ceux qui ont gaspillé l’argent du pétrole à 150 dollars le baril », commente le sociologue Essan Naraghi. Quant au Guide, il affecte de ne soutenir personne à ce stade. Mais, nous a confié par téléphone l’analyste Seyed Leylaz, « depuis le retrait de M. Khatami, considéré comme le plus dangereux candidat pour l’équipe en place, le Guide ne s’inquiète pas. Il estime qu’aucun de ceux qui sont en lice ne représente un danger pour la pérennité du régime et des institutions ».