Interrogé en marge d’une conférence-débat tenue hier à Alger au siège de l’association Raj, l’ancien chef de gouvernement a confirmé avoir reçu une lettre d’invitation au Palais d’El-Mouradia pour les consultations autour de la révision constitutionnelle, mais il a, toutefois, indiqué que cela ne signifiait pas qu’il va y aller…
Invité à animer hier une conférence-débat au siège de l’association Raj en présence de plusieurs acteurs associatifs (Laddh, CLA, Snapest et les signataires de l’appel des universitaires), Mouloud Hamrouche a d’emblée fait part, une nouvelle fois, de ses inquiétudes quant à la situation du pays. Mais avant cela, il convoquera d’abord l’histoire car, selon lui, il faut faire certains “rappels utiles” pour comprendre le présent. Il remontera au mouvement national pour démontrer que l’identité algérienne s’est forgée lors d’une confrontation avec les autres. Il rappellera que le mouvement national est né à l’origine en France et sous forme de syndicats.
Il explique, ensuite, qu’il a fallu attendre la circonscription obligatoire en 1911, eu égard, notamment, aux bruits de bottes en Europe, ainsi que des vagues d’émigration pour que “les Algériens” se rencontrent enfin et se connaissent entre eux vraiment, et surtout en métropole. Cette digression se voulait comme un rappel que le mouvement national est venu briser surtout “l’enfermement local, limité pour chacun à son douar ou à sa montagne”… Dès lors, établir un “pouvoir central” est devenu, selon lui, une “hantise”.
Si bien que l’on s’est peu préoccupé de gouvernance… Pour éviter le régionalisme et par commodités liées à la clandestinité, le nom ou l’indication de l’origine pouvait toucher à la “cohésion” et à la “discipline”. “C’était donc toujours En-nidam (l’organisation) qui décidait…” L’orateur rappellera les différentes “étapes-ruptures” traversées par le Mouvement national. D’après lui, chaque étape correspond à l’émergence de nouveaux hommes, de nouveaux concepts, de nouvelles visions. Il en veut pour preuve l’abandon du sigle de “l’Étoile nord-africaine” au profit du “Parti du peuple algérien”, beaucoup plus “indicatif”, selon lui, de l’identité nationale. “Ceux qui ont fait 54 ne sont pas nécessairement ceux qui ont fait 56, etc. Bien sûr, on peut retrouver certains hommes, mais à chaque fois, une réévaluation et un nouveau compromis se sont imposés.
Dans les moments difficiles, ces hommes-là étaient capables de négocier, sans sacrifier l’unité des rangs et l’objectif final qui était l’Indépendance du pays.” Dans ce contexte, il lèvera une équivoque au sujet des 3 B (Boussouf-Belkacem-Bentobbal) à qui il avait rendu hommage lors du Forum de Liberté pour leur courage d’être allés vers des négociations avec la puissance coloniale, et cela, contre vents et marées. “J’ai rendu hommage à leur action qui fut déterminante. Ils ont pris des décisions graves et ont pu sauver l’essentiel. Ils ont fait ce qu’il fallait faire avant de s’éclipser”, a-t-il précisé.
Un seul salut : un front intérieur
Pour revenir à une période plus récente, Hamrouche rappellera que notre pays avait échappé à la “congolisation” à l’Indépendance, les occasions ratées n’ont pas manqué. Et d’égrener les différentes dates-événements : 1965, 1979, 1980, 1984, et enfin 1988 qui est venu signifier l’échec total du système… D’après lui, on aura beau parler de “chahut de gamins” ou de “manipulation d’un clan contre un autre”, “la vérité est à la fois très simple et très complexe”.
D’après l’ancien chef de gouvernement, ce n’est pas par hasard qu’on s’est attaqué aux “symboles” de cette faillite imputée par les manifestants aux commissariats, aux souks el-fellah et aux kasmas du FLN. Il estime a posteriori qu’il ne fallait pas décréter immédiatement le multipartisme, mais laisser d’abord les différents courants s’exprimer et les aider à émerger : “Au lieu d’un récépissé du ministère de l’Intérieur, l’idéal aurait été de construire un mouvement intérieur visible et qui s’exprime.” Hamrouche estime que l’absence de ce “front intérieur” est une lacune qui continue “à fragiliser l’État et à déstabiliser la société”.
Évoquant de sérieuses inquiétudes sur l’avenir du pays, il plaide pour un nouveau “consensus” avec l’appui de l’armée et la mobilisation de la société : “On a besoin de cette intelligence. Notre vulnérabilité ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. En réalité, l’étranger ne fait que miser sur notre fragilité.” D’après lui, la menace étrangère, aussi réelle soit elle, est surtout “un écran de fumée qui nous fait oublier nos responsabilités et les responsabilités de nos responsables”.
M-C. L.