Vigilance
L’Algérie vient de frôler une grande catastrophe : une hécatombe, c’est-à-dire un nombre beaucoup plus important de victimes côté algérien et étranger. Sous l’angle économique, l’Algérie risquait une perte de capacité de 9 milliards m3/an de gaz dans un contexte où notre pays rencontre un gros problème de volume, le manque de quantités de gaz à produire de manière à freiner notre baisse de part de marché en Europe. En guise de bilan, cette opération réussie a permis à l’Algérie de gagner le soutien des principales puissances étrangères dans cette tragédie.
Mais cette démonstration rassurante de l’efficacité des unités d’élite de l’armée nationale ne doit pas faire oublier ce manque de vigilance en matière sécuritaire qui a ouvert les portes à cette prise d’otages. Les leçons doivent être vite tirées car une répétition de l’attaque d’In Amenas dans les autres sites pétroliers aura des conséquences très graves. On pourrait enregistrer une chute des investissements étrangers dans le secteur des hydrocarbures, une baisse de nos revenus pétroliers. En un mot, une catastrophe. Il convient ainsi de renforcer la sécurité au sein des sites pétroliers ainsi qu’à nos frontières afin de ne pas subir les effets collatéraux du Printemps arabe et de la crise du Mali. La démonstration de l’efficacité des forces de sécurité ne doit pas faire oublier également que cette efficience doit s’étendre à d’autres secteurs vitaux de l’économie nationale. À commencer par cette inefficacité dans la dépense publique : plus de 100 milliards de dollars de restes à réaliser dans le plan quinquennal 2010-2014 !
Quitte à le rappeler, la lutte contre le terrorisme ne se limite pas à une réponse militaire aux nuisances des groupes armés mais devrait s’étendre à des remèdes aux maux économiques et sociaux que vit notre pays.
D’abord, une économie peu diversifiée, rentière, qui bloque la création d’emplois au profit des jeunes. Une catégorie de la population qui souffre le plus du chômage et du phénomène de marginalisation dans une société où les inégalités s’accroissent d’année en année. Ensuite, la population fait face à un pouvoir opaque, arrogant, qui sert souvent ses intérêts au lieu de répondre aux principales préoccupations de la population. L’autre cancer est le phénomène de corruption qui mine l’économie nationale et qui favorise la défiance à l’égard de nos gouvernants. Par ailleurs, au-delà de ces moments de gloire pour l’armée nationale qui a su déjouer les desseins macabres de la nébuleuse islamiste, force est de relever que l’Algérie a gagné une course contre la montre mais pas la course de fond. Ce combat de longue haleine consiste à sortir de cette fragilité du pays : une forte dépendance à l’égard du secteur des hydrocarbures. Cette lutte de plus longue durée se résume à transformer notre pays en grand pays émergent. L’Algérie a des atouts en termes de richesses et un potentiel important en ressources humaines pour se hisser à cette position. Elle peut aisément jouer ce rôle dans cinq ans, 10 ans, pour peu que nous arrivions à transformer notre économie : de l’import-import et de la rente à une caractéristique beaucoup plus productive, et notre système politique connu pour son opacité, les luttes de clans et l’affairisme permettant la mutation à un État de droit.
Au plan de la communication, le discours officiel n’a pas cessé de vanter le peuple au cours de cette tragédie. Ainsi, à chaque crise, on brandit des mots mielleux à l’égard de la majorité des citoyens. Espérons qu’en d’autres temps plus cléments, on réponde aux principales préoccupations des Algériens.
K. R