«C’est une absurdité économique !». «C’est une règle qui fait peur aux investisseurs étrangers !». «Elle fait l’affaire des étrangers ayant investi avant 2009, lesquels en profitent pour réévaluer leurs actifs et céder leurs parts». La règle 51/49 préoccupe les économistes et les entrepreneurs et occupe le débat public.
Hier à l’hôtel Hilton d’Alger, le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE) a organisé un petit-déjeuner débat sous le thème «51/49, approche pragmatique».
Liès Kerrar, PDG de Humilis Corporate Finance, a fait quatre recommandations pour «fluidifier» l’application de la Loi de finances complémentaire 2009, loi instituant le 51/49. Des recommandations, a-t-il souligné, qui ne remettent pas en cause ses dispositions mais qui devront la rendre plus cohérente. Il a suggéré que les sociétés créées avant la promulgation de cette loi «doivent pouvoir modifier librement la composition de leur actionnariat ». Car, a-t-il estimé, le moindre changement l’oblige à se conformer à la règle du 51/49 et avoir un capital local à hauteur de 51% des actions, «chose qui gèle l’actionnariat étranger et dissuade les entreprises étrangères à ouvrir leur capital à l’épargne locale. Ce qui contredit l’esprit même de la loi.», a-t-il expliqué. Farid Bourennani, qui dirige un bureau de conseil international, lui, a estimé qu’elle peut engendrer plutôt une saignée de capitaux : «Pour un étranger lassé de l’environnement économique en Algérie, il lui suffit d’annoncer l’ouverture de son capital pour actionner le droit de préemption de l’Etat, céder ses parts éventuellement après surévaluation et transférer plus de devises qu’il en avait investies».
La deuxième suggestion de Lies Kerrar est d’instituer «un délai maximal de 60 jours au delà duquel l’investisseur est réputé autorisé s’il ne reçoit pas une objection motivée du Conseil national de l’investissement (CNI)». «Dans l’état actuel des choses, on ne peut prévoir des délais à la mise en place de son investissement. Or, sans prévisibilité du délai de la démarche d’autorisation préalable du CNI où siègent des ministres souvent très occupés et qui ne se réunissent donc pas chaque semaine, les investissements, aussi bien locaux qu’étrangers, sont négativement impactés.», a-t-il indiqué. Il a également recommandé de décomposer, en matière de financement, les ressources levées et le risque du crédit. «L’obligation du recours au financement local bute devant son mode d’application. Il faut qu’elle soit conforme aux objectifs visés et aux intérêts nationaux. Dans une conjoncture de surliquidités, il est normal d’imposer aux entreprises de ne pas contracter une dette extérieure mais, il serait souhaitable d’ouvrir une brèche pour pouvoir solliciter la garantie d’une institution multilatérale moyennant une commission», a-t-il avancé. Et d’ajouter : «C’est une situation de blocage. Devant la réticence des banques locales, il y a une entreprise qui a émis des obligations et n’a pu lever les fonds nécessaires à son investissement. Dans les années 1990, il y a lieu de dire que c’est exactement l’inverse de cette situation. On empruntait de l’étranger et ce sont les banques locales qui assumaient le risque.».
Réévaluation des actifs en franchise d’impôts
Quatrième recommandation : «L’abrogation des articles 27 et 28 de LFC 2009, modifiant les conditions de réévaluation des actifs d’entreprises ».
«La réévaluation des actifs est un acte de gestion que tout manager soucieux des intérêts de son entreprise fait volontiers. C’est une mesure orpheline qui n’était même pas une revendication du monde des affaires. Les entreprises sont désormais obligées de s’acquitter d’un droit d’enregistrement de 50%, la plus-value réalisée en réévaluant les actifs d’entreprises. La rétroactivité de cette mesure gèle l’activité transactionnelle sur les actifs et titres des entreprises et défavorise l’activité économique.», a-t- noté. Et, «s’ils ne le font pas pour ne pas augmenter le capital social de l’entreprise afin d’échapper à un régime fiscal plus contraignant ?», s’interroge- t-on. «A ma connaissance, cela n’a aucun lien objectif avec la lutte contre l’évasion fiscale.», a répliqué M. Kerrar. Et à Farid Bourennani de mettre la mesure dans son contexte : «C’était pour améliorer les capacités d’endettement des entreprises privées et augmenter la valeur des entreprises publiques privatisables. Si l’on n’avait pas appliqué ce droit d’enregistrement, on aurait offert un cadeau fiscal à l’acheteur d’une entreprise voulant céder ses parts après réévaluation.».
L. H.