Alger a-t-il changé de fusil d’épaule sur la question nord-malienne ? Non, même si des commentateurs avancent que c’est la visite d’Hillary Clinton qui a donné un nouvel éclairage à la position algérienne.
Tout se repose, si l’on croit donc ces plumes averties, sur la visite de la toute puissante secrétaire d’État américaine Hillary Clinton à Alger. Pendant que les Etats-Unis sont battus par l’ouragan Sandy, on ergote que désormais Bouteflika a donné son « onction » à l’intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans le nord du Mali. Hier homme de « réconciliation« , voilà qu’on nous présente le président presque en chef de l’armée d’intervention africaine !
Plusieurs sources concordantes l’affirmaient mardi 30 octobre à Alger à La Croix. « Les discussions entre le président Bouteflika et Mme Clinton ont plus porté sur les modalités de la participation algérienne que sur son principe« , affirme ainsi un proche du ministère des Affaires étrangères au correspondant du journal français. Puis, il ajoute que concrètement « il n’y aura pas de soldats algériens sur le sol malien, pas plus que de soldats français ou américains. Mais l’ANP sera associée à la programmation des opérations militaires pour reconquérir le Nord-Mali. »
La même source confie que « le président Bouteflika a longuement expliqué à Mme Clinton que la solution ne pouvait pas être strictement militaire. L’écoute de Washington est apparue plus sérieuse que celle de Paris » analyse cette source mystérieuse pour qui Washington accorde plus de crédit à l’argumentaire de Bouteflika que la France.
On sait, pourtant, que la position d’El Mouradia a commencé à opérer un glissement sémantique dans le discours, il y a déjà quelques jours. Il n’a pas attendu la venue de Hillary Clinton. Le tempo a été donné par une dépêche APS qui n’excluait pas une intervention militaire contre les groupes terroristes. Aujourd’hui, on tente de nous faire croire mezza voce, mais jamais officiellement, que la voix de l’Algérie a été entendue par les Américains. Que rien ne saurait se faire sans elle. Est-ce vrai ? La diplomatie algérienne a-t-elle réellement les capacités de faire fléchir les USA, la France, l’UE et la Cédéao ? Clairement non. Alors tout le reste n’est qu’enfumage.
Dans l’encensement, il y en a qui font mieux. C’est l’assistante de la secrétaire d’Etat américaine pour les Affaires du Proche-Orient, Anne Elisabeth Jones venue à Alger au lendemain du départ de Mme Clinton. Pour cette assistance, « l’Algérie a un rôle leader dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. L’expérience importante dont elle jouit en la matière fait d’elle un partenaire privilégié et important des Etats-Unis dans cette lutte au niveau de la région du Sahel, notamment dans le nord du Mali« , a déclaré à la presse Mme Jones, à l’issue d’un entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Voilà l’ego algérien regonflé. Pour rien que ça, Washington peut désormais compter sur le soutien d’Alger. Car El Mouradia ne se risquera pas encore une fois de se tromper d’analyse, comme ce fut le cas pour la Libye, la Tunisie ou l’Egypte. On se souvient que la diplomatie algérienne a soutenu Mouammar Kadhafi, mobilisant ses moyens médiatiques, et mêmes des émissaires à Tripoli (exemple de Benhabylès) pour donner le change au tapage médiatique des partisans du CNT. En vain.
Depuis la rentrée sociale, l’APS et les organes de presse inféodés à El Mouradia ne cessent de ressasser la convergence de vues entre Alger et Paris sur la question malienne. Aujourd’hui, on nous ressert le même argumentaire avec les Etats-Unis. Pourtant ni Paris, ni Washington ne partagent leurs vues avec Alger sur le nord-Mali.
Selon Paris et Washington, Ansar Dine, Mujao ou Aqmi, c’est la même engeance terroriste. En revanche, pour Bouteflika, Ansar Dine n’a rien à voir avec le Mujao ni avec Aqmi. C’est pour cela que Bouteflika veut sauver le soldat perdu qu’est Iyad Ag Ghaly et son groupe d’Ansar Dine. Le premier a reçu déjà ce chef targui devenu islamiste radical après son passage comme vice-consul malien en Arabie Saoudite. Combien de bataillons pèse cet islamiste embarqué au début de l’année dans les unités du Mnla ? Pourquoi donc Alger tient-elle tant à Iyad Ag Ghaly ? Serait-il une taupe du DRS, comme le laissent entendre certains commentateurs de la question du Sahel ? Des questions auxquelles il est difficile de répondre tant rares sont ceux qui ont une connaissance aigue du terrain de l’Azawad.
Il est une évidence dans le cas malien, Alger avance en reculant. Se souciant peu de la population locale qui souffre le martyre, l’Algérie comme Paris et Washington courent derrière d’autres objectifs.
Loin d’Alger, à Bamako, des experts africains, y compris algériens, européens et onusiens se sont réunis mardi pour mettre au point le « concept d’opération » d’une intervention armée dans le nord du Mali occupé par des islamistes armés, une intervention jugée « inévitable » par le ministre malien de la Défense, nous apprend l’AFP. Des représentants de la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de l’Union africaine (UA), d’Algérie, de l’Union européenne (UE) et des Nations unies vont plancher jusqu’à dimanche sur ce plan qui sera présenté à l’ONU fin novembre.
Yacine K.