Le compte à rebours pour une intervention militaire au nord du Mali a commencé. «Une question de semaines», selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian. L’Algérie, pays frontalier du Mali, apportera sa contribution à travers le renforcement des capacités de l’armée malienne.
Le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines , Abdelkader Messahel, a choisi RFI (Radio France internationale) pour dévoiler la stratégie d’Alger au nord du Mali.
A la question de savoir si l’Algérie est prête à apporter sa contribution si l’option militaire est privilégiée, le ministre algérien a indiqué que «si l’Algérie, comme tous les pays du champ, est sollicitée, d’ailleurs la résolution du Conseil de sécurité le souhaite, nous sommes pour le renforcement des capacités de l’armée malienne, qui doit être elle aussi au centre dans le redéploiement de l’Etat malien à travers tout son territoire ».
Il a souligné que «l’Algérie a un cadre dans lequel elle travaille avec les pays du champ». «Nous avons un comité politique, nous avons un comité d’état-major.
Nous avons une unité de vision entre les services de renseignement. Donc, nous sommes déjà engagés dans la lutte antiterroriste. L’Algérie a des accords militaires bilatéraux avec le Mali, qui ne datent pas d’aujourd’hui. Nous faisons de la formation, nous faisons dans le renforcement des capacités, nous faisons dans le soutien logistique.
Donc, ce n’est pas quelque chose de nouveau pour nous», a précisé Messahel. Interrogé sur un éventuel soutien logistique de l’Algérie, il a indiqué que «le soutien logistique nous l’avons fait, dans la limite de nos moyens à différentes étapes des relations entre nos deux pays.
Et je pense que dans la lutte antiterroriste, nous partageons l’information, nous partageons nos analyses. Je pense que sur ce plan-là il n’y pas d’équivoque». Messahel avertit : «Il faut faire la bonne analyse, voir réellement quels sont les rapports de force et surtout éviter des dérives à notre région.
Il faut se concerter». Et d’ajouter : «On a eu une bonne concertation avec nos partenaires français. Les Américains étaient chez nous. Je pars, moi, aux Etats-Unis dans quelques jours. Je pense donc que le dialogue que nous avons amorcé avec les partenaires les plus importants rend les positions convergentes envers la stabilité du Mali, son unité nationale. Nous sommes dans un dialogue avec les Français».
Tout en expliquant la double approche de l’Algérie (politique et militaire) pour le règlement de la crise au Sahel, le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines a invité le groupe d’Ansar Eddine et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à se démarquer «définitivement de tout ce qui est relation ou connivence avec le terrorisme ».
MUJAO, UN GROUPE TERRORISTE COMPOSÉ DE NARCOTRAFIQUANTS CONNUS
A une question sur le groupe terroriste le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Abdelkader Messahel a reproché au RFI et aux médias français d’une manière générale, de ne pas mettre en exergue ce que ce groupe fait comme dégâts.
«Le Mujao, c’est un groupe terroriste, un groupe de narcotrafiquants. D’ailleurs, je suis très surpris que votre radio ne mette pas tellement en exergue tout ce qu’il fait comme dégâts dans la région», dit-il.
Abdelkader Messahel a qualifié le Mujao de groupe terroriste composé de narcotrafiquants notoires et connus, tout en appelant à faire «la distinction parce qu’on a l’impression, chez beaucoup, même nos frères au niveau du continent, que le nord du Mali est une région qui est prise en charge totalement par l’intégrisme religieux, par l’islamisme, par le narcotrafiquant. Non. Il y a des groupes qui tous les dix ans mènent des révoltes».
Abdelkader Messahel a rappelé que «l’Algérie ne découvre pas aujourd’hui le dossier malien et qu’il faut bien séparer les mouvements rebelles ma-liens des organisations terroristes», avant de préciser la position algérienne sur la crise malienne en affirmant : «Pour nous, il n’y a pas de négociation avec le terrorisme. Le terrorisme et le crime organisé, il faut les éradiquer. En revanche, dans le nord du Mali, il y a toujours eu, depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui, des rebellions, de manière assez récurrente.
Je pense que l’occasion est venue pour que ces groupes au nord du Mali se distinguent du terrorisme et du crime organisé, et en même temps qu’ils s’engagent dans un processus national qui préserve l’unité nationale du Mali et éloigne de ces groupes toute tentation d’indépendance, d’alliance ou d’une quelconque connivence avec des groupes terroristes.
Donc : négociations avec les groupes qui se démarquent du terrorisme et du crime organisé, dans le cadre de la prise en charge de certaines revendications légitimes des populations du Nord».
Enfin, interrogé sur la résolution du Conseil de sécurité qui vient d’être prise sur le Mali, Messahel a déclaré que le texte en question «prend en charge les préoccupations fondamentales de l’Algérie». «Je pense que la résolution du Conseil de sécurité qui vient d’être prise sur le Mali est l’expression d’une plus grande convergence. C’est aussi une résolution qui prend en charge nos préoccupations fondamentales.
La lutte et l’éradication du terrorisme, ce n’est pas un phénomène nouveau pour nous. Nous sommes un pays qui a beaucoup lutté contre le terrorisme et le crime organisé…», dit-il.
PAS DE SOLDATS FRANÇAIS AU SOL
Par ailleurs, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a assuré hier, dans un entretien accordé à France 2, qu’une intervention militaire africaine au Mali dans ce qui devient «un sanctuaire terroriste» pouvait avoir lieu dans «quelques semaines».
«C’est une question de quelques semaines, pas plusieurs mois, des semaines», a déclaré M. Le Drian. En ce qui concerne la participation de son pays à la guerre, le ministre a indiqué que «la France aide à la planification» et «apporte logistiquement ce qu’il convient d’apporter », mais «il n’y aura pas de troupes au sol», a-t-il réaffirmé.
«Aujourd’hui, le Sahel devient un sanctuaire terroriste», a argumenté M. Le Drian. Depuis le printemps, «un certain nombre de groupes, des centaines de rebelles, fondamentalistes, trafiquants d’armes, de drogue, d’hommes, ont séparé le Mali en deux. L’intégrité du Mali, c’est la sécurité de l’Europe», a encore déclaré le ministre français.
M.A.M.