Les pancartes vides attendent toujours les futurs candidats
Dans deux mois, l’Algérie élira un nouveau président de la République. Mais pour l’heure, on ne sent pas le moindre frémissement. La présidentielle de 2014 est d’une terrible aphasie.
Le compte à rebours a commencé. Exactement 12 jours nous séparent de la date butoire du 2 mars pour le dépôt du dossier de candidature et l’électrocardiogramme politique affiche continuellement une courbe plate. Pour les spécialistes, il ne fait pas de doute, le coeur ne bat plus.
Le pays est en effet dans un «coma politique» inquiétant. Jamais une élection présidentielle en Algérie n’a suscité autant d’indifférence chez les populations. Même aux pires moments de la décennie noire, la présidentielle de 1995 a suscité un intérêt populaire. Alors que le GIA menaçait, faisait exploser des bombes, massacrait et passait au couteau, les Algériens sont sortis dans la rue et défié cette machine de terreur. Ils ont animé des débats, ouvert des permanences de candidats et le jour du vote, ils se sont rendus massivement aux urnes. A l’annonce des résultats, l’Algérie, pourtant à l’époque happée par une incroyable spirale de violence, a surpris le monde entier: des femmes, des enfants des jeunes et des vieux sont sortis dans la rue fêter l’élection de Lamine Zeroual président de la République.
La même vivacité a marqué les présidentielles suivantes: de 1999, celle de 2004 et à un degré moindre celle de 2009. Or, à présent, on ne sent pas le moindre souffle, le moindre frémissement. La présidentielle de 2014 est d’une terrible aphasie. Dans deux mois, l’Algérie élira un nouveau président de la République mais pour l’heure, le pays reste suspendu à la décision du Président Bouteflika. Les questionnements, les interrogations taraudent aussi bien les observateurs que les candidats à cette élection: Bouteflika va-t-il ou non se présenter? Quand le fera-t-il? Pour les partisans du 4e mandat, ce n’est qu’une question de jours.
On avance même des dates. Selon certaines indiscrétions,M.Bouteflika a déjà enregistré son intervention télévisée dans laquelle il va annoncer sa candidature. «L’enregistrement dure 3 minutes et 57 secondes» précise-t-on. Encore une autre spéculation qui rajoute une couche au flou ambiant. Cela, au moment où une véritable cacophonie s’est emparée de la scène politique. Sur l’arène, les acteurs se multiplient à mesure que la date fatidique du 2 mars approche. Bouteflika freine des quatre fers et l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche a fini par user ses freins. Dans une déclaration publiée hier, M.Hamrouche a mis fin à son ermitage qui dure depuis 2008, année durant laquelle il avait cosigné avec Hocine Aït Ahmed et le défunt Abdelhamid Mehri, une proposition de sortie de crise. Cette déclaration de M.Hamrouche intervient une semaine après la sortie du trio Taleb Ibrahimi, Rachid Ben Yellès et Ali Yahia Abdennour.
Cette entrée en scène des grosses pointures dans le débat sur la présidentielle ne donne pas pour autant le cap sur l’avenir politique du pays. Sinon, la présidentielle est maintenue. La seule inconnue qui pourrait bousculer cet agenda reste l’évolution de l’état de santé de M.Bouteflika. Mais s’il se présente, les observateurs estiment qu’il passera comme une lettre à la poste. D’ailleurs, il n’est pas exclu que de nombreux candidats argueront et prétexteront «l’absence d’une structure indépendante de surveillance de cette élection» pour se retirer de la course, sachant qu’ils n’ont aucune chance devant le candidat Bouteflika. Pour le moment, l’heure est à l’expectative. Toute l’Algérie attend…
Nous sommes peut-être l’un des rares pays au monde qui trouve des vertus au statu quo. Les décideurs algériens inspirés on ne sait par quelle philosophie voient en cette posture une garantie pour la stabilité. A leurs yeux, le changement, le mouvement, est une dynamique porteuse de risques.