Le document que va présenter le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune devant les élus du palais Zighout-Youcef doit indiquer si sa feuille de route se démarque de celle de son prédécesseur.
C’est une valeur ajoutée aux défis qui se sont imposés au pays qui est attendue du remaniement voulu par le président de la République. L’arrivée d’une douzaine de nouvelles têtes au sein du staff gouvernemental ne relève pas d’une quelconque coquetterie ou d’une chasse aux sorcières qui consisterait à faire simplement remplacer des responsables par d’autres responsables. La conjoncture économique difficile que traverse actuellement l’Algérie ne le permet point.
Il s’agit donc bel et bien d’une mission d’une extrême importance qui engage l’avenir du pays. Le temps des tâtonnements, des discours populistes et de la langue de bois est révolu. Il faut aller droit au but. Du coup, un certain nombre de questions devient inévitable. Celle de la suite à donner au nouveau modèle de croissance économique hérité par le nouveau Premier ministre de son prédécesseur est centrale.
Est-ce un simple passage de témoin ou doit-il subir quelques correctifs? C’est probablement cette dernière option qui devrait être retenue car celle de l’abandonner purement et simplement doit être écartée étant donné les échos favorables qu’il a recueillis. Les instances financières internationales l’ayant porté au pinacle, il serait étonnant donc qu’il soit passé au scalpel. Cette initiative a séduit la Banque mondiale qui n’a pas la réputation de distribuer des bons points à tout vent.
«Nous regardons la mise en oeuvre de cet ambitieux programme avec beaucoup d’attention car beaucoup de pays, que nous représentons, peuvent tirer profit de cette expérience. Je pense, qu’avec les compétences disponibles au niveau du gouvernement (algérien), ce programme pourra être mis en oeuvre en dépit des défis existants», a déclaré Merza Hassan, porte-parole de la délégation de la BM qui a séjourné tout récemment chez nous. Un chantier qui doit mener le pays à être moins dépendant de son pétrole, de ses exportations d’hydrocarbures qu’il va falloir mener de pair avec les réformes ou les correctifs que doivent impérativement subir des mesures qui, au lieu d’attirer les investisseurs étrangers ont constitué des obstacles à leurs projets à travers le territoire national au moment où le pays s’adossait sur un matelas financier de près de 200 milliards de dollars. Une occasion ratée. Le tourisme ou l’agriculture en jachère depuis des décennies figurent parmi les secteurs qui peuvent constituer les fers de lance de la mise en oeuvre d’une économie productrice de richesses.
Leurs potentialités sont attestées. Et pourtant on ne se bouscule pas au portillon. La faute à qui? A plusieurs facteurs probablement. Et au 51/49% certainement qui est devenu une arme de dissuasion massive. Cette règle dite «51/49%» est prévue par l’article 4 bis du Code de l’investissement depuis l’année 2009. Son alinéa 2 précise: «Les investissements étrangers ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’un partenariat dont l’actionnariat national résident représente 51% au moins du capital social.».
Si elle est censée protéger les secteurs stratégiques ou les grands monopoles publics, elle a par contre découragé plus d’un investisseur par les contraintes bureaucratiques qu’elle recèle. Elle doit donc être considérablement assouplie si elle veut capter les capitaux étrangers nécessaires à la promotion de son économie et à la modernisation de son secteur bancaire obsolète. L’ex-ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb avait annoncé qu’elle «est appelée à disparaître en 2020, année de l’entrée en vigueur de la disparition des barrières tarifaires et l’établissement de la zone de libre-échange, conformément à l’Accord d’association avec l’Union européenne». Tebboune pourrait passer à l’acte bien avant.
Son objectif de réduire la facture des importations qui est passée de 56 milliards de dollars en 2015 à 46,7 milliards de dollars en 2016 autour des 30 milliards dollars d’ici la fin de l’année 2017 pourrait le conduire à cibler les subventions des produits de première nécessité. Le pain et le lait étant en principe «intouchables». Parmi les chantiers ambitieux qui doivent être concrétisés il y a celui des énergies renouvelables, symbolisé par le projet solaire photovoltaïque de 4050 MW que l’Algérie compte mettre en oeuvre. Il a été présenté lors du Forum international consacré au développement de l’investissement dans le secteur énergétique en Afrique qui s’est tenu, au mois de mars dernier, à Washington. «Le projet a été présenté par les organisateurs du forum comme l’un des plus importants en Afrique, devant contribuer à la transition énergétique du continent où la ruée vers le renouvelable se poursuit impulsée par la baisse des coûts de cette industrie»,avait rapporté une dépêche de l’APS datée du 10 mars. Quel est son but? «L’objectif étant d’asseoir une base industrielle dans le domaine du photovoltaïque», a assuré le P-DG de la Compagnie de l’engineering, de l’électricité et du gaz, Mohamed Arkab. L’appel d’offres a été lancé…Il repose sur la règle des 51/49%…Tiens, tiens.
Et qu’en sera-t-il du gaz de schiste? L’option a été abandonnée, voire gelée suite aux réactions et aux craintes qu’elle a suscitées au sein des populations locales et des défenseurs de l’environnement. La communication, cette autre lacune qui a caractérisé ses initiateurs, a été mal ficelée, la chute des prix du pétrole a scellé sa mise au placard. Abdelmadjid Tebboune remettra-t-il cette opportunité qui ne fait pas l’unanimité au sein de la société civile et de la classe politique? Son impopularité lui fait courir un grand risque. Comme cela sera le cas pour une éventuelle augmentation des impôts. En tout état de cause, le successeur de Abdelmalek Sellal devra faire étalage de ses talents d’équilibriste… c’est probablement ce qui a déterminé le chef de l’Etat à faire de lui l’homme de la situation. Celle de la rupture…