Au Tchad, les réfugiés africains rêvent de rentrer au pays plutôt que d’Europe

Au Tchad, les réfugiés africains rêvent de rentrer au pays plutôt que d’Europe

Au Tchad, les réfugiés africains rêvent surtout d’un retour au pays plus qu’ils ne regardent vers l’Europe, contrairement au Niger voisin, alors que la France a envisagé d’identifier les migrants et réfugiés « dès le territoire africain » lors d’un sommet avec ces deux pays lundi à Paris.

« Il faut se détacher des visions simplistes. Ce sont des gens qui veulent rentrer chez eux », explique Mbili Ambaoumba, représentant du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) au Tchad.

Le Tchad accueille environ 400.000 réfugiés, la plupart chassés par la guerre ou les attaques: 300.000 Soudanais dans l’est, 70.000 Centrafricains dans le sud et 8.000 Nigérians fuyant la secte jihadiste Boko Haram autour du lac Tchad, dans l’ouest.

Dans la région du lac Tchad, dans le camp de réfugiés de Dar es Salaam, les milliers de réfugiés qui vivent dans des tentes de l’ONU ont le regard tourné sur l’autre rive, vers leur Nigeria natal, a rapporté une journaliste de l’AFP lors d’un récent reportage dans la région.

« Les gens ici ne parlent pas d’Europe, ils veulent rentrer au Nigeria », confirme Jonathan Mani, professeur des écoles dans le camp, qui a fui son pays en 2015, surpris par l’attaque meurtrière de la ville nigériane de Baga par Boko Haram.

« Malgré la menace de Boko Haram, certains réfugiés de Dar Es Salaam rentrent à Baga pour essayer de reprendre des activités », témoigne-t-il dans ce camp où les conditions de vie sont difficiles, avec la faim qui menace.

Au Tchad toujours, le représentant du HCR se souvient encore des difficultés rencontrées pour sensibiliser des réfugiés centrafricains à un programme d’installation aux États-Unis en 2015-2016. « Ce sont des paysans, pas des gens qui sont allés à l’école ».

De nouvelles routes migratoires ?

Si les réfugiés au Tchad ne regardent pas vers l’Europe, l’immense pays de 1,3 million de km2 pourrait être traversé par des routes migratoires empruntées par des migrants en route vers la Libye.

En Méditerranée, plusieurs Soudanais et Sud-Soudanais ont raconté être passés par le Tchad pour gagner la Libye en raison de l’augmentation des contrôles à la frontière entre le Soudan et la Libye. Ils se sont confiés à une journaliste de l’AFP en août lors d’un reportage sur le navire l’Aquarius qui les a secourus.

« Nous sommes en train de chercher à comprendre ce qui se passe » dans le nord ou dans l’est du Tchad, explique M. Ambaoumba, qui parle de la ville d’Abéché (est) comme exemple d’un possible « hub » de transits de toutes sortes.

Rien à voir cependant avec le Niger voisin, où les flux migratoires de ressortissants ouest-africains (Gambie, Guinée Bissau, Guinée, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria….) sont documentés et chiffrés: en 2016, 335.000 migrants ont ainsi été observés à Agadez (nord du Niger) se dirigeant vers la Libye ou l’Algérie par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui en a recensé 111.000 regagnant Agadez dans l’autre sens.

A Paris lundi, des discussions lors d’un sommet européen sur les flux migratoires ont réuni les présidents tchadien et nigérien, Idriss Déby Itno et Mahamadou Issoufou, ainsi que le chef du gouvernement d’entente nationale libyen, Fayez al-Sarraj.

Le président français Emmanuel Macron a poussé l’idée d’une procédure d’asile en Afrique « dans des zones identifiées, pleinement sûres, au Niger et au Tchad, sous supervision du HCR ».

Cette idée a été accueillie froidement à N’Djamena. A Paris, le président tchadien Idriss Déby a surtout insisté avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou sur l’importance du développement pour réduire les flux migratoire.

La veille, son ministre des Affaires étrangères, Hissein Brahim Taha, avait rejeté l’idée de créer des « hot spots » (centre d’enregistrement des demandeurs d’asile) au Tchad : « Nous sommes contre ce projet qui risque de créer un appel d’air. Des milliers de candidats à l’immigration viendront chez nous », avait-il déclaré à Radio France Internationale (RFI).