Le parti islamiste Ennahda devra, sauf grosse surprise, remporter à une large victoire aux premières élections libres de la Tunisie avec environ 40% des voix, alors que les résultats définitifs du vote de dimanche pour une assemblée constituante ne seront annoncés officiellement que mardi. Ennahda s’attend à obtenir « environ 40% des voix », a déclaré lundi à l’AFP Samir Dilou, membre du bureau politique du parti Ennahda.
Le Parti démocrate progressiste (PDP), parti tunisien du centre-gauche qui était donné par les sondages en seconde position pour le scrutin, a pris acte de sa défaite, selon Maya Jribi, la secrétaire générale du PDP.
« Les tendances sont très claires. Le PDP est mal positionné. C’est la décision du peuple tunisien. Je m’incline devant ce choix. Je félicite ceux qui ont obtenu l’approbation du peuple tunisien », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Les islamistes largement vainqueurs

« On n’est pas très loin des 40%, ça peut être un peu plus un peu moins, mais on est sûr de l’emporter dans 24 (des 27) circonscriptions » du pays, a déclaré M. Dilou, citant « les propres sources » de son parti.
Le parti islamiste obtiendra « au moins 60 sièges » dans la future assemblée constituante de 217 membres, a déclaré plus tard à l’AFP un dirigeant du mouvement sous couvert de l’anonymat.
« Nous allons obtenir entre 60 et 65 sièges dans l’assemblée constituante », a déclaré ce dirigeant.
Les islamistes d’Ennahda étaient présentés comme les favoris de ce scrutin, à l’issue duquel sera formée une assemblée constituante de 217 sièges. Celle-ci désignera un gouvernement provisoire, rédigera une nouvelle constitution et avant de désigner un nouvel exécutif.
Double discours
Le parti islamiste se défend de vouloir imposer une application stricte des principes religieux à une société tunisienne habituée depuis la décolonisation à un mode de vie libéral. Pour les observateurs, le parti est tiraillé entre une direction modérée et une base parfois plus radicale.
Ennahda prône un islam modère, selon le modèle de l’APK, au pouvoir en Turquie, et tente de donner des dégages à ceux qui redoutent un scénario à l’algérienne. Elle affirme également ne pas vouloir imposer la charia, la loi coranique, comme source de loi en Tunisie.
Toutefois, de nombreuses analyses estiment que le parti de Ghanouchi adopte un double discours. A preuve, les violentes manifestations survenues à Tunis contre la chaîne privée Nesma TV ainsi que les manifestations contre l’interdiction du voile dans les universités.
Interdit puis ressuscité
Interdit durant l’ère du président, Ennahda devient ainsi la principale force politique en Tunisie. Son président, Rachid Ghanouchi, en exil en Grande-Bretagne depuis 1991, condamné à la perpétuité en 1992, est retourné triomphalement à Tunis peu de temps après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011.
Si elle était confirmée, la victoire d’Ennhada serait le premier succès enregistré par une formation islamiste dans le monde arabe depuis la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006.
En décembre 1991, le Front islamique du Salut (Fis) avait remporté le premier tour des élections législatives algériennes mais le scrutin avait été finalement annulé par l’armée.
La rupture du processus électoral avait alors plongé le pays dans un bain de sang.