Chiffres à l’appui, le conférencier a constaté que les exportations agroalimentaires de l’Algérie ont évolué de 110 millions de dollars en 1995 à 326 millions de dollars.
La diversification de l’économie algérienne ne se fera pas en dehors d’une révision profonde de son mode d’insertion à l’économie mondiale a estimé, hier, l’économiste Mouloud Hédir, lors “de la matinale de Care” organisée à l’hôtel Hilton à Alger. “On ne regarde pas dans la bonne direction”, a affirmé Mouloud Hédir, estimant que le débat économique se focalise sur l’importation, alors que les vrais problèmes, ceux des capacités de production et d’exportation, sont souvent éludés ou passés au second plan. Le conférencier a indiqué que “les trois phénomènes marquants qui façonnent la scène économique mondiale, l’innovation technologique, la transition énergétique et l’interdépendance croissante des économies, révèlent les fragilités et les retards de l’économie algérienne”. L’économiste plaide pour le changement “de paradigme dans notre approche des relations avec l’économie mondiale” et “en finir avec le concept infantile du prix du baril qui équilibre notre budget et nos comptes extérieurs”.
Pour lui, ce ne sont pas les performances à l’exportation du secteur pétrolier et gazier qui doivent inquiéter, mais celles de tous les autres secteurs de l’économie. Chiffres à l’appui, M. Hédir a constaté que les exportations agroalimentaires de l’Algérie ont évolué de 110 millions de dollars en 1995 à 326 millions de dollars. Durant la même période, l’Égypte a multiplié par douze ses exportations agroalimentaires. Dans le domaine industriel, “la sous-performance” de l’Algérie est criante par rapport à des pays comme l’Égypte, le Maroc ou la Tunisie. L’Algérie a importé 42 milliards de dollars de produits industriels en 2014 et elle en a exporté pour 1,203 milliard de dollars. Il est de même pour les services. Le déficit de la balance algérienne des services est structurel. Il est estimé à 7,3 milliards de dollars en 2015. En matière d’attractivité des investissements directs étrangers, les scores de l’Algérie sont médiocres. En termes de diversification des exportations, l’Algérie a pris du retard y
compris parmi les pays membres de l’Opep. Les seuls pays comparables sont la Libye et l’Irak, des pays en guerre.
“Il y a quelque chose qui n’est pas normal dans le fonctionnement de notre économie”, relève M. Hédir, affirmant que les insuffisances de commerce extérieur de l’Algérie sont d’abord des insuffisances de l’organisation interne de l’économie. “Dans une économie ouverte, ce ne sont pas seulement les entreprises qui doivent être performantes et soutenir la concurrence face à l’extérieur, mais également le système de régulation dans son ensemble”, a-t-il expliqué. “La performance de l’administration économique est un élément essentiel de la performance de nos entreprises”, a-t-il précisé. Citant, entre autres, le secteur des services, “particulièrement sous-performant”, le conférencier estime que les surcoûts de la chaîne des transports (maritime et logistique portuaire) impactent directement sur la performance des entreprises face à leurs concurrents étrangers. M. Hédir évoque aussi le régime actuel des prix, qui privilégie les subventions au consommateur sur les subventions au producteur, assimilé à une prime à l’importation qui annihile tous les efforts de développement de la production agricole nationale. Il a laissé entendre, par ailleurs, que les restrictions aux IDE s’analysent comme des primes à l’importation.
Évoquant la régulation des échanges extérieurs, l’économiste s’interroge pourquoi le système de défense commerciale n’est pas déployé sur le terrain et les réglementations pertinentes ne sont pas appliquées ? C’est le cas notamment des réglementations antidumping, anti-subventionnement et sur les sauvegardes, ainsi que la protection de la balance des paiements que tous les accords internationaux, entre autres l’OMC, prévoient. Mouloud Hédir estime que la diversification économique est inséparable d’une conduite à bonne fin des négociations d’accession de l’Algérie à l’OMC. Suggérant que le premier pas vers une intégration harmonieuse au marché mondial serait un retour au projet maghrébin, à travers la concrétisation du projet d’union douanière convenu depuis le début des années 1990.