«Toutes les unités hémodialyses privées sont impliquées dans les malversations.» C’est ce qu’a déclaré, hier, le président de la Société algérienne de néphrologie, dialyse et transplantation, le Pr. Tahar Rayane.
Des malades sont en train de s’acheter par des foyers mafieux appelés par la corporation des «maîtres chanteurs». L’ouverture des centres d’hémodialyses, selon lui «doit être organisée, évaluée et contrôlée».
Le Pr Rayane a estimé que la principale mission de ces centres consiste à «assurer correctement les soins aux patients et non en le gain facile», considérant que les autorisations d’ouverture de ce genre de centres de santé sont données d’une manière « arbitraire et anarchique» et les procédures à respecter «encore obscures et manquant de transparence.»
Par ailleurs, l’intervenant a estimé à presque 6 millions les Algériens qui présentent un risque d’atteinte rénale et à 1,5 million le nombre de ceux qui ont une maladie rénale chronique, précisant que cette affection touche 20% des hypertendus, 30% des patients dyslipidémiques, 25% des sujets âgés de plus de 60 ans et 60% des patients traités contre un cancer.
La prévalence de l’insuffisance rénale chronique terminale en Algérie chez l’enfant est estimée, quant à elle, à 150 nouveaux cas par année, a-t-il également précisé.
PARACÉTAMOL, GARE À VOUS APRÈS 30 ANS DE CONSOMMATION QUOTIDIENNE
La consommation régulière de fortes doses de paracétamol exposerait à un risque d’insuffisance rénale chronique sévère. C’est ce qu’a indiqué à la même occasion le Pr Rayane. Ce dernier a noté qu’un grand pourcentage d’insuffisances rénales terminales serait attribuable au paracétamol.
Rappelant que les principales causes des insuffisances rénales chroniques sont l’hypertension artérielle et le diabète, il a souligné que le souci majeur actuel concerne la qualité de la prise en charge des patients et de la sensibilisation.
Il a indiqué, à cet égard qu’«il ne faut pas seulement traiter ces malades, mais, aussi, s’occuper de leur qualité de vie». Outre les grossesses mal suivies, la mauvaise hygiène de vie des Algériens sont, pour plusieurs cas, à l’origine, d’insuffisances rénales.
Aucune enquête n’a été menée jusque là dans ce sens. Les Algériens consomment des aliments faits à base de blé de mauvaise qualité. Poussés par leur faible pouvoir d’achat, ils se rabattent sur des aliments couverts de noircissures et d’autres formes de toxines alimentaires.
Le conférencier a soulevé également de la lithiase à laquelle les populations vivant au Sud du pays font face. Il s’agit de la présence du calcul rénal dans un appareil ou un réservoir glandulaire (rein, vessie, vésicule biliaire). Cette affection est principalement due au sable.
SEULEMENT 1 000 GREFFES RÉNALES RÉALISÉES DEPUIS 1986
«Seulement» 1 000 greffes rénales ont été réalisées depuis 1986 pour des patients algériens souffrants d’insuffisance rénale chronique terminale, estimant que ce chiffre devrait représenter la moyenne annuelle de ces greffes.
S’exprimant au forum du quotidien El- Moudjahid, le Pr. Rayane a fait savoir que 600 greffes rénales ont été faites en Algérie depuis cette date, tandis que les 400 autres ont été réalisées à l’étranger, relevant que l’augmentation régulière du nombre de malades atteints de cette pathologie est «très préoccupante».
Il a ajouté que le nombre de nouveaux cas de malades présentant une insuffisance rénale terminale, qui nécessite un traitement soit par dialyse ou par transplantation, est estimé à 3 500 cas par an.
L’orateur a indiqué que la prévalence de l’insuffisance rénale chronique terminale en Algérie a atteint 408 personnes par million d’habitants en 2009, soulignant toutefois que le pays a connu un «essor important» dans le traitement de la maladie par le développement des méthodes substitutives de la fonction rénale.
Il a, ainsi, précisé que 13 000 patients bénéficient actuellement de ce traitement dans plus de 270 centres de dialyse répartis sur l’ensemble du territoire national, ajoutant que près de 400 patients sont traités par dialyse péritonéale.
Déplorant que « le traitement par transplantation rénale, qui constitue la meilleure méthode thérapeutique, ait été délaissé au profit de techniques plus onéreuses « hémodialyse et dialyse péritonéale », le spécialiste a appelé les parties impliquées dans la prise en charge de cette affection à l’élaboration d’un plan national de l’insuffisance rénale chronique.
Ce plan qui sera précédé, at- il dit, par la mise en place d’un registre national de l’insuffisance rénale chronique, permettra de mesurer en terme de prévalence, la répartition actuelle des patients selon les différents modes de traitement (dialyse et greffe), d’estimer l’incidence de la maladie et de connaître les principales étiologies et d’apprécier les besoins futurs.
Le plan proposé permettra également d’établir une carte sanitaire afin de « mettre un terme à l’ouverture anarchique des centres d’hémodialyse dans le secteur libéral et de mieux évaluer la qualité de prise en charge », a-t-il expliqué. Sur un autre volet, si la dialyse pour adultes, n’est pas conforme aux normes thérapeutiques reconnues, il n’en demeure pas moins pour le dialysé enfant, qui lui aussi paie pour sa maladie d’un côté, et pour la négligence d’un autre.
Ce qui est plus inquiétant pour la dialyse pédiatrique, c’est qu’elle est loin des normes médicales universelles, pour une simple raison, le kit d’accessoires utilisé pour l’enfant est le même utilisé pour l’adulte, alors qu’il est commercialisé sur le marché national ; à citer aussi le nombre réduit de néphrologues pédiatres.
L’Algérie compte seulement 300 néphrologues. Notons le, que la conférence a été organisée dans le cadre de la célébration de la journée mondiale du rein, qui coïncide avec le 11 mars de chaque année, et à l’occasion de la commémoration du trentième anniversaire de la création de la Société algérienne de néphrologie, dialyse et transplantation. Le thème retenu cette année est la prévention contre la maladie rénale diabétique.
Au sujet du don d’organe, le Pr Benabadji, néphrologue, chef de service à l’hôpital de Beni Messous, a estimé que le volume de dons d’organes est en deçà des attentes. Le prélèvement sur cadavre doit constituer, aujourd’hui, une urgence en raison du nombre de demandes que nous avons dans les différents hôpitaux.
« Il faut élargir le cercle des donneurs aux conjoints, et aux autres membres de la belle-famille, insiste-t-il. La législation actuelle stipule que le prélèvement d’organes ne peut se faire qu’à partir des donneurs apparentés : ascendants, descendants et collatéraux. Le spécialiste estime que ce cercle est « trop étroit et n’est nullement en mesure de répondre à un important besoin de santé publique. »
Il signale que 6 000 malades attendent et 80% d’entre eux ont moins de 60 ans. Notre but, aujourd’hui, est d’arriver à élargir le cercle des donneurs et commencer à prélever sur cadavres pour pouvoir arriver à satisfaire la demande qui doit être de 1200 greffes par an, « il faut que la législation soit au diapason de la science, on peut faire des miracles lorsque « l’on saura que les victimes sont souvent des personnes jeunes.»
Rebiha Akriche