Institut Cervantès d’Alger : Voix poétiques et passerelle culturelle entre l’Algérie, l’Espagne et la Tunisie

Institut Cervantès d’Alger : Voix poétiques et passerelle culturelle entre l’Algérie, l’Espagne et la Tunisie

Leïla Zaïmi

L’Ambassade d’Espagne en Algérie et l’Institut Cervantès, ont organisé, avant-hier, une table ronde autour de la thématique «Dialogue poétique, Nouvelles voix», avec les poètes Juan Carlos Abril (espagnol), et Achref Kerkeni (tunisien) et les poétesses algériennes Nosaiba Attallah et Amina Mekahli.

Cette rencontre a été l’occasion d’aborder la résidence culturelle de deux jours, récemment organisée par l’Institut Cervantès en Tunisie, qui a réuni les deux poétesses algériennes et les poètes tunisien et espagnol. Les quatre poètes ont également longuement parlé de leur expérience de la traduction poétique. Lors de cette rencontre, ils ont récité quelques textes poétiques dans les trois langues, français, arabe et espagnol. Ils ont partagé l’idée que « la poésie est composée de forme et de fond ». Ce qui rend la traduction complexe car «la traduction de la poésie ne comprend pas uniquement le sens ». Pour eux, «la poésie est un mode de vie et une suite à notre vie. Ce n’est pas un simple exercice d’écriture ».

D’une seule voix, ils assurent que le poète doit véhiculer les émotions dans son texte poétique car «le poète véhicule l’imprononçable». Le poète espagnol, Juan Carlos Abril, qui a partagé avec les présents son séjour culturel en Tunisie, a confié que «la résidence qui a eu lieu en Tunisie était très riche. Nous avons appris beaucoup de choses. C’était deux jours de partage et d’échanges intensifs. J’étais surpris par les similitudes existant dans les langues espagnole et arabe. Cette rencontre nous a aussi permis d’acquérir des connaissances dans la traduction de la langue de l’autre». Sur la traduction d’une langue à l’autre, Juan Carlos Abril estime que la traduction des poèmes est plus difficile et complexe, nécessitant beaucoup d’efforts. Pour lui, «le traducteur des poèmes doit être poète ou passionné de poésie afin de mieux transmettre, à la fois, le sens et les émotions du texte». Il souligne toutefois que malgré cette maîtrise du traducteur un «poème traduit n’a plus la même identité» car «un poème traduit est un texte autonome», estime-t-il. En outre, à propos du dialogue entre les civilisations, Juan Carlos Abril a souligné que «la poésie a la capacité d’éliminer les frontières qui existent entre les pays». 

Traduction, entre belle trahison et seconde écriture

Pour la poétesse algérienne de langue française, Amina Mekahli, l’objectif de la résidence artistique est de «créer un pont poétique entre ces trois pays». Considérant que «la poésie est un langage universel», bien qu’elle soit «la fille pauvre de la littérature». Elle a en, outre, souligné qu’au-delà de la barrière de langue, ces deux journées leur ont permis de vivre une expérience de traduction qui était à la hauteur des attentes de chacun et que «la rencontre a été marquée par une véritable synergie». Amina Mekahli a mis en exergue «l’angoisse qui s’installe quand l’auteur écrit ou s’exprime dans une langue qui ne lui appartient pas». Elle estime que «la traduction du poème reproduit l’esthétique du poème, pas seulement le sens». La poétesse algérienne Nosaiba Attallah trouve que la résidence artistique qu’elle a partagée avec ses confrères en Tunisie est une sorte de découverte sur plusieurs plans, notamment celle de l’autre qui ne partage pas la même culture. Elle souhaite, ainsi, «transmettre ses écrits à l’autre qui ne comprend pas sa langue». Elle considère que «le dialogue entre l’écrivain et le traducteur est important ».

De plus, elle exige que «le traducteur soit un poète». La poétesse ne partage pas la fameuse idée qui dit que «la traduction est une trahison», affirmant que «même si c’était une sorte de trahison, elle est jolie ». Pour le poète et chercheur tunisien, Achef Kerkani, «cette expérience m’a permis de découvrir la culture espagnole. Ce qui était très intéressant», estimant qu’il est essentiel de «développer la poésie». Pour lui, «on ne peut pas écrire de la poésie sans découvrir la poésie du monde entier». A propos de cette expérience de la résidence poétique, il dira qu’elle a été «est un bon prétexte pour tisser des relations entre l’Espagne et la Tunisie. Je souhaite que ce sera le début d’un bon projet culturel». Il souligne que «la traduction est autre forme d’écriture subjective et créative, qui donne aux poèmes une autre lecture et une autre vie au texte d’origine. La traduction est une deuxième vision de l’œuvre Un poème traduit n’est plus le même», et que « c’est en vérité une suite du premier texte qui implique les goûts du traducteur».