Insalubrité, malbouffe et intoxications,L enfer des restos U

Insalubrité, malbouffe et intoxications,L enfer des restos U
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Des milliards de dinars sont alloués chaque année par le ministère à la restauration universitaire. Sur le terrain, les conditions d’accueil dans ces restaurants ainsi que la qualité et la valeur nutritive des repas servis sont toujours décriées par les étudiants.

Les intoxications alimentaires sont fréquentes. Nous avons décidé de nous faire passerpour une étudiante, avec la complicité de résidentes dans des cités à Alger. Bouzaréah, Ben Aknoun et Ouled Fayet 3.

Il est tout juste 11heures 15. Des centaines d’étudiants sont regroupés à l’entrée du restaurant dela cité. L’ouverture est prévue dans quinzeminutes. Nous ne voulons pas attirer l’attentiondes agents, car pour faire un reportage dans une citéuniversitaire, il faut une autorisation. On se mêle à lafoule.

« Je préfère être parmi les premiers servies. Jesuis sûre d’avoir un plat chaud, et quelque chose debien. Les derniers sont généralement mal servis. S’ily a de la viande ou du poulet, les derniers n’y ont pasdroit. Aujourd’hui, c’est mon tour, je dois aussiapporter quelque chose pour mes copines de chambre. Si le repas est intéressant, on pourra en fairequelque chose pour le dîner de ce soir», nous confieune étudiante en tête de queue, une boîte en plastique dans le sac.

LG Algérie

Une autre surprend notre conversation. Après les présentations d’usage, elle se confie :«J’ai cours à 12h30, si j’ai de la chance, j’aurai le temps de manger, ce n’est pas toujours le cas. En période d’examen, le resto est à éviter. Le temps quel’on met à attendre, surtout le soir, ne nous permetpas de réviser correctement. En hiver, la nuit tombe très tôt. Des fois, faute d’éclairage, les filles évitent de s’aventurer après 19h00, il y a des étrangers qui rôdent ici».

Une poussée indique que les portes de la salle de 200 m2 est sur le point de s’ouvrir. L’odeur indique qu’il s’agit de lentilles. Un agent ouvre la porte et la marée se déverse dans une salle où les tables portent les «séquelles» du repas de la veille.Les chaises sont éparpillées. «Bienvenue au resto, il faut suivre les barrières, cela rappelle les couloirs d’élevage où l’on achemine les moutons ou les vaches vers les abattoirs, on y prête plus d’attention», nous confie une étudiante en psychologie.L’université de Bouzaréah compte trente-cinq mille étudiants. C’est le seul restaurant ouvert à midi pour tous. La plupart des étudiants mettent cinq à dix minutes pour manger. Au menu du jour, des les, deux morceaux de fromage en portion et unemandarine. Le bruit des plats en inox est assourdissant.

Les étudiantes aguerris demandent toujours  aux agents de leur donner leur nourriture dans des boîtes en plastique.«On ne sait pas si les plats sont bien lavés». Au bout d’une demi-heure, je me retrouve assise sur une chaise que j’ai du û netoyer avec un mouchoir.En face de moi, Rabah, un étudiant en français fait ses «emplettes». Il cache soigneusement le pain dans son cartable, mange rapidement ses lentilles et sa mandarine.  « Mon estomac a pris l’habitude. Quand je rentre chez moi, ma mère me fait toujours la remarque.

Tu as maigri mon fils. Je n’ose pas lui raconter ce qui se passe ici. Elle devine. Elle me gâte avec des repas copieux. Avant de venir ici, elle meremplit un sac de galette, d’huile d’olive, de gâteaux secs, de quoi tenir deux à trois jours sans passer par cet enfer».Un repas par jour Après Ben Aknoun, direction Bouzaréah. Ce qui nous a frappé dans le resto universitaire, c’est le nombre de chats qui déambulent en toute liberté partout.

«Nous avons plusieurs fois mangé sur la table où se trouvaient les chats. C’est regrettable !Nous ne sommes pas des prisonniers, mais nous sommes les futurs cadres de l’Algérie», nous confiet-on. Une étudiante de l’UGEA nous sert de guide.Elle a tenu à nous emmener derrière le restaurant.Un spectacle inouï s’offre à nous. Des déchets partout et des poubelles pleines à rebord, sans parler des odeurs. «On ne demande pas de la viande tout les jours.

Tout ce qu’on veut, c’est un minimum d’hygiène. Regardez, vous trouvez ça normal. Personne ne peut dire si des étudiants tombent malades à cause de l’insalubrité ou à cause de la nourriture. Siça se trouve, c’est à cause des deux.» Notre guide nous explique que les étudiants ont appris à se contenter d’un seul repas par jour. Dans chaque chambre, vous trouverez des bonbonnes de gaz ou des résistances électriques. Le matin, personne ou presque ne descend prendre son café au lait ici. Nous sommes obligées, si non, les cours devront commencer à 11h00 pour laisser le temps à tout le monde de prendre le petit-déjeuner»

. Les accidents dans lesrésidences provoqués par l’utilisation de bonbonnes

de gaz se multiplient. L’interdiction est formelle,mais les contrôles sont très rares.«La direction sait très bien qu’elle ne peut rien

faire.

Si elle décide de saisir toutes les plaques chauffantes, elle aura sur le dos des étudiants affamés. On ne règle pas un problème en en créant un autre ».Selon les informations recueillies sur place, une trentaine de cas d’intoxication alimentaire ont étés signalés dans cette université depuis le début de l’année universitaire. Sur ce sujet, notre guide nous fait une révélation. «On ne peut pas prouver que c’est dû à la mauvaise qualité des repas servis dans les restaurants de l’Onou. Les infirmiers ou médecins des cités refusent de signaler ces cas à la direction.»Devant cette situation ou les directions tentent de cacher les faits, il est donc impossible d’établir des liens de cause à effet entre intoxications, maladìes oumalaises et la qualité de la restauration universitaire.

Qu’en est-il quand il y a mort d’homme ?Le souvenir de Hafsa Nous continuons notre tournée. Direction, la citéOuled fayet 3. Une infrastructure plus récente, oul’on s’attend à trouver de meilleures conditions. Aulieu de cela, c’est le récit d’un drame qui nous attend,celui de Hafsa. Hafsa était résidente, venue de l’une des wilayas du Grand sud, elle aspirait à un avenir meilleur. L’une de ses copines de chambre nous raconte cette journée-là, avec beaucoup d’émotion.«C’était un jeudi, une journée que je n’arrive pas à oublier. Après plus d’une heure d’attente, Hafsaavait pu avoir un plat : des pâtes froides. Après le dîner, et une fois dans la chambre, elle a commencé à avoir des douleurs abdominales. On avait cru à une appendicite. Transférée en urgence à l’hôpital de Beni Messous, Hafsa succombe et meurt».

Cette histoire avait fait l’objet de quelques papiers dans la rubrique Faits divers dans les journaux. Personne ne sait si il y a eu une enquête et quelles sont les raisons qui ont fait qu’une étudiante est morte après avoir mangé dans un restaurant universitaire.Thoraya, une résidente en troisième année, visiblement très en colère déclare : «Il y a un seul menu dans notre cité, c’est bien les lentilles, les poids chiches ou bien des haricots blancs qu’ils nous servent dans la plupart du temps froids.

Vous avez sûrement remarqué qu’aux alentours de la cité, il y a plein de fastfood. Ils se font de l’argent fou grâce à notre misère». Une autre étudiante enchaîne :«Face à ces plats pauvres en valeur nutritive, laquasi-totalité des étudiantes  préfèrent acheter lesingrédients nécessaires  pour préparer les repas dansleurs chambres ou bien  se rendent dans la contraintedans des pizzerias et des fast-foods pour calmer leurfaim. La quasi-totalité des étudiantes que nousavons rencontrées se posent la même question : «Oùsont passés les budgets colossaux réservés par l’Etatpour améliorer les conditions de la restauration collective universitaire ?