Derrin Smith, lors de sa conférence de presse avant-hier à Alger
Ce sont les Anglo-Saxons qui monopolisent l’action sur le terrain au Sahel.
Revirement dans l’approche américaine sur la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Fini la politique du tout-sécuritaire. Aux opérations strictement militaires, les Américains se disent disposés à renforcer l’action humanitaire et privilégier le développement économique pour pacifier le Sahel. Les contours de cette nouvelle approche ont été exposés avant-hier, en fin d’après-midi, par le chef du groupe de travail spécialisé américain Manpads Task Force, Derrin Smith, lors d’une conférence de presse organisée au siège de l’ambassade des Etats-Unis à Alger. «Mon rôle consiste en la coordination des efforts entre les pays du Maghreb et ceux du Sahel pour mettre fin à la menace terroriste, mais ce travail nous donne également l’opportunité de dépasser la seule vision antiterroriste pour nous consacrer à l’aide humanitaire au Sahel et en Afrique du Nord», a déclaré le responsable américain. Le point de départ de cette nouvelle mission que s’assignent les Américains dans la région n’est autre que la Libye et avec comme première tâche les 20.000 missiles du régime d’El Gueddafi. «Ces armes, explique-t-il, pouvent être utilisées contre l’aviation civile et militaire.» Telle que présentée, cette menace donne froid dans le dos. C’est pour cette raison d’ailleurs que M. Derrin a rencontré lors de sa visite de deux jours à Alger, les responsables de l’aviation civile et des représentants de la lutte antiterroriste. Seulement, «il n’y a pas de preuves, d’indications confirmées qu’il y a des Manpads (missiles sol-air portables) libyens qui sont tombés entre les mains de malfaiteurs ou de groupes terroristes», a déclaré Derrin. Il l’affirme lui même que «la plupart des bunkers où il y avait ces équipements ont été détruits par les raids de l’Otan, la plupart se trouvent aujourd’hui ensevelis sous des tonnes de béton». Il affirme lui-même aussi que «la responsabilité du contrôle des armes libyennes relève du rôle souverain du gouvernement libyen et depuis l’annonce de la formation de ce dernier, la communauté internationale se tient prête à l’aider». Mais il faut aider ce gouvernement à retrouver ces armes et pour cela, la tâche sera d’une très longue durée car pour excaver les tonnes de béton sous lesquelles se trouvent les missiles libyens il faut beaucoup de temps. «Il faudra plusieurs mois et une coopération à long terme entre les pays du Maghreb et du Sahel afin d’inventorier ces armes et de bien les contrôler», a indiqué l’émissaire américain. Comme les Américains ne font pas les choses à moitié, «les mêmes mécanismes qui seront utilisés pour contrôler les missiles seront aussi utilisés pour contrôler la circulation des personnes, les trafiquants de drogue et de marchandise», a indiqué M. Smith qui n’a pas précisé, suite à une question qui lui a été posée dans ce sens, si ces actions ne vont pas chevaucher celles de l’Africom qui s’assigne exactement les mêmes missions. Jusque-là, l’Africom peut se targuer d’avoir une image clean qui montre des militaires américains soigner des pauvres à Djibouti, en Éthiopie et qui construisent des écoles au Malawi. Cet organisme, qui suscite encore un rejet au sein de ce qui reste des régimes africains, se contentera-t-il du rôle de la plus grande organisation humanitaire d’Afrique? Quoi qu’il en soit, les pays du Sahel ont tout à gagner dans la lutte contre le terrorisme à s’appuyer sur les financements et l’expertise américaine, et même européenne. La Manpads Task Force est un groupe américain créé en 2010, composé de représentants du département d’Etat, de ceux de l’Intérieur et de la Défense. Ce groupe travaille actuellement sur la menace terroriste engendrée par la prolifération de missiles sol-air à très courte portée, en provenance de Libye, au Sahel, où opèrent les djihadistes d’Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi). Aujourd’hui, le rôle de son groupe de travail est de prévenir et réduire le risque de prolifération de ce genre d’armes. Pour faire face à cette menace, M. Smith assure que l’Algérie, les autres pays de la région ainsi que la communauté internationale doivent jouer un grand rôle. «Nous continuerons à travailler dans le cadre de notre groupe de travail avec nos partenaires multilatéraux», a-t-il indiqué, dont l’Union européenne et l’Otan.