Des acteurs de la scène politique nationale expriment une certaine «inquiétude» quant aux retombées du conflit libyen sur l’Algérie ayant avec cet Etat plus de 1000 km de frontières.
Ce sentiment est partagé par les formations politiques et certains acteurs de la société civile dont Maître Ksentini, président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme. Ce dernier affirme que la menace est effective notamment avec la manifestation de parties étrangères dans les événements qui ont ébranlé la Libye.
Ce qui angoisse le plus serait, d’après lui, l’arsenal militaire dispersé dans tout le pays et le fait que les armes soient à la portée de tous. Celles-ci risquent de tomber entre les mains des terroristes. Au final, dira Ksentini, il s’agit d’une affaire «commerciale» et non de démocratie, ayant pour but de répartir des quotas pétroliers.
En ce qui concerne la position algérienne, Ksentini rappelle que notre gouvernement s’est tenu à l’écart en respect du principe de non-ingérence dans les affaires internes des Etats et malgré cela, il a été accusé à tort de soutenir El Kadhafi. Cependant, confirme-t-il, «l’Algérie a les mains propres», en dépit de ce qui se dit çà et là.
L’ATTITUDE ALGÉRIENNE N’EST PAS CALCULATRICE
Mme Saïda Benhabiles, ex-ministre et cofondatrice du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme contactée, hier, par téléphone, constitue un témoin vivant de ce que subit actuellement la population libyenne, étant donné qu’elle s’est rendue sur ces terres en mars, en avril et en mai derniers. La situation est assurément inquiétante si l’on sait que des anciens terroristes ont été libérés des prisons et des casernes sont ouvertes au tout venant. La menace est «effective», confirme-t-elle en l’absence d’un Etat et de la sécurité. Le risque existe non pas uniquement pour l’Algérie, mais pour tout le Maghreb et la Méditerranée. A ce titre, elle tire la sonnette d’alarme en vue d’arrêter de soutenir des groupes terroristes. Ce qui implique la «révision diligente de toutes les cartes politiques pour que la Libye ne soit pas dirigée par al Qaïda après avoir rejeté un «dictateur».
Pour ce qui est de l’Algérie, Mme Benhabiles affirme que la menace d’ingérence étrangère est réelle et ce, après avoir confirmé que l’ambition des grandes forces n’est pas du tout de défendre la démocratie mais de tirer profit des richesses pétrolières de la région. Il faut agir, dira-t-elle, pour mettre fin surtout à la prolifération des armes. Mme Benhabiles, qui appelle à une campagne de sensibilisation pour alerter l’opinion internationale sur les éventuels dangers de cette situation, estime que la position algérienne dans ce conflit a été «la plus sage» et son analyse a été exacte et vérifiable. L’histoire retiendra que l’Algérie a visé juste et son attitude n’a pas été du tout calculatrice. Il faut qu’il y ait un déclic pour que les grandes puissances cessent de «jouer avec le feu», prévient-elle.
«LA SITUATION EN LIBYE N’EST PAS DE NATURE À FAVORISER LA SÉRÉNITÉ EN ALGÉRIE»
Du côté des partis politiques, M. Miloud Chorfi, porte-parole du RND, adhère à la position algérienne ayant de tout temps été contre toute ingérence dans les affaires internes des Etats. Le Rassemblement réclame de ce fait «l’application du principe de réciprocité», à savoir ne pas s’immiscer dans les affaires internes de notre pays. M. Kassa Aïssi, membre du bureau politique du FLN en charge de la communication, rappelle que le parti de Abdelaziz Belkhadem a, bien avant le déclenchement de la crise libyenne, alerté l’opinion nationale sur le risque de déploiement des armes dans la région du Sahel devenue un lieu de circulation des réseaux des trafiquants de drogue et autres.
Le conflit libyen a empiré les choses, car devenu «une poudrière à ciel ouvert». Aussi, l’instabilité et l’insécurité en Libye sont «aggravées» par l’intervention étrangère, explique Aïssi qui confirme que le danger augmente si la situation n’est pas rétablie à nos frontières. Surtout qu’on essaye à tout prix d’impliquer l’Algérie dans cette crise. Il faut chercher, de ce fait, à comprendre, selon lui, d’où vient la menace car «la situation en Libye n’est pas de nature à favoriser la sérénité en Algérie», déclare-t-il.
M. Fateh Rebei, secrétaire général du mouvement Ennahda, a confirmé aussi que son parti a demandé à l’Etat algérien d’intervenir pour préserver ses intérêts des dangers de l’ingérence étrangère. Il regrette le fait que la Ligue arabe n’a pas joué de rôle pour aplanir le conflit avant que les services secrets internationaux ne soient postés tout au long des frontières.
L’Algérie, déclare-t-il, se doit d’avoir sa propre vision pour faire face à cette menace et de nouer des contacts avec le nouveau gouvernement que l’on s’apprête à mettre en place en Libye. Une chose est sûre, admet-il, «la prochaine étape mettra l’Algérie dans une situation délicate compte tenu des calculs de la France, impliquée dans la crise libyenne». Rebei est convaincu que cette question dépasse les formations politiques, car relevant des parties en charge de la politique étrangère du pays. Il faut activer, selon lui, sur trois fronts : l’Union du Maghreb, l’UA et la Ligue arabe.
Moussa Touati, président du FNA, est arrivé à la conclusion suivante : «L’ingérence économique attire sans nul doute l’ingérence politique». Pourquoi avoir signé moult traités internationaux pour ensuite exprimer des appréhensions à l’égard des étrangers ?
Cette question doit être posée, dira-t-il, aux hauts responsables qui doivent faire preuve, selon lui, de bon sens et de beaucoup de vigilance, intérêt de la nation oblige.
A noter que le Parti des Travailleurs a annoncé l’organisation avant la fin de l’année d’une conférence nationale de l’urgence contre l’ingérence étrangère et de défense des souverainetés des peuples. Prendront part à cette conférence, plusieurs partis politiques aux côtés d’opposants à ces guerres appartenant aux pays qui participent à la guerre menée contre la Libye. Louisa Hanoune a réaffirmé son soutien à la position algérienne concernant la situation qui prévaut en Libye, la qualifiant de position «indépendante et courageuse» visant à préserver «la sécurité et la souveraineté de la Libye».