Dans l’ouest du pays, les hôtels sont classés entre 0 et 5 étoiles. Mais si les hôtels sans étoile le sont vraiment, ceux étoilés ne semblent pas vraiment l’être. Avec toute la meilleure volonté du monde des pouvoirs publics, les infrastructures hôtelières ne peuvent s’améliorer ni répondre aux normes que… si les gestionnaires de ces hôtels le veulent bien !
Oran. L’une des rares villes les plus riches en matière d’infrastructures hôtelières en Algérie. Il y en a pour tous les goûts, pour toutes les catégories et pour toutes les bourses. D’hôtels de luxe avec groom à l’entrée aux petits hôtels « modestes » cachés dans la pénombre des vieilles bâtisses dans les vieux quartiers. Mais les hôtels qui sont à la mode ces derniers temps, pour les touristes d’affaire du moins, sont Ibis (3 étoiles) et le Méridien, 5 étoiles. Des infrastructures neuves, très modernes, dont les tarifs, cependant, font sourciller certains touristes étrangers. Comme cet homme d’affaires tunisien qui trouve que les prix d’Ibis notamment sont « exorbitants ».
« Il y a des hôtels en Europe, de la même catégorie, qui proposent la moitié des prix affichés par cet hôtel », assure-t-il. L’hôtel Royal, une vieille bâtisse rénovée par le célèbre homme d’affaires Djilali Mehri, affiche également des prix trop élevés, 22 000 DA, la nuitée en moyenne. Mais il faut dire que cet hôtel destiné à une certaine catégorie de clients, composée essentiellement de riches hommes d’affaires, est un cas unique dans le décor comme dans les prestations.
LE ROYAL INTIMIDE !
L’accueil y commence, en effet, à l’entrée et avec… des roses pour les dames. Un traitement auquel les Oranais, en particulier, ne sont pas habitués. Une fois à l’intérieur, tout le personnel est aux petits soins et le décor est un plaisir pour les yeux. Simple mais raffiné. Les tableaux accrochés aux murs sont pour la plupart signés par Nacer Eddine Dinet. Des originaux dont la sécurité doit coûter une petite fortune ! Tout cela a de quoi intimider les « simples » citoyens qui n’osent même pas franchir le seuil de l’hôtel. La porte d’entrée est la seule chose que ces derniers osent admirer. « Il est vrai que l’hôtel est destiné à une certaine catégorie sociale, mais il est ouvert néanmoins à tout le monde. Je pense qu’un client moyen peut prendre un café chez nous à 200 DA tout en profitant du décor et de l’ambiance feutrée qui caractérise l’hôtel. Car ici, point de distractions. Nous n’avons ni discothèque ni cabaret », confie Sonia Belhadi, directrice commerciale de l’hôtel. Des instructions ont été données au personnel, fait-elle savoir, pour accueillir de la même façon toux ceux qui pénètrent dans l’hôtel, qu’ils soient vieux ou jeunes, riches ou pauvres. « Nous ne sommes pas exigeants en matière de tenues vestimentaires pour mettre les gens à l’aise et les encourager à franchir le seuil de cet hôtel qu’ils croient, à tort, interdit », affirme-t-elle. Des experts dans le secteur touristique, le conseiller du ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Said Boukhelifa, entre autres, estime que le Royal est le meilleur hôtel en Algérie et que les hôtels 5 étoiles devraient suivre son exemple en termes de prestations de service. Des hôtels comme Eden Palace, par exemple, situé à El Ayoun, au bord de la mer à quelques kilomètres du centre-ville d’Oran. Un complexe plutôt, au décor intéressant, mais dont les services laissent à désirer. Fréquenté surtout par des hommes d’affaires algériens friands de plats traditionnels épicés et de musiques de cabaret. Le genre d’endroit qu’un père de famille refuserait d’y franchir le seuil avec ses enfants. D’autant plus que, le soir, l’intimité des clients n’est pas vraiment préservée à cause du tapage musical d’une part, et l’attitude bruyante de certains clients qui n’ont aucun respect pour le repos des autres. Tout cela sous le regard indifférent des personnels. Pis encore, la sécurité ne semble pas non plus garantie. Des clients se sont plaints d’avoir perdu leurs i-phones dans leurs chambres. Celui qui passerait une nuit dans ce « palace » n’a pas intérêt à oublier son téléphone ou autre chose d’ailleurs. Il risque de ne plus les revoir !
EDEN, LE PARADIS DÉCHU
Quant à se promener au bord de la mer, juste à proximité de l’hôtel, cela relève de l’impossible. « Il y a des voyous qui guettent les promeneurs nocturnes et nous n’avons aucun moyen de les en empêcher », confie l’un des employés de l’hôtel. Cela dit, l’Eden ne risque pas de faire faillite pour autant, grâce notamment à une certaine catégorie de clients qui raffolent de ce genre d’endroit et aux « distractions » que propose le complexe, tels les discothèques. A ce propos, en matière de contrôle dans ce genre d’endroit, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat s’en lave les mains. « Cette responsabilité incombe aux services du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales qui doivent veiller pour que ce genre d’endroit n’autorise pas certains dépassements », souligne M. Boukhelifa, en estimant qu’Eden ne mérite pas ses 5 étoiles. Mais l’Eden n’est pas le seul qui ne mérite pas ses étoiles dans l’Oranie. El Ouancheriss, trois hôtels, inauguré en 1999 par Abdelaziz Bouteflika, n’est plus ce qu’il était en ces temps-là. Son extension par contre, pourrait facilement, une fois achevée, être classée 3 étoiles. C’est du moins l’avis des experts rencontrés sur place. A condition toutefois que le passage menant à l’hôtel soit libéré du marché informel qui encombre les ruelles environnantes. Si cela continue, les futurs touristes et clients devront enjamber les chaussures et les vêtements bon marché étalés sur les trottoirs pour pouvoir accéder à l’hôtel ! Sans oublier les mendiants, se tenant devant l’un des angles de l’hôtel, qui ne manqueront pas de les interpeller au passage ! On ne peut pas dire que l’image de marque de cet hôtel soit soignée ! Espérons qu’elle le sera bientôt puisque la wilaya a développé un projet ambitieux dans le domaine touristique. Car contrairement à ce qu’on le croit, Chlef est doté d’un potentiel touristique énorme bien que très peu connu. « On oublie souvent que Chlef représente 120 km de côtes, soit 10 % du littoral algérien. 38 plages sont recensées dont 26 autorisées à la baignade, fréquentées par une population locale et régionale. Notre stratégie est de développer le tourisme national et nous visons les bourses moyennes », indique Mohamed Zoubir Sofiane, directeur du tourisme et de l’artisanat de Chlef, qui a attiré quelque 40 000 touristes en 2011, 70 % nationaux et 30 % étrangers. Ténès à elle seule est un petit bout de paradis auquel la main de l’homme n’a pas encore touché. Et c’est bien dommage, car pour y séjourner, les passionnés de la mer n’auront d’autre choix que d’y camper !
LE TOURISME SE CONSTRUIT À CHLEF
A moins de se contenter des « prestations » bien mauvaises des deux petits hôtels qui y sont implantés et qui ne sont pas encore classés. Hôtel Fellag notamment qui ne répond à aucune norme ! Hélas, dans cette région, aucun projet touristique précis n’est encore enregistré même si la demande existe. En fait, le problème se pose au niveau du foncier qui n’est pas encore prêt pour accueillir des investissements. Pourtant, Chlef jouit d’un foncier touristique classé qui s’étend sur plus de 1600 hectares, traversé par dix zones d’expansion touristique (ZET), en plus de trois autres ZET en cours de classement, qui augmentent ce foncier de 40 %. Mais avant l’exploitation, il faut d’abord procéder à l’aménagement des terrains, déterminer les parcelles de terrain sur lesquels seront assises les infrastructures touristiques. L’étude des sites déjà prend du temps, parfois des années. Surtout que les ZET n’ont été introduits que récemment en Algérie. Ensuite, il faut approuver cette étude, préparer les plans d’aménagement, les exécuter sur le terrain,… « Dans ce cadre et dans le programme quinquennal, Chlef a bénéficié d’une enveloppe de 12 millions de DA pour l’aménagement de trois ZET, à Maynis, Oued Hamadi et Oued Gheza. Les plans d’aménagement sont en cours de réalisation et seront réceptionnés à la fin de 2012. Les infrastructures prévues dans ces projets devront fournir une capacité de plus de 6000 lits », signale M. Mohamed Zoubir. A cela s’ajoutent des projets de douze hôtels privés d’une capacité de 1200 lits, qui sont en cours de réalisation ou sur le point d’être achevés. Au mois de juin prochain, une résidence touristique à Beni Haoua d’une capacité de 300 lits sera réceptionnée ainsi qu’un hôtel de 42 lits au chef-lieu de la wilaya de Chlef. Le Géant, un hôtel 5 étoiles privé d’une valeur de 400 millions de DA sera également ouvert l’été prochain… à condition qu’il trouve le personnel qualifié. « Nous ne savons pas où trouver ce personnel… s’il existe ! », confie le propriétaire de cet hôtel. Au fait, deux formules sont proposées aux nouveaux propriétaires afin d’assurer des prestations de qualité. Où bien engager un personnel et le former chez les opérateurs touristiques qui ont déjà fait leurs preuves ou bien les former chez les instituts de formations touristiques, les week-ends. Les nouveaux opérateurs peuvent aussi recevoir des formateurs au niveau de leurs hôtels et former leurs personnels sur place. Ils peuvent aussi imiter l’hôtel Royal qui recycle chaque année à l’étranger son personnel, issu de nos écoles. « Il ne suffit pas d’investir dans les murs. Il faut aussi savoir investir dans les compétences sinon l’infrastructure finira inévitablement par s’écrouler », estime Djamel Chaalal, conseiller en communication du ministre du Tourisme et de l’Artisanat en assurant que la direction centrale de la formation peut apporter un soutien, financier notamment, aux nouveaux opérateurs touristiques.
HÔTELS PRIVÉ EN QUÊTE DE MAIN-D’ŒUVRE QUALIFIÉE
Mostaganem y pense justement avec la création prochainement d’une école de tourisme dans le cadre de la formation professionnelle. Les opérateurs privés en exercice dans cette wilaya sont aussi appelés à remettre à niveau leur personnel et à se conformer à l’opération de classement d’ici la fin du mois de juin. « Mais ils sont réticents car ils seront contraints de dépenser de l’argent. Mais ils sont obligés de le faire s’ils ne veulent pas voir leurs hôtels disparaître ! », relève Amel Bouzaza, directrice du tourisme de la wilaya de Mostaganem. Une ville où le tourisme se construit également. Son potentiel dans ce domaine n’est plus à démontrer. Ses magnifiques plages, très proches du centre-ville, très larges pouvant accueillir des milliers d’estivants, ont attiré en 2011 quelque 9 millions d’estivants.
Du côté des Sablettes notamment (situé au centre-ville), une quarantaine de projets touristiques y exhibent déjà leurs piliers ainsi qu’un peu partout à Mosta. Sans compter les ZET qui sont, soit en cours d’étude, soit sur le point de l’être. Il faut dire que la ville entière est en chantier et pas seulement d’un point de vue touristique. Mais d’après l’allure des nouvelles constructions en cours ou sur le point d’être achevés, joliment conçues, la nouvelle ville de Mosta ne manquera pas de charme. En tout cas, cela plaira certainement aux pieds-noirs qui affectionnent particulièrement cette région. Une catégorie de touristes que cible Mostaganem et encourage l’édification de nouvelles infrastructures hôtelières. Les pieds-noirs d’ailleurs y viennent surtout pour des raisons affectives que pour faire du tourisme. Car mis à part les plages qui attirent les estivants, Mostaganem n’offre que des sites culturels délabrés pour la plupart ou envahis par les détritus. Comme c’est le cas d’ailleurs de la plupart de nos villes. Et dans ce cas là, on ne peut que s’interroger sur le rôle des ministères de la Culture et de l’Environnement dans la promotion du tourisme. Ne dit-on pas que le tourisme, c’est l’affaire de tous ?
F. B.